Ces mini-bambiesqui jouent aux bimbos

Détrompez-vous ! Il n'y a pas que les femmes adultes qui jouent aux bimbos. Ces dernières années, des mini-bambies à la fleur de l'âge leur emboîtent le pas. Cependant, des pédopsychologues se posent mille et une questions sur les aléas de ce phénomène, à prendre avec des pincettes.

Elles ont entre 6 et 16 ans, font partiede la jeunesse dorée du Maroc dutroisième millénaire et passent leplus clair de leur temps à se pomponner,telles des starlettes. “Elles”, ce sont ces mini-femmes qu’on croirait tout droit sortiesdes “Anges de la Téléréalité”, des mini-bambiesbien de chez nous, des collégiennes,lycéennes ou fillettes à l’école primaire quine songent plus à jouer à la Barbie, mais quiveulent carrément lui ressembler…Les magasins de prêt-à-porter destinésaux petits et moyens budgets ne sont plus àleur goût, car elles vouent un amour inconditionnelaux marques de haute couture deluxe et s’habillent, à quelques détails près,comme leurs idoles Kim Kardashian, Miley Cyrus ou encore Shakira et Beyoncé. Etpuisque la carte Gold de leurs mamounettesle permet, elles suivent, au pied de la lettre,la mode française et sa voisine italienne.Pour chasser l’ennui de leur petite bulle,elles se plaisent à passer des heures et desheures entre séance au spa, au hammam, chezle coiffeur, dans des instituts de beauté, etc.“Ma fille, âgée de sept ans, est une lolita en herbe.Malgré son jeune âge, elle ne songe qu’à son physique,sa garde-robe, sa collection de maquillagesigné et son rayon beauté qu’elle s’est inventéedans sa chambre et dans notre salle de bain. Sonjour préféré est de loin le samedi. Elle se lève auxaurores pour me demander si j’ai confirmé sonrendez-vous avec sa coiffeuse : ou plutôt la nôtre.Je l’ai moi-même initiée à la manucure, pédicure etau brushing un tantinet light. J’ai conscience d’êtreson modèle féminin. Elle m’imite au plus hautpoint et cela ne me rebute aucunement. A mon sens,cela n’a rien d’incongru. Elle se pouponne, c’esttout”, témoigne non sans insouciance Jihane,attachée de presse dans une agence de communicationde la place. Et d’ajouter : “Danssa garde-robe, nous pouvons, à titre d’exemple,trouver des tenues signées Gucci, des sacs Lacosteet des chaussures Louis Vuitton. Je veux avoir unefille unique et lui offrir le meilleur. Je lui apprendségalement à rester modeste, à respecter de noblesvaleurs. Contrairement à ce que d’autres pourraientcroire ou dire, je ne pense pas être une mauvaisemère. Il est vrai que la moindre petite robe dema fille coûte 3.000 dirhams, mais je suis prête ày mettre le prix. Après tout, mon salaire et celui deson père nous permettent de l’élever comme unepetite princesse. Autant le faire !”Si les petites robes de cette enfant coûtent3.000 dirhams,sa maman précise qu’elle luioffre des séances de spa dans les plus beaux hôtels cinq étoiles. La seule séance de trenteminutes vaut 800 DH dans ces endroits priséspar ces mini-ladies bien de chez nous.A l’instar de Jihane, Nihad, une Marocainede France, est une sacrée “Mère Noël”. Assistanteen marketing dans une maison deconstruction automobile, elle n’hésite pas àrépondre aux caprices de sa fille de dix ans,qui n’a de fillette que le nom. “Lorsque nousvivions à Ambérieu-en-Bugey, il y a cinq ans àpeu près, ma fille participait à des concours demini-miss. Etant donné qu’elle a été dauphineà plusieurs reprises, elle n’a qu’un seul rêveaujourd’hui : devenir une star. Une vedette duseptième art, un mannequin, ou n’importe quelmétier qui la propulserait sous les feux de larampe. Et elle s’entraîne d’arrache-pied pour yparvenir !”, ironise-t-elle, avant de continuer :“Sa chambre est presque plus sophistiquée quela mienne. Les strass, les paillettes et les produitscosmétiques de luxe sont partout. Sa garde-robe,elle, rivalise de beauté avec celles des célébrités deson âge. Bref, ma fille rêve de bling-bling et il estde mon devoir de l’aider, voire de la protéger pourl’empêcher de tomber dans les excès”.

Des fashionistas enherbe

En cet après-midi ensoleillé de février, noussommes allés au Morocco Mall. Il est 16heures pétantes et nous sommes devant lemagasin Louis Vuitton, le quartier généralde toute fashionista qui se respecte. A l’entréedu grand magasin, deux “mini-babes”attirent d’emblée notre attention. Sans fairela fine bouche, elles se sont facilement prêtéesau jeu des questions-réponses. “Je suisune fan inconditionnelle de cette boutique. Jel’adore, j’y trouve tout ce que j’aime. De la bonnequalité, un design qui fait rêver et un prix, à mongoût, justifié”, annonce Sarah, 15 ans. “Moi jesuis carrément une collectionneuse de sacs deluxe et cette boutique répond très bien à mes attentesen matière de style, surtout”, cautionneson amie Mélinda, 15 ans également, qui poursuit : “Nous étudions dans des lycées privésoù la mode est aussi importante que le niveauscolaire des élèves. Bien évidemment, les garçonssont également des fashion victims mais pas autantque nous”, ricane-t-elle, avant d’être interrompuepar son amie qui précise que “lesgarçons sont épargnés des sacs, des séances debrushing et de make-up. Nous sommes donc lesfashionistas number one”, précise-t-elle avecun anglais très frenchy…Mélinda et Sarah ne sont certainement pasles seules jeunettes à n’avoir d’yeux que pourles accessoires de luxe. Pour Karim, vendeurchez Gucci au même centre commercial,chaque semaine que Dieu fait, pas moinsde 30 jeunes clientes – faisant visiblementpartie de la classe riche du pays – procèdentà l’achat d’un vêtement ou d’un accessoirede sa boutique. D’autres demoiselles ne fontque visiter les lieux, pour se faire une idée duprix ou du modèle de l’article qui semble lesintéresser et renoncent à son achat, “vraisemblablementà cause de son prix qui dépasse lesalaire minimum marocain”, subodore-t-il. Etd’ajouter : “Si l’on devait établir un pourcentagede fidélisation de notre jeune clientèle féminine,cela ne dépasserait pas les 2 %. Il faut dire quela quasi-totalité de nos clients est composée defemmes ou d’hommes adultes”.

Les spécialistes enparlent

Malgré les airs guillerets du phénomène, lespédopsychologues s’accordent à mettre engarde certains parents insoucieux de l’aspectextravagant de la chose. “Il n’y a aucunmal à être une belle fillette, à vouloir s’habillerjoliment, à entretenir un style un tant soi peusophistiqué, à vouloir découvrir ses formes defuture femme ou à mettre en valeur ses qualitésféminines relatives au “paraître”, à la beauté età l’élégance. Idem pour le port de vêtements deluxe et le maquillage adapté aux fillettes. Toutefois,il ne faut pas que cela atteigne l’extravagance,ou pire encore, l’hypersexualisation oula sexualisation précoce de ces lolitas”, lanceBouchaib Karroumi, pédopsychologue.“Depuis la petite enfance, et ce, jusqu’aux premièresannées de l’âge adulte, une jeune fille estcensée concentrer toute son attention et touteson énergie sur l’apprentissage et le savoir.Cela ne l’empêche pas d’être belle et de prendresoin d’elle, de sentir bon, d’être bien coiffée etbien habillée. Elle peut même marcher sur lespas de sa maman, mais sans abus. Néanmoins,il est gravissime, voire choquant, qu’un parentpuisse inculquer à sa fille, directement ou indirectement,que la séduction est indissociable dela réussite. Parce que cette même enfant pourraitse permettre de croire, quelques décenniesplus tard, qu’elle est plus importante que sescollègues qui s’habillent de manière ordinaire.De même, il faut rappeler que même dans lessociétés occidentales, la sexualisation de l’enfanceest criminalisée, parce qu’elle cause destroubles de comportements chez la jeune enfantou la jeune adolescente. Inutile, aussi, derappeler que ces filles ne sont pas supposéesavoir une vie sexuelle à leur âge, ajoute le spécialiste.Il ne faut pas non plus que la précocitédu maquillage ou du port de lingerie mènentau porno-chic. Une jeune fille doit uniquementplaire par son innocence, sa pudeur, son éducationet ses valeurs”, conclut-il. â—†

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