Tout quitter, pour exister

Rachida, 42 ans, a longtemps vécu dans une vie parfaite en apparence. Mari, enfants, CDI dans une banque… Tout y était. Sauf elle. Il y a trois ans, cette mère de famille a pris une décision radicale : tout plaquer pour partir vivre au Brésil, seule, sans se retourner. Elle nous raconte.

Je vis aaujourd’hui à Brasilia, où je travaille comme aide-soignante dans un centre pour personnes âgées. Une vie modeste, loin de tout ce que j’ai connu. Il y a encore trois ans, j’étais mariée, mère de deux enfants, cadre bancaire depuis dix ans. Une existence cadrée, rassurante, conforme. Mais qui ne me ressemblait pas. J’ai longtemps cru que c’était ça, être adulte. Remplir les cases. Ne pas se plaindre. Donner le change. Mais en vérité, je m’étais juste habituée à vivre sans joie profonde. Je ne manquais de rien, sauf de moi-même. Mon mari n’était pas violent, ni absent. Il était simplement… dans sa bulle. Comme beaucoup d’hommes de sa génération, il avait appris à pourvoir aux besoins matériels, mais pas à partager les émotions, les silences, les doutes. Il était là, sans être là. 

Quant à mes enfants, je les ai aimés sans relâche, élevés avec soin, tendresse et rigueur. Mais en m’effaçant. En m’oubliant dans l’équation. J’étais une femme utile, jamais une femme libre.

Une cage dorée

Tout semblait parfait sur le papier : un mari respecté, deux enfants en bonne santé, une voiture, un crédit immobilier presque terminé, et un salaire qui me permettait de participer aux charges du foyer. Mais à l’intérieur de moi-même, c’était le désert. Tout ce que j’avais, je ne l’avais pas vraiment choisi. Je l’avais accepté. Un mariage tôt, des enfants tôt, un travail stable. Et entre tout ça, aucune place pour les rêves. Petite, je voulais devenir photographe. Voyager. Parler plusieurs langues. J’avais une âme de nomade, un regard curieux sur tout. Je me suis mariée à 19 ans. Le reste s’est enchaîné comme un scénario écrit par d’autres: grossesse, responsabilités, crédit, responsabilités, épuisement. Et toujours ce même masque sur le visage.

Le déclic n’a pas été brutal. C’est venu doucement, comme un trop-plein. Un matin, en voiture, sur le chemin du travail, j’ai été prise d’une envie irrépressible de tout lâcher. De rouler sans but, de ne plus rentrer. Ce jour-là, j’ai compris que je n’étais plus à ma place. Que si je restais, je finirais par me perdre pour de bon. Cette idée a d’abord été honteuse. Une mère qui veut partir seule, qui abandonne ses enfants, c’est une hérésie.  C’est immoral. J’ai essayé d’étouffer cette envie, mais elle était persistante. Jusqu’à ce que je commence à chercher. Discrètement, la nuit. Une formation. Un plan B. J’ai suivi un module de formation à distance en soins gériatriques. J’ai économisé sou après sou. J’ai vendu mes bijoux. Et j’ai fini par acheter un billet. Sans retour.

Quand j’ai annoncé mon départ, tout le monde a cru à une crise de nerfs. Mon mari m’a regardée comme si j’étais possédée. “Tu veux divorcer ?”, m’a-t-il lancé. Je ne savais même pas quoi répondre. Je n’avais pas de mots pour ce que je ressentais. Je ne le fuyais pas, lui, je fuyais cette vie figée, cette prison de silence, cette existence au rabais. Mes enfants avaient 17 et 14ans. Laisser mes enfants… c’est ce qui m’a brisée. J’ai pleuré pendant des mois. Mais j’étais arrivée à un point de rupture. Je devais partir pour ne pas devenir ce fantôme.

Une autre vie

J’ai atterri à Brasilia avec une petite valise. Et puis, à force de persévérance, j’ai réussi à décrocher un poste d’aide-soignante dans un centre pour personnes âgées. Je vis avec peu, mais je respire. Je ne suis plus enfermée dans un rôle. Je suis une femme. Avec mes blessures, mes contradictions, mes désirs. Mes enfants… Ils ne me le pardonnent pas.  Au début, ils ne voulaient même pas me parler. Mon fils aîné m’a dit une fois : “T’es partie comme si on ne comptait pas.” J’ai encaissé. Parce qu’il avait raison. Je suis partie. Je les ai laissés. C’est une plaie que je porte en moi tous les jours. Mais petit à petit, les choses changent. Je leur écris. Je leur envoie des messages, maladroits parfois. Des colis. Des livres. Des mots d’amour. Ils répondent, de temps en temps. On a repris les appels vidéo. Mon cadet m’a envoyé une photo de lui pour mon anniversaire. C’est peu. Mais c’est une fissure dans le mur. J’espère qu’un jour, ils comprendront que je ne suis pas partie contre eux. Je suis partie pour survivre à ce que j’étais en train de devenir. 

J’ai perdu ma famille, ma réputation et mon confort. Je suis devenue la femme dont on ne parle plus, ou alors en chuchotant. Mais j’ai retrouvé ma voix, mon souffle, mon reflet dans le miroir. Je ne dis pas que c’est un exemple à suivre. Mais je sais que beaucoup de femmes vivent avec ce vide silencieux. Elles tiennent pour les enfants, pour les apparences, pour ne pas faire de vagues. Moi, j’ai fait naufrage. Mais j’ai nagé jusqu’à un rivage à moi. Je ne suis plus la Rachida d’avant. Je suis une femme cabossée, mais debout. Une femme libre, même si ça coûte cher. Et si un jour mes enfants tombent sur ces lignes, je veux qu’ils sachent ceci : “Je ne suis pas partie pour vous abandonner. Je suis partie pour ne pas m’abandonner moi-même.” .

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