Entre traditions et désir d’évolution

Le mariage représente bien plus qu'un simple engagement entre deux individus. C’est un mélange complexe de traditions séculaires, de valeurs familiales profondément enracinées et d’aspirations d'une société en pleine mutation. Alors, comment la conception du mariage a-t-elle évolué au Maroc ?

Le Maroc, terre de rencontres et de fusion culturelle, jongle entre modernité et héritage séculaire. Ouvert aux influences multiples, allant de l’Occident à l’Afrique en passant par la culture arabe et amazighe, le pays maintient un équilibre délicat entre le désir de progresser et la préservation de son authenticité. Dans ce contexte, la vie quotidienne des Marocains reflète cette dualité. “Les traditions évoluent au rythme du temps, mais certaines valeurs demeurent intangibles”, relève l’historien Mostafa Bouaziz. Cette observation fait écho à une étude réalisée par l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES), qui met en lumière la solidité de deux piliers fondamentaux de la société marocaine : la famille et la religion. Ces valeurs, transmises de génération en génération, occupent une place centrale dans la vie quotidienne des Marocains et influencent leurs interactions sociales. 

Car la famille, pivot central de la vie des Marocains, va bien au-delà de ses simples liens de parenté. Elle incarne un réseau de soutien essentiel, offrant un refuge dans les moments difficiles et célébrant ensemble les joies de la vie, tels que les mariages. Aussi, la religion exerce une influence profonde sur la vie au Maroc. Agissant comme un guide moral et spirituel, elle imprègne tous les aspects de la vie quotidienne, des pratiques rituelles aux décisions individuelles et collectives. Cette dimension spirituelle joue un rôle crucial dans la construction de l’identité marocaine et façonne les interactions sociales et culturelles. “Malgré les défis de la modernité et les pressions de la mondialisation, la société marocaine demeure ancrée dans ses valeurs traditionnelles, trouvant un équilibre subtil entre évolution et préservation de son héritage culturel et spirituel”, fait savoir Mohcine Benzakour, psychosociologue. 

Une évolution mais…

L’institution matrimoniale au Maroc embrasse à la fois le mariage civil et religieux, fusionnant harmonieusement les traditions séculaires, la religion, les lois en vigueur et les influences contemporaines. Selon le psychosociologue, une part importante de la population marocaine reste attachée aux valeurs traditionnelles du mariage, tout en observant une transformation graduelle des mentalités. “Cette évolution découle principalement de l’impact de la mondialisation et de l’individualisme occidental, véhiculés à travers les réseaux sociaux et les échanges culturels”, précise-t-il. Dans une société historiquement et socialement complexe, cette transition reflète, toujours d’après Mohcine Benzakour, la tendance à des interactions plus autonomes entre les individus au sein de la famille marocaine, plutôt que la soumission de tous ses membres à l’autorité d’un chef de famille.

En effet, le mariage a connu d’importantes évolutions à travers les décennies, touchant à toutes les facettes de cette institution. Jadis étalée sur plusieurs jours, la cérémonie de mariage s’est progressivement raccourcie pour se limiter à trois jours, voire même à une seule soirée, marquant ainsi un changement significatif dans les traditions festives. “Les habitudes vestimentaires, les choix culinaires, et même le décor des salles de mariage ont évolué au fil du temps”, souligne Mounia Benjelloune, Neggafa à Rabat. Parallèlement, les réformes législatives ont également façonné le paysage matrimonial marocain. Grâce à la réforme du Code de la famille de 2004, les droits des femmes ont progressé, offrant une plus grande autonomie dans le choix du conjoint et dans la conclusion du mariage. Autrefois soumis à l’autorité des aînés, le mariage est désormais plus libre pour les jeunes générations, qui peuvent prendre des décisions en toute indépendance. De nouvelles réformes sont d’ailleurs attendues avec impatience par les Marocains, vingt ans après la première réforme de la Moudawana. Ces propositions pourraient marquer une évolution significative dans les pratiques matrimoniales du pays, selon de nombreuses associations féministes, qui espèrent voir les droits des femmes renforcés et une plus grande égalité dans le domaine matrimonial.

Au-delà des dimensions rituelles et juridiques, le mariage au Maroc a également subi des changements profonds sur le plan sociétal. Au début du XXème siècle, dans une société marquée par des structures tribales et rurales, les unions au sein de la parenté ainsi que les mariages précoces des filles, étaient monnaie courante. À titre d’exemple, en 1966, l’âge moyen au premier mariage était de 18 ans pour les femmes et de 24 ans pour les hommes, selon les données du ministère de tutelle. Mais, depuis les années 1980, les modes de vie en couple ont considérablement évolué. Les mariages précoces ont laissé la place à des unions nettement plus tardives, marquant un changement significatif dans les pratiques matrimoniales. 

D’ailleurs, et selon la dernière étude du Haut-Commissariat au Plan (HCP) datant de 2023, l’âge moyen au premier mariage est de 25,5 ans pour les femmes contre 31,9 pour les hommes, ce qui représente un écart de 6,4 ans. Les femmes rurales se marient quant à elles, plus tôt que les citadines. Elles se marient en moyenne à 23,9 ans contre 26,6 ans pour les citadines, soit un écart de 2,7 ans. De plus, le choix du partenaire, autrefois largement influencé par les aînés de la famille, est progressivement devenu plus autonome pour les jeunes générations. “Ce retard dans l’âge du premier mariage est principalement attribuable aux difficultés économiques, notamment l’accès à un emploi stable et à un logement indépendant”, note le sociologue Mostafa Aboumalek. Il ajoute qu’au Maroc, les hommes doivent généralement être financièrement stables avant de songer à se marier, ce qui influe également sur l’âge du premier mariage chez les femmes.

Une mentalité qui persiste 

Bien que des évolutions soient observées, le mariage demeure confronté à des défis tenaces. Les normes traditionnelles en matière de genre continuent d’exercer une forte influence sur les rôles et les responsabilités au sein du couple, ce qui peut engendrer des conflits et des déséquilibres. “Ces tensions semblent découler directement de la persistance des anciens paradigmes. La question de savoir s’il est possible, au sein d’un couple, de concilier pleinement modernité et religion dans leur sens le plus pur, soulève des débats et des conflits au sein des relations conjugales”, témoigne Mohcine Benzakour. Il souligne que cette dichotomie se manifeste souvent dans la façon dont les conjoints jugent les comportements de l’autre, perçus comme soit trop ouverts et modernes, soit trop conservateurs et traditionnels. “Ces différences de perception peuvent sembler insignifiantes, mais elles ont un impact considérable sur la vie quotidienne des couples. La manière dont chacun perçoit et accepte les convictions de l’autre peut évoluer au fil du temps, ce qui peut entraîner des changements de dynamique au sein du couple”, ajoute-t-il. 

En fin de compte, nombre de jeunes Marocains se retrouvent souvent confrontés à des attentes sociales élevées et à des pressions familiales qui peuvent considérablement influencer leur décision de mariage, les laissant parfois déconcertés quant à la voie à suivre. “Malgré une indépendance financière croissante des femmes et une augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail, l’idée que le mari soit le principal soutien financier du foyer demeure prédominante dans l’inconscient collectif”, souligne Mostafa Bouaziz. Il ajoute que cette perception est également renforcée par la notion religieuse de la Qiwama, qui continue d’exercer une influence sur les attitudes envers les rôles de genre. “Cette dualité entre traditions, religion et modernité complique la prise de position claire des jeunes générations. Néanmoins, elles sont en train de façonner une évolution qui leur est propre, un processus en constante évolution qui nécessite du temps pour se concrétiser”, conclut Mohcine Benzakour.

“Les jeunes continuent de s’engager dans le mariage malgré les défis économiques”

Dans le contexte socio-économique en mutation du Maroc contemporain, la pression financière croissante exerce une influence déterminante sur la perception et la pratique du mariage. Les données récentes du Haut-Commissariat au Plan (HCP) révèlent qu’environ 70% des Marocains sont confrontés à des dettes multiples, ce qui souligne l’importance croissante des considérations financières dans le choix d’un partenaire conjugal. Ainsi, la recherche d’un conjoint ne se limite plus à des critères traditionnels tels que la capacité à gérer le foyer, mais englobe désormais la nécessité de partager les charges financières de plus en plus lourdes qui pèsent sur les couples.

Pourtant, malgré ces défis économiques, les jeunes continuent de s’engager dans le mariage. Cependant, les statistiques du ministère de la Justice mettent en lumière une tendance préoccupante:  sur les quelque 300 000 mariages célébrés en 2023, plus de 70% n’ont pas survécu à la première année, avec un nombre croissant de divorces enregistrés, dépassant même le nombre de mariages. Ces chiffres reflètent les difficultés auxquelles sont confrontés les couples marocains dans un environnement social et économique en pleine mutation.

La réticence croissante envers le mariage ne semble pas découler principalement de la législation de la Moudawana, mais plutôt d’une mentalité profondément enracinée dans la société marocaine. Cette mentalité, qui accorde une importance primordiale à la question du pouvoir au sein de la famille, perpétue une dépendance à une structure culturelle traditionnelle. Ainsi, la transformation du mariage au Maroc témoigne des défis auxquels est confrontée une société en évolution constante, où les aspirations individuelles et les pressions externes se heurtent souvent dans un équilibre fragile.

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