8 Mars : Les chantiers de l’égalité

Code de la famille, violences à l’égard des femmes, légalisation de l’avortement, mariage des mineures, plafond de verre, faible représentativité politique… sont quelques dysfonctionnements soulevés par la société civile, et que le Maroc gagnerait à régler. Revue de détails de ces chantiers prioritaires.

Le discours du 30 juillet 2022, prononcé à l’occasion de la fête du Trône  par SM le Roi Mohammed VI a constitué un signal fort pour la réforme du Code de la famille. À travers ce discours, le Roi a quasiment tracé une feuille de route pour une réforme qui se veut compatible avec l’esprit de la Constitution de 2011, ainsi que la vision de Sa Majesté d’un État moderne, sans pour autant outrepasser les fondamentaux de la Chariaa. “Nous appelons à l’opérationnalisation des institutions constitutionnelles concernées par les droits de la famille et de la femme et Nous demandons que soient mis à jour les dispositifs et les législations nationales dédiés à la promotion de ces droits.” L’objectif d’une telle réforme est d’améliorer la condition de la femme en vue de lui permettre de contribuer à la dynamique de développement sur le plan économique, politique, culturel et social, mais c’est également un moyen de promouvoir les droits des enfants et la cohésion de la famille. Cette réforme constitue un nouveau défi pour le Maroc. L’objectif étant de consolider les acquis et promouvoir les valeurs d’égalité, de justice et de démocratie.

La promulgation du Code de la famille avait indéniablement représenté  à l’époque un pas de géant dans l’histoire des droits des Femmes au Maroc. Suppression de la tutelle matrimoniale et élévation de l’âge du mariage, abolition de la répudiation, révision des modes de divorces, encadrement de la polygamie, ADN pour la recherche de la paternité… sont autant de dispositions qui vont dans le sens des valeurs de l’égalité.

Si le Code de 2004 fait aujourd’hui l’objet de multiples critiques, c’est parce qu’il est loin de garantir l’équité, pour diverses raisons. “Au-delà des dispositions, c’est la mise en application qui se trouve entravée par certaines mentalités machistes, comportements rétrogrades et mauvaises interprétation des textes”, souligne Zhor Al Hor, ancienne présidente du Tribunal de la Famille.

Des dysfonctions à la pelle

Le Code de la famille, qui a le mérite d’avoir désacralisé la Moudawana, n’est plus en phase avec l’évolution de la société et les aspirations de la femme marocaine. Les mouvements démocratiques sont unanimes. “Il faut une refonte globale du Code de la Famille”, dit-on à l’Union de l’Action Féministe (UAF). Même son de cloche dans le mouvement Parité maintenant” qui estime que “de nombreuses dispositions contrastent avec l’esprit d’équité et de dignité de la Constitution”. De son côté, Fatna Sarhane, avocate et professeure universitaire, insiste sur une refonte globale du dispositif de 2004, et particulièrement, les articles qui régissent la filiation, la garde et la tutelle des enfants après le divorce et qui portent atteinte aux intérêts de l’enfant.

Parmi les autres aberrations du Code de la famille, il y a l’article 20 qui autorise les dérogations pour le mariage des mineurs. C’est une violation des droits de l’enfant, fustige l’association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). Il va sans dire que le mariage des mineurs est une bombe à retardement qui mine la société. Les séquelles physiques et psychiques de ce fléau impactent toute l’existence des femmes concernées. Selon le Collectif Printemps de la dignité”, le mariage des filles mineures est l’une des principales causes de divorce. Elles sont ainsi exposées à davantage de précarité et d’exploitation.

À cet égard, une étude réalisée par l’association Droits & Justice sur la période allant de 2006 à 2018 tire la sonnette d’alarme. On y apprend que 319.177 demandes de mariage déposées entre 2009 et 2018 ont été accordées, et que l’âge des demandeurs peut descendre jusqu’à 14 ans. En outre, environ 72% des mères des mariées mineures l’étaient à leur tour quand elles se sont mariées. Mais si la capacité matrimoniale s’acquiert, selon l’article 19 du Code de la famille, à 18 ans, l’article 20 permet, pourtant, au juge d’autoriser un mariage en deçà de cet âge. “Il s’agit d’un acte contre-nature qui crée un environnement propice à davantage de situations d’injustice et de vulnérabilité”, estime-t-on à l’association Droits & Justice. La même enquête fait ressortir que le mariage avec la Fatiha perdure encore. D’où l’urgence, comme le réclame cette ONG, d’une révision des articles 20, 21 et 22. 

Filiation, garde, tutelle, … le droit de l’Enfant prime

La garde des enfants figure également parmi les questions soulevées par la société civile. Pour l’ADFM, la révision de l’article 175 du Code de la famille est capitale. “Cette disposition n’est pas du tout équitable. La femme perd systématiquement la garde des enfants dès lors qu’elle se marie. Ce qui peut affecter les intérêts de l’enfant”, s’indigne Bouchra Abdou directrice de l’association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté (ATEC).

Pr. Fatna Sarehane estime, pour sa part, que le retrait de la garde ne doit pas être systématique, ni irrévocable si la mère se remarie. “La décision du juge doit être motivée par l’intérêt suprême de l’enfant. Ce sont les droits des enfants qui priment”, explique la juriste. Idem pour la filiation. Le nouveau dispositif devrait étendre le principe de “Al Iqrar”, aux enfants nés hors mariage. De surcroît, il faudrait mettre en place une disposition qui “oblige l’homme à reconnaitre la filiation de l’enfant, soit à la demande de l’enfant ou de sa mère, chaque fois que l’ADN prouve qu’il en est le géniteur.”

La future réforme devrait également se pencher sur les articles 236 et 238, car “la loi devrait garantir l’égalité des deux parents pour la tutelle des enfants”, rappelle l’ADFM.

Ainsi, les deux parents qu’ils soient en couple ou séparés devraient être en mesure d’exercer ce droit. En 2023, une Marocaine ne peut pas ouvrir un compte bancaire pour son enfant sauf en cas de décès du père. Idem pour le passeport. La mère peut faire toutes les démarches préalables pour l’octroi du document de voyage, dont le retrait est du seul ressort du père. Les témoignages de mamans qui ne peuvent pas voyager avec leurs enfants, les envoyer en vacances, leur procurer un document de voyage, un visa, un transfert d’école, etc., parce que le père refuse, sont légion. Ce qui plombe malheureusement les intérêts des enfants.

Libertés individuelles, la société est-elle prête ? 

Les libertés individuelles ne sont pas en reste. La dépénalisation des relations sexuelles ou encore de l’avortement figure également parmi les revendications des mouvements démocratiques. “D’autres combats ont émergé avec les nouvelles générations !”, lance Khadija Ryadi, militante démocratique et ancienne présidente de l’AMDH (Association marocaine des Droits de l’Homme). La militante considère la dépénalisation des relations sexuelles, tout à fait légitime, “il n y a pas de petits et grands droits !”, dit-elle.

Par ailleurs, suite aux nombreuses affaires qui ont défrayé la chronique, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la loi régissant l’avortement et qui condamne une femme qui avorte de 6 mois à 2 ans de prison. L’objectif est de mieux encadrer les interruptions volontaires de grossesse (IVG). Selon les estimations, quelque 800 avortements clandestins sont effectués quotidiennement au Maroc. C’est dire l’ampleur et la gravité du phénomène. Un avortement effectué en dehors d’un bloc opératoire, signifie que les conditions de prise en charge médicales, d’asepsie, etc., ne sont nullement respectées et par conséquent les risques sont énormes. Hémorragie, infection, stérilité,  sans compter les dégâts psychiques. En atteste, les nombreux cas de décès, de suicide, d’emprisonnement, relayés par la presse. Cela illustre le décalage entre la réalité et les aspirations des femmes. “Une législation qui pousse à la mort”, lance une jeune militante.

Ainsi, l’objectif de la révision de la loi concernant l’avortement est de lutter contre les avortements clandestins et de préserver la santé et la dignité de la femme. L’assouplissement des articles 449 et 458 du code pénal devrait, selon les défenseurs de la dépénalisation de l’avortement, atténuer le nombre de drames. À défaut d’avorter, certaines filles se retrouvent devant un grand dilemme : Abandonner leur bébé ou assumer le rôle de mère célibataire. Un choix très difficile, qui change le cours d’une existence !

Pour Bouchra Abdou, toute femme doit pouvoir décider, en toute liberté,  car  il y va de sa vie, de son présent et de son avenir. “Il ne s’agit pas d’encourager les relations hors mariage, mais juste de permettre à une personne de décider de garder ou pas une grossesse non désirée, en particulier en cas de viol, d’inceste ou pour toute autre raison”, revendique-t-elle.

La parité, une illusion ?   

Au-delà des législations et en dépit de toutes les avancées, il est fort déconcertant de constater que la femme marocaine peine à s’affranchir de la mainmise de l’homme. “Malgré ces réformes législatives et les progrès déployés au niveau des politiques publiques, les inégalités et discriminations basées sur le genre subsistent encore aussi bien au niveau des législations en vigueur qu’au niveau des pratiques”, dénonce Amina Bouayach, présidente du CNDH (Conseil National des Droits de l’Homme).

Les Marocaines sont, en fat, pratiquement présentes dans tous les domaines, mais à quel pourcentage ? Leur représentativité aux postes de décision demeure assez faible. Pourtant, la participation politique des femmes dans cette transition amorcée par le Maroc est quasi marginale et leur potentiel est sous-exploité. “les acquis en matière de lois, de chartes éthiques, de mécanismes de suivi, etc., n’ont pas permis des progrès significatifs au niveau de l’appropriation par la société de la culture de la parité et de l’égalité des genres”, souligne Latifa Akharbache, présidente de la HACA. D’où une sous visibilité dans l’espace médiatique audiovisuel, lequel ne renvoie toujours pas une image réjouissante de la femme.

Selon le Conseil économique social et environnemental (CESE)  la part des femmes dans la création et la direction des entreprises reste minoritaire. Alors qu’il est universellement établi que la participation des femmes dans la prise de décision politique et publique est un facteur prépondérant dans la démocratie et le développement d’une société.

Dans ce sens, on note une inégalité au niveau de l’employabilité. Selon les derniers chiffres du HCP, le trend baissier du taux d’activité des femmes se poursuit. 73,1% des inactifs sont des femmes en 2022. 35,3% des femmes actives occupées sont des ouvrières, des manœuvres agricoles ou de la pêche, 8,8% des cadres supérieures et des membres des professions libérales. Ainsi, le Maroc est-il appelé à mettre en place des outils de financement durable et inclusif genrés à même de permettre aux femmes de contribuer au développement du pays. La sous-exploitation des compétences féminines représente un véritable manque à gagner dans la dynamique de développement.

Les lois ne suffisent pas

Les militantes notent également avec désolation que les violences sexistes persistent, que ce soit en milieu professionnel, familial ou conjugal. La loi 103-13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes représente une victoire pour les femmes. Toutefois, elle présente quelques lacunes pointées par les ONG. À ce titre, le dispositif ne mentionne pas le viol conjugal. Cette loi prêche par “sa non-conformité  au référentiel du droit international (non incrimination du viol conjugal et non révision de la définition du viol)”, estime Amina Bouayach. En effet, certaines femmes sont confrontées à des violences dans le lit conjugal. “Certains hommes estiment que leur statut d’époux leur donne tous les droits, même des relations sexuelles forcées et violentes”, explique la directrice de l’ATEC.

Selon les données de l’enquête nationale sur la violence à l’égard des femmes et des hommes réalisée en 2019 par le HCP, les violences physiques et sexuelles dans l’espace conjugal s’accaparent, plus  des 2/3 du coût global de la violence.

La Culture de l’égalité à l’école

Enfin, la situation est plus préoccupante en milieu rural. Souvent enclavées, les femmes doivent faire face à des conditions de vie très rudes, accentuées par un environnement culturel patriarcal, voire un peu misogyne.  Une situation, qui émane non pas d’un choix délibéré (pour les hommes) mais un cumul de stéréotypes enracinés.

Toutes ces données sont de nature à affecter le classement  du Maroc au niveau des indicateurs de développement humain et économique. Occupant le 104ème rang sur le plan de l’indice d’inégalité genre (IDG) et 123ème pour l’IDH (chiffres 2020-2021), le Maroc gagnerait à multiplier les actions pour changer cette donne. L’action effective de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD), permettrait de passer des paroles aux actes.

L’autonomisation des femmes exige la parité dans tous les domaines. Or, cela n’est possible qu’avec l’intégration de toutes les composantes de la société dans l’approche genre. Outre les législations, l’information, la sensibilisation et l’éducation, sont autant de paramètres pour asseoir durablement une culture de l’égalité. Et cela commence à l’école.

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