L’attentat du Bardo

L’attentat commis au musée du Bardo en Tunisie a confirmé la menace terroriste qui plane sur le Maghreb. Fatma Benmosbah, journaliste tunisienne et militante de longue date, nous livre son point de vue sur l’état de crise actuel…

Tunis, le 18 mars. Il est 11h30. Des terroristes armés de kalachnikovs ont pénétré dans l’enceinte du musée du Bardo, tuant 22 touristes et un agent de sécurité.

L’information, tombée comme un couperet, m’a tétanisée.

Au premier sentiment d’effroi s’est substitué celui d’une profonde désolation face à cette haine aveugle qui sous-tend un acte aussi abject.

Je ressens une peine immense, autant pour les morts que pour les survivants. Je pleure en imaginant l’impatience de ces croisiéristes à l’idée de découvrir la Tunisie, ce pays si  hospitalier et si sympathique. S’ils avaient su ce qui les y attendait… 

Je pense à ce pauvre agent des forces de sécurité qui n’aura pas la chance de voir ses petites filles grandir.

Après le choc, l’inquiétude

Tout le reste de la journée, je vis avec une sensation de flottement. J’ai l’impression, non pas d’être devenue étrangère dans ce pays, mais que c’est le pays qui m’est devenu étranger, méconnaissable. L’atmosphère y est lourde, étouffante, oppressante.

Quand bien même elle savait entrer parfois dans de grandes colères, la Tunisie demeurait  jusque-là douce à vivre, nonchalante, conciliante et accueillante. Le 18 mars a marqué un tournant décisif dans le cours de sa vie.

Je suis très inquiète. Depuis la révolution, chaque mois nous apportait son lot de nouvelles effrayantes, d’actions terroristes sanglantes ou d’opérations imminentes. Toutefois, à part les assassinats des deux députés et d’un représentant de parti, cela restait confiné aux frontières et dans les montagnes. Avec l’attentat du Bardo, le terrorisme est passé de l’état rural à l’état citadin. Il a migré vers la ville, il vit près de nous, avec nous, il s’est installé à proximité de nos demeures, nos écoles, nos bureaux, nos centres commerciaux…

Après la tristesse, la colère

Plus le temps passe, et moins j’ai envie d’excuser ou de comprendre. Je suis en colère, contre tout et contre tous. 

Je suis en colère contre ceux qui regrettent la sécurité du temps de Ben Ali.

Ce crime odieux a été commis par des jeunes confits de dévotion et qui se réclament de l’islam. Au vu de leur date de naissance, les terroristes sont les enfants de la génération de ce dictateur-prédateur.

En mettant l’enseignement à son niveau le plus bas, en n’accordant aucun budget à la recherche scientifique, en refusant aux jeunes l’accès à la culture, en laissant les salles de cinéma et de théâtre fermer leurs portes les unes après les autres, Ben Ali a sacrifié nos enfants sur l’autel de ses instincts bestiaux, les jetant dans les bras des intégristes qui sont venus les cueillir comme des fruits mûrs pour les envoyer au djihad en Lybie, en Syrie, en Irak, au Yémen….

Durant son règne, ces intégristes ont avancé masqués. Ils ont travaillé en profondeur, dans les quartiers où les jeunes se radicalisaient à l’insu de leur entourage. Ils ont manipulé une bonne tranche de la société et lui ont  imposé leur mode de vie. Il y a 20 ans, les Tunisiennes ne cachaient pas leurs cheveux. Maintenant, un grand nombre d’entre elles porte un voile, souvent noir, à la mode wahabite.

Je suis en colère contre cette gérontocratie du Golfe, alliée des Etats-Unis, qui surveille sournoisement les peuples arabes pour en étouffer toute velléité démocratique. Sa puissance financière lui a permis de provoquer, à une échelle sans précédent, un raz-de-marée sur les médias, et de diffuser à travers ses centaines de chaînes télévisées sa conception étriquée d’un islam politique, dénué de toute spiritualité, réfractaire à tout aggiornamento, takfiriste, sanglant et mortifère. Les Wahabites ont atteint leur but. L’intégrisme musulman est devenu une maladie mortelle qui ronge nos sociétés arabo-musulmanes et se propage à une vitesse inouïe. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, la Tunisie est en train de payer le tribu de ses choix démocratiques.

Je suis en colère contre tous les politiques qui, depuis quatre ans déjà, n’ont pas encore intégré que c’est au sein des populations urbaines déracinées de leur campagne que le salafisme se répand comme une traînée de poudre. Des quartiers entiers composés d’habitats insalubres, mal desservis par les transports, oubliés par le service public, restent à l’abandon. Sans accès à une bonne éducation, sans égalité des chances pour l’emploi, ils sont livrés aux caïds de la drogue et du marché parallèle et vivent au quotidien le cauchemar des descentes arbitraires d’une police brutale et corrompue. La réalité est, qu’autour des villes, les ceintures qui sont d’abord des ceintures déshéritées évoluent en ceintures religieuses et finissent en ceintures explosives. Ce qui devrait être la priorité des priorités semble encore être le parent pauvre des programmes nationaux.

Je suis en colère contre tous ceux qui continuent à jouer sur l’ostracisme et le rejet de l’autre et qui ne cessent de se pointer les uns les autres du doigt.

L’urgence est à la mobilisation de toutes les bonnes volontés, sans exclure ceux qui peuvent aussi être conservateurs sur certains plans. Comme le dit le Professeur Slobodan Milacic, “on fait les révolutions puis on fait l’évolution”. Nous avons vaincu la dictature, nous devons évoluer vers le rassemblement. Nous ne pouvons plus nous permettre d’écarter ceux qui sont prêts à tendre la main et aider à trouver les solutions pour le “vivre ensemble” car au final, nous sommes tous Tunisiens et nous pouvons avoir des buts communs.

Il est dommage d’en arriver à souhaiter que ce drame soit considéré comme une onde de choc pour nous reprendre et comprendre que notre pays est miné par les inégalités et les difficultés socio-économiques. Il nous faut absolument prendre la mesure des enjeux qui fragilisent notre démocratie naissante. L’heure est à l’union sacrée et à la responsabilisation de chacun pour préparer un avenir meilleur à nos enfants.

Ces attentats perpétrés par des Tunisiens ne peuvent que salir l’image de la Tunisie. Si ce mouvement n’est pas stoppé, il viendra briser notre rêve de démocratie et de développement. C’est l’avenir de nos générations futures qui est hypothéqué.

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