Pourquoi avoir choisi cet intitulé: "un code pénal digne du XXIème siècle"?
Parce que le projet de réforme en cours du Code pénal actuel, qu'on essaie de nous vendre comme progressiste, n'apporte, en réalité, pas grand chose de nouveau, sous le soleil. Il ne répond que très insuffisamment aux engagements pris par le Maroc, en matière de droits humains, et plus spécifiquement, en ce qui concerne les droits des femmes. Ce faisant, il est en contradiction totale avec les dispositions de la Constitution et du Code de la famille, qui prônent justice, égalité et parité. Il faut savoir que le texte de loi actuel date de 1962! Il a donc pris la poussière, doit être revu de fond en comble, pour s'adapter à l'époque où on vit, et aux changements sociétaux de notre pays. On ne peut plus se contenter d'amendements par ci, par là ou de nouvelles dispositions rajoutées au gré des circonstances (faits divers sordides, visées électoralistes ou recommandations de l'Union Européenne…) qui viennent encore rajouter à son fouillis structurel.
Sa philosophie générale doit changer: la protection des droits fondamentaux et des libertés individuelles des citoyens n'est pas un luxe et s'impose, avant même le volet punitif des sanctions. Ce texte est pétri d'ordre public, moral, famille, sécurité et laisse de côté les individus, leurs droits et leurs libertés! D'autre part, au niveau de sa structure intrinsèque, (chapitres, intitulés, classification des infractions), on note une absence de vision globale et cohérente. Pour ce qui est des crimes qui visent spécifiquement les femmes, leurs droits, libertés et dignité, les violences et discriminations basées sur le genre, n'ont droit à aucun traitement spécifique! Même la terminologie ambigüe, utilisée dans le Code Pénal, n'est ni claire, ni précise et ouvre le champ à des interprétations subjectives du législateur.
En quoi, concrètement, il s'agit de l'affaire de tous et de toutes?
Parce que tout citoyen et toute citoyenne est concernée par ce code, qui est le texte de loi qui vient, hiérarchiquement, en deuxième position, après la Constitution. Et si l'avant projet de réforme proposé actuellement, a subi un lifting partiel sur certaines problématiques très médiatiques (ex: traite des êtres humains, torture, crimes de guerre, harcèlement sexuel…), le fond reste le même, avec même parfois des régressions notables et insupportables: augmentation des peines pour les "dé-jeûneurs" du Ramadan en public, les adeptes des relations sexuelles hors mariage; disparité énorme de sanctions (prison et amendes) pour un même délit, qui pénalise les démunis et ouvrent grand la porte à la corruption. Concernant les droits des femmes, voici un exemple très parlant: la question d'être vierge/ pas vierge; mariée/ célibataire fait d'une femme violée, vis à vis du législateur, une victime de plus ou moins bonne facture, avec une sanction variable pour l'agresseur !
Que proposez- vous?
L'esprit patriarcal qui souffle sur ce code doit être dégagé, manu militari, via une refonte globale, ciblée d'abord sur la protection des droits et libertés des individus. Les procédures pénales, également retorses et fastidieuses, doivent être simplifiées. Il y a nécessité que la lutte contre les violences et discriminations basées sur le genre se retrouve dans les valeurs portées par le préambule du texte; et un distinguo net doit être opéré avec les autres crimes qui touchent la société dans son ensemble. Ces infractions spécifiques doivent, en outre, être assorties de circonstances aggravantes et de sanctions spéciales. Pour l'heure, on en est encore à qualifier un crime de viol ou d'attentat à la pudeur comme un crime portant atteinte à "l'ordre des familles et à la moralité publique", ce qui apparaît comme une négation totale de l'intégrité physique et psychique d'une femme!