Pourquoi les hommes ont peur de l’égalité ?

Véritable enjeu de société, l’égalité entre les sexes effraie, voire terrorise certains hommes. En effet, derrière ce principe progressiste, la peur d’une perte de pouvoir et de repères de la part de la gent masculine. Décryptage.

L’égalité entre les hommes et les femmes est le grand défi de l’avenir en matière de droits fondamentaux, comme ne cesse de le souligner l’Organisation des Nations Unies (ONU). L’atteindre est donc crucial car il est question pour nos sociétés de justice et de progrès. Pourtant, il y a des résistances du côté de la gent masculine. “Malheureusement, beaucoup d’hommes restent prisonniers de valeurs inégalitaires de genre, fruit d’une socialisation primaire d’un autre temps, imprégnée de traditions qui ont historiquement accordé un rôle spécifique, différencié aux hommes et aux femmes”, explique Kholoud Milani, sociologue attachée au Laboratoire de recherche sur les différenciations socio-anthropologiques et les identités sociales (LADSIS) de l’Université Hassan II Ain Chock à Casablanca. “Des normes qui ont souvent valorisé les hommes en tant que pourvoyeurs et gardiens de la famille, tandis que les femmes étaient responsables du foyer, sans aucun pouvoir”. Cette persistance des inégalités est alimentée par la société patriarcale qui véhicule ces stéréotypes par différents biais dont le langage. N’avez-vous jamais entendu, qu’entre les hommes et les femmes, c’est “la guerre des sexes”! “Utilisée de manière métaphorique, cette expression ne reflète pas la réalité des relations hommes-femmes”, assure l’experte. “Cependant, cela peut renvoyer à plusieurs peurs ou préoccupations tels que la peur de la perte de pouvoir et de privilèges”. En effet, certains, voire une grande partie des hommes sont effrayés à l’idée même que cette égalité puisse être pleine et entière. Qu’elle se concrétise totalement. “La réticence au changement est une des caractéristiques de la nature humaine”, souligne, de son côté, Siham Benchekroun, médecin psychothérapeute et écrivain engagé qui a notamment initié et dirigé l’ouvrage collectif “L’Héritage des femmes”. “C’est si rassurant de reproduire la façon dont on a grandi. C’est sécurisant. On fait preuve de fidélité, de loyauté envers ses parents, ascendants, ancêtres”, développe-t-elle. “Les valeurs inégalitaires véhiculées à travers les schémas complexes de la socialisation ont la peau dure”, insiste Kholoud Milani, précisant, dans la foulée, que “ce n’est en aucun cas une affaire qui concerne uniquement les hommes. Les femmes, aussi, continuent à reconduire, avec bienveillance, des valeurs d’inégalité de genre (égalitaires à leurs yeux)”.

Le fantasme du matriarcat

“Il ne faut pas se leurrer : ceux qui ont des privilèges ont souvent du mal à les perdre”, rappelle Siham Benchekroun, ajoutant que “la perte de pouvoir, c’est une perte du contrôle, et cela peut être vécu comme une menace angoissante.”  La menace qui se profile pour certains hommes, c’est… la femme !  “Je me souviens de la réponse d’un homme que j’interrogeais au sujet du rejet de l’égalité : “les femmes sont trop fortes, multi-compétentes, tenaces et plus résistantes. Avec du pouvoir, elles nous écraseraient”. La perspective d’un matriarcat les terrifie-t-elle ? Imaginons, comme dans le roman “L’Étreinte des chenilles” de Ghizlaine Chraibi, une gent masculine destituée au profit des femmes qui gèreraient tout, de la maison aux administrations en passant par les business jusqu’à l’État. Les hommes seraient, quant à eux, des persona non grata au sein des entreprises, condamnés à se morfondre dans leur foyer. Bref, de la pure imagination développée à l’extrême ! 

Des bénéfices indéniables pour tous et toutes…

L’égalité entre les hommes et les femmes ne se résume pas à une perte de pouvoir. Au contraire. “Dans le monde actuel, n’est-il pas préférable d’avoir une partenaire accomplie, fiable, solidaire, une vraie associée dans la vie -avec ses hauts et ses bas-, plutôt qu’une personne non autonome à prendre en charge sur divers plans, une femme vulnérable, peut-être peu avertie, qui va élever nos enfants ?”, interpelle Siham Benchekroun, faisant remarquer que cette méconnaissance des bénéfices de la parité pétrifie les hommes, du moins une partie. Car, ne généralisons pas, tous les hommes ne sont pas apeurés par le fantôme de l’égalité. Certains militent même en sa faveur comme Soufiane Hennani, fondateur de “Machi Rojola”, podcast qui promeut les masculinités positives. “Les hommes souffrent aussi de la société patriarcale car ils ont sur les épaules une pression mentale, physique et financière. Aussi, pourquoi ne pas la partager avec son épouse ?” Et de s’insurger : “l’égalité n’est pas un luxe, c’est une question de partage naturelle ! C’est une valeur humaine ! Aussi, c’est pour moi, une insulte lorsque j’entends que l’égalité est une notion qui viendrait de l’Occident, comme ci nous, les Marocains, nous ne méritions pas d’être égaux ! C’est extrêmement humiliant !”  Pour faire entendre raison, ce militant plaide pour des espaces de sensibilisation et de réflexions afin d’accompagner le changement de législation en faveur de l’égalité. “Pour apaiser les craintes et les résistances, il est primordial d’expliquer que l’égalité des sexes ne signifie pas la perte de la masculinité, mais plutôt l’acceptation de rôles masculins positifs”, appuie Kholoud Milani. Adapter son discours est essentiel, tout en prenant l’exemple de pays comme la Norvège qui, comme elle le précise, “ont dépassé, depuis déjà plusieurs décennies, la dichotomie entre les hommes et femmes, et, où cette égalité est maintenant une norme intériorisée par toutes et tous”.

L’égalité existe-t-elle vraiment ?

“La notion d’égalité est si imprécise qu’elle impose qu’on le soit, indique Siham Benchekroun, médecin psychothérapeute et écrivain engagé. Car nous ne sommes pas égaux “dans l’absolu”, mais uniquement dans ce qui est “mesurable””. Et de développer : “Dans l’idéal, tout être humain devrait avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs. Il se trouve que ce n’est pas le cas selon qu’on soit un homme ou une femme. Notez que même lorsque l’égalité est établie au niveau juridique, elle ne l’est pas forcément au niveau social, ni au niveau des mentalités.” En effet, comme l’énumère la spécialiste, il y a des inégalités partout, en termes d’opportunités, d’accès à l’éducation, d’accès aux postes de décision, il y a des inégalités professionnelles et salariales, des inégalités dans les charges familiales, etc. “Or l’égalité peut et doit exister, dans tous ces registres”, insiste-t-elle. “Comme d’autres changements, elle nécessitera de la persévérance. Nous en avons, et nous en aurons. Ce n’est pas seulement une question de justice sociale, c’est aussi une voie incontournable pour qu’une société se développe et progresse.”

Ce printemps, le vestiaire féminin se distingue par sa simplicité, son audace et son intemporalité.
Theodore Ushev, réalisateur canadien d’origine bulgare, présidera cette année le Jury de la Compétition Internationale du meilleur court-métrage d’animation (Courts
Hanane El Fadili, l’humoriste aux mille casquettes donne toujours vie à des personnages détonants, poignants, hilarants et proches de nous.
Les entreprises dirigées par des femmes sont confrontées à des défis en matière de financement, de numérisation et de recherche
31AA4644-E4CE-417B-B52E-B3424D3D8DF4