Le plafond de verre n’est pas uniquement professionnel. Il se trouve aussi également à la maison lorsque la femme épouse un homme qui met des entraves à sa carrière ou lorsqu’elle devient maman. C’est le plafond de mère, un plafond qui met souvent un frein à la carrière des femmes. À cet égard, les chiffres du HCP sont criants: moins de 20% des Marocaines sont actives. Une situation à imputer à différents facteurs dont, entre autres, le mariage et la maternité. “Le travail féminin est encore perçu dans la société marocaine comme étant transitoire et provisoire”, analyse Leila Bouasria, anthropologue et Auteure de “Les ouvrières marocaines en mouvement”. Souvent cantonnées dans les formes les plus précaires du travail, les femmes se trouvent dans l’obligation d’arrêter de travailler pour se dédier au foyer. Des femmes diplômées, parfois occupant de bons postes, mettent leur carrière entre parenthèse pour élever les enfants ou suivre leur époux lorsque ce dernier est appelé à occuper un poste plus valorisant dans une autre ville ou un autre pays. Mais il est bien rare de voir un mari sacrifier sa carrière pour accompagner sa femme lorsque cette dernière obtient une promotion.
“Un homme n’a pas à imposer à sa femme d’arrêter de travailler si celle-ci ne le désire pas, car cela risque d’engendrer frustration, voire dépression. La femme ressentira cela comme un échec dans sa vie personnelle et professionnelle”, souligne Ghita Alami, psychologue clinicienne et présidente de l’association marocaine de psychologie. Mais lorsque la femme est confrontée à l’obligation d’arrêter son activité professionnelle, la psychologue conseille à cette dernière de prendre le temps de mûrir cette décision. “Il ne faut surtout pas prendre cette décision dans des moments de faiblesses, de fragilité ou de dépression… Cette décision doit aller dans le sens de son propre désir. La femme qui décide d’arrêter de travailler doit être en sécurité d’un point de vue psychique et financier pour ne pas avoir à regretter son choix”, précise-t-elle.
Maman au foyer
Le schéma familial traditionnel qui conforte l’image de l’homme qui fait carrière alors que la femme élève les enfants à la peau dure : la croyance selon laquelle la carrière d’une femme est moins importante que celle d’un homme persiste toujours. Les normes conservatrices en vigueur, tout comme les fausses croyances et les stéréotypes sexistes en cours dans le monde du travail, se conjuguent pour reléguer les femmes dans la sphère domestique. “Au Maroc, certains hommes aimeraient rencontrer des femmes à la fois modernes, autonomes financièrement, belles, carriéristes et intelligentes, mais lorsqu’ils se marient, ces mêmes femmes doivent, tout d’un coup, devenir, “traditionnelles”, en consacrant notamment beaucoup de temps à leur foyer”, analyse la psychothérapeute Ghizlaine Chraïbi.
En fait, le travail des femmes à l’extérieur défie les structures traditionnelles du partage des tâches. Tout est dès lors mis à contribution pour en stopper l’évolution. “Un homme et une femme, issus d’une même promotion, et ayant la même formation n’auront pas le même parcours professionnel. Le premier pourra, au bout d’une quinzaine d’années par exemple, atteindre un poste de responsabilité et un salaire conséquent auxquels elle ne pourra jamais prétendre. Les raisons en sont nombreuses : elle n’a pas démarré sa carrière professionnelle en même temps que lui, elle aurait enchaîné les congés de maternité et des absences pour veiller sur un enfant malade, etc., car elle aurait fait passer sa famille avant sa carrière…”, analyse une cheffe d’entreprise.
Le choix du conjoint
Faut-il alors croire, comme certains l’avancent, qu’en trouvant l’homme qui les soutient et les encourage, les femmes peuvent mener de front carrière et vie de famille épanouie ? “Quand une personne a un partenaire exceptionnel, sa carrière le sera aussi”, affirme avec force Mohammed El Menjra, spécialiste en coaching et développement personnel. D’où l’importance, comme le souligne le coach “de son partenaire de vie.” “Du bon conjoint”, rappelle Ghita Alami.
Les femmes dotées d’une ambition professionnelle doivent trouver la perle rare. “Le partenaire veut-il vraiment votre bien? S’investit-il pour que vous réussissez ?”, s’interroge Mohammed El Menjra. “Quand on est dans un couple où la bienveillance règne, ce dilemme n’existe pas. Ce dilemme a lieu lorsque l’un des partenaires ne souhaite pas la réussite de l’autre”, appuie-t-il.
Dans un monde idyllique où carrière et mariage font bon ménage, les spécialistes conseillent de mettre cartes sur table, et de discuter en toute transparence, des ambitions et des attentes de chacun, que ce soit dans le domaine professionnelle ou personnelle. “Il faut sortir de ces rôles préétablis sociétaux et culturels pour parvenir à construire une organisation équitable bien huilée. Dans ce sens, il faut reconnaître et prendre conscience qu’à un moment donné, l’un des deux partenaires devra davantage assumer la partie familiale parce que l’autre rentrera dans une période de travail intense. Et vice-versa !”, conseille Ghizlaine Chraibi qui estime que “le couple est comme une PME. Il ne s’agit pas de mettre de côté certains employés pour en avantager d’autres. Il y a un équilibre à trouver qui permettra à chacun d’avoir son espace et de consolider son ascension professionnelle, et donc, une certaine dignité personnelle.” Une configuration plus juste de la répartition des tâches aiderait amplement à faire correspondre les ambitions professionnelles et personnelles des femmes.
