Ras-le-bol le 8 mars

Il est des moments  dans le combat où le militant est obligé de déposer l’arme à terre, de faire une rétrospective impartiale des acquis, des objectifs à atteindre et parfois même de se poser la question sur le bien-fondé de la lutte…

Vous l’aurez compris. Nous sommes un peu lasses de constater la lenteur avec laquelle les choses évoluent pour nous les femmes marocaines dans ce beau pays qui peine à nous accorder la place que nous méritons. Lasses de tant d’injustice sociale, lasses d’être confrontées à une pénible charge mentale, de cumuler une multitude de fonctions: travail à la maison, éducation des enfants (c’est formidable et gratifiant), de veiller aux devoirs, de fournir les conditions idéales de confort pour Monsieur sans que ce dernier daigne lever le petit doigt pour nous aider ! Lasses de subir le harcèlement de la part de nos collègues, clients ou collaborateurs simplement parce que nous sommes des femmes. Lasses de voir notre société en total décalage par rapport à l’évolution du monde où les femmes ont acquis tous leurs droits ! Lasses de nous battre pour un combat impossible à gagner…

Vous l’aurez compris, c’est le 8 Mars, l’heure du bilan, l’heure de se regarder dans le miroir et de s’interroger…

Il y a d’abord ce constat. SM le roi Mohammed VI a placé la cause de la femme au cœur de ses préoccupations, et exhorté les gouvernements qui se sont succédé à élaborer un statut adapté et conforme aux exigences de modernité. Ce sont des gestes politiques  hautement symboliques qui témoignent de la volonté du Souverain de remédier aux injustices et  inégalités entre hommes et femmes. Impulsés par le Souverain, des changements ont vu le jour. C’est le cas de l’évolution du statut de la femme dans les textes de loi, du Code de la famille, de la représentation de la femme en politique ou encore la nomination de femmes à des postes clés au sein des ministères et des ambassades…  Autant de décisions qui nous incitent à exprimer notre gratitude et loyauté à notre Souverain pour toutes ces réalisations en faveur de la femme. Toutefois, cette bienveillance royale à l’égard de la gent féminine ne suffit malheureusement pas tant que la société marocaine reste emmurée dans sa mentalité misogyne !

Lisez nos manuels scolaires, vous y découvrirez des stéréotypes à profusion. Regardez nos hommes attablés dans les cafés, lorgnant les passantes, vous y décèlerez l’image de prédateurs. Demandez à nos filles des quartiers populaires si elles portent le foulard par conviction ou par convenance, et vous serez bien surpris par leurs réponses. Questionnez les employeurs sur l’énorme gap entre le salaire de leurs employés masculins et féminins… Bref, demandez-nous comment nous arrivons encore à tenir le coup ?

Oui, disons-le sans détours : le bilan est bien terne, et parfois, de guerre lasse, nous avons envie de baisser les bras et d’arrêter le combat car, vous vous en doutez, notre société ne nous aime pas !

Mais, nous sommes “les Marocaines” et ce serait mal nous connaître que de penser que ce bref désenchantement puisse nous abattre au point de nous pousser à déserter l’arène, en laissant libre voie au découragement et à la misogynie. Cependant, il est temps que la société civile, et toutes les forces vives de ce pays qui aspirent à ce que les choses évoluent se solidarisent. C’est ce qui contribuera grandement à un sursaut salvateur à même d’instaurer une vraie justice et une égalité entre la femme et l’homme. Les remèdes sont à notre portée, et se résument en deux mots : éducation et sensibilisation. Une révolution dans les paradigmes de l’enseignement, et des campagnes de sensibilisation aux valeurs de l’égalité, de la parité et de la citoyenneté dès l’enfance. C’est certainement ce qui nous permettra enfin de sortir de cette situation qui n’a que trop duré… Sinon, à quoi bon ce 8 Mars ? À quoi bon se gargariser de minces avancées quand tout ou presque est à accomplir ? Oui, nous en avons ras-le-bol de ce 8 Mars. υ

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