Abdellah Taïa vers d’autres spiritualités

Dans son dernier roman, "Infidèles", Abdellah Taïa donne la parole aux éclopés de la vie. Des êtres marginaux mais authentiques dans leur manière de vivre la sexualité, la spiritualité. Entretien.

fdm Hassan II, Aziza Jalal, le général Dlimi, Samira Saïd, Marilyn Monroe, la Kahina… comment fait-on pour rassembler autant de personnages disparates dans la même oeuvre romanesque ?

Ce n’est pas du tout prémédité. Certains de ces personnages sont entrés d’euxmêmes dans ce livre. Sans mon autorisation. L’écriture n’est pas un espace où l’on maîtrise tout. Tous ces noms sont dans le livre mais ce ne sont pas eux les héros de ce voyage que je donne à lire. Ils accompagnent Slima et son fils Jallal vers une destinée réinventée où la transgression a un sens nouveau. Ces noms sont connus de presque tout le monde. Ils représentent quelque chose dans l’imaginaire marocain, arabe. Mais dans “Infidèles”, ils sont utilisés, malgré eux, pour un autre sens : dévoiler une petite partie de leur personnalité qu’on ne connaît pas forcément, les associer à un mouvement inédit, une errance, une explosion…

Slima et Jallal sont des “infidèles” à l’ordre établi : fiers, marginaux et pourtant dignes. C’est la façon Taïa de réhabiliter ceux que la hogra écrase ?

C’est très juste. Slima et Jallal sont considérés comme des parias, mais eux ne se vivent absolument pas ainsi. Ils ont un attachement incroyable pour le monde dans lequel ils vivent : la ville de Salé. Pour le pays  où ils survivent : le Maroc. C’est ce dernier qui les obligera à se radicaliser, à aller ailleurs trouver un autre goût à la vie… Je n’ai pas le pouvoir de réhabiliter les gens qui vivent dans la hogra permanente.  Mais la littérature ne peut être que du côté de ceux qui sont rejetés, sans voix ni réconfort.

Les prostituées, dites-vous, ramassent tout, crachats et confidences. Elles seraient une catharsis de la société. Est-ce une façon de cautionner le travail du sexe ?

J’ai une admiration et une tendresse infinies pour les prostitués, hommes comme femmes. Ils portent en eux toutes les misères du monde. Ils se sacrifient pour que les autres puissent vivre tranquillement avec leurs frustrations sexuelles. Ils portent sur leurs épaules toutes les contradictions du monde, ses hypocrisies, ses étroitesses religieuses, morales et sentimentales. Ils ont un courage inouï : exposés dans la rue, devant tout le monde, sous le regard réprobateur de tous, dans le danger en permanence… Je ne cautionne pas le travail des prostitués, mais je les comprends de l’intérieur.

L’introductrice, figure importante du roman, apprend aux jeunes mariés les joies du sexe. Ce métier a-t-il vraiment existé ?

Certains vont sûrement m’accuser d’avoir exagéré en créant ce personnage d’introductrice. Pourtant, je n’ai rien inventé. Ce “métier” a bien existé au Maroc. L’introductrice, dans “Infidèles”, est la mère de Slima. Elle est en train de mourir. Elle parle à sa fille pour lui transmettre l’essentiel : être toujours du côté des femmes, être consciente que le monde ne peut pas se résumer à des lois castratrices inventées par les hommes.On peut et on doit renouer avec ceux  et celles qui, à un moment précis de l’Histoire, ont inventé des gestes qui libèrent, qui relient l’homme au ciel au lieu de l’enterrer à longueur de temps.

Les hommes ne savent rien, les femmes ont peur. Est-ce là le malheur des couples et par extension, le malheur du monde ?

Au Maroc, les femmes évoluent énormément mais les hommes font comme si rien n’avait changé. Ils continuent de jouer parfaitement le rôle qu’on exige d’eux : être du côté du pouvoir, légitimer celui-ci. Les femmes sont les plus fortes et les plus intelligentes, et je sais de quoi je parle, mais ceux qui font les lois ne veulent toujours pas le voir.

En vous lisant, on découvre un autre visage de l’islam made in Morocco, où le soufisme a la part belle…

“Infidèles” va au-delà de l’islam. Slima  et Jallal utilisent les mots de leur monde pour réinventer le lien avec le ciel. Mais cette spiritualité ne s’arrête pas à l’islam. Dans ce roman, elle rejoint le lien primitif de l’homme à cette vie, à cette terre, à cet univers. Ce besoin d’inventer autre chose, penser par soi-même cette existence. Relier les choses entre elles autrement. Il y a un mélange sincère du pur et de l’impur dans ce livre. Les purs ne sont évidemment pas ceux que l’on croit.

Le corps montre le chemin, il sait ce que l’âme (é)perdue implore. On serait plus heureux si on donnait la parole au corps ?

Le corps parle malgré l’autocensure. Il a ses propres lois. Au fond, nous sommes tous dans la transgression, quotidiennement, mais on ne veut pas le reconnaître. Le regard de l’autre, son pouvoir sur nous, empêche l’individu de vraiment assumer et révéler ce qu’il est. Et cela finit par être frustrant pour tout le monde. Et je parle ici des hétérosexuels comme des homosexuels… Le hammam est l’un des endroits qui me fascinent le plus, surtout au Maroc. Ce qui s’y passe est incroyable de liberté. C’est un endroit très inspirant, très chaotique. C’est le monde à ses débuts, le corps dans latransformation, dans le transgenre même. Et pourtant, on laisse encore certains enfermer  ce lieu tellement  symbolique dans des clichés tristes qui n’ont absolument rien à voir avec la beauté et la poésie qu’on y rencontre. Pour moi, cette culture du hammam est la preuve même que les corps des Marocains sont libres. C’est la société et le  système qui empêchent de le voir…

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