Il n’avait que 5 ans. Pendant cinq jours, il a uni la planète toute entière autour de lui en suscitant une très grande émotion. Il a mis son pays, le Maroc, au centre du monde et nous a placés, nous Marocaines et Marocains, face à nous-mêmes et à notre conscience. Coincés dans une bulle à Casablanca, Rabat, Tanger ou Marrakech, nous aurions aimé soulever des montagnes (chose qui a été faite par les secouristes) pour sauver Rayan, l’âme innocente que nous avons tous adopté comme s’il était notre propre enfant.
Ce douloureux incident a été suivi de très près par SM le Roi, le père de la nation, qui a donné ses hautes instructions aux autorités concernées pour déployer tous les efforts possibles et nécessaires pour sauver l’enfant. Une initiative saluée par le monde entier.
Ce drame nous a aussi rappelé des vérités que nous avons tendance à cacher avec des œillères. Dans les grandes villes, tout est à portée de main ou presque : l’eau courante est un réflexe, l’électricité une évidence et manger à sa faim… la normalité. C’est le pays dans lequel nous vivons aujourd’hui, un pays dont le développement impressionne depuis une vingtaine d’années. Autoroutes, TGV, fibre optique, Malls et enseignes internationales de fast-food et de mode font partie de notre quotidien. Nous n’avons pratiquement rien à envier aux métropoles internationales… Mais Rayan nous a rappelé qu’une grande partie de nos concitoyens vit toujours dans une autre époque. Dans cette partie du Maroc profond, les besoins sont énormes et les insuffisances sont encore criantes. Une grande partie de la population n’a pas accès à l’eau, une denrée précieuse parce qu’elle est rare. L’école et la santé sont défaillantes ; l’habitat et les routes souffrent d’une grave carence. Ici, les enfants sont livrés à eux-mêmes. La pauvreté, conjuguée à l’ignorance, continue d’alimenter ce cycle de reproduction du sous-développement dans un environnement où les mentalités sont restées figées.
La réalité nous a heurté de plein fouet. Nous nous sommes, toutes et tous vus enfants enfermés dans une cavité à 32 mètres de profondeur avec la peur et la claustrophobie de notre conscience collective. Celle d’avoir à vivre avec la souffrance de l’enfant à qui nous nous sommes identifiés et que nous, pauvres mortels que nous sommes, étions incapables de sauver.
Quel trouble dissociatif de l’identité !
L’humanité qui vit en chacun de nous a finalement triomphé. Nous avons tous prié pour que cette âme innocente soit sauvée. Ce fût un élan de solidarité sans précèdent qui a réuni des millions de personnes de par le monde ; du pape François au footballeur Ronaldo en passant par des personnalités influentes et des anonymes de contrées lointaines. Tous ont prié pour sauver Rayan, le Marocain. Mais, il n’a pas survécu et le monde a pleuré.
Aujourd’hui, cette triste et néanmoins belle histoire doit continuer à nous inspirer. Gardons Rayan dans notre cœur et sauvons les milliers de Rayan qui ont besoin de notre engagement véritable afin de sortir nos campagnes du cercle vicieux de l’ignorance et de la pauvreté.
Des efforts énormes ont été fournis pour arrimer cette partie du pays à la locomotive du développement. Mais, l’État seul ne peut pas tout faire. Le temps est venu de mobiliser davantage les forces vives de la nation pour créer et pérenniser cette chaine de solidarité qui caractérise le peuple marocain. Il est urgent de donner un nouvel élan à l’esprit associatif, engagé et responsable. Fournir aussi les moyens nécessaires aux associations déjà actives sur le terrain pour qu’elles puissent contribuer de manière concrète et significative au développement du pays, et apporter leur soutien aux personnes pénalisées par la géographie et l’oubli.
Ce sera là le meilleur Adieu à faire à cet enfant et il ne sera pas mort mais vivant pour l’éternité.