À la tombée du jour, l’appel à la prière marque la rupture du jeûne. Harira fumante, dattes sucrées, briouates dorées et chebakias parfumées envahissent la table. Après une journée sans eau ni nourriture, l’envie de se ruer sur ces mets réconfortants est irrésistible. “Beaucoup compensent le jeûne en consommant en excès des plats gras et sucrés, ce qui fatigue encore plus le corps”, avertit Nabil Ayachi, nutritionniste. À l’inverse, structurer ses repas en privilégiant les protéines, les glucides complexes et les bonnes graisses permet de maintenir une énergie stable et d’éviter les inconforts digestifs.
La première clé réside dans le shour, ce repas matinal souvent négligé ou réduit à un thé et quelques dattes avalées à la hâte. Une erreur, selon Imane Slaoui, médecin esthétique et micronutritionniste: “C’est lui qui conditionne l’énergie de la journée. Un bon shour doit être riche en protéines et en fibres pour éviter les fringales et la fatigue.” Idéalement, ce repas devrait inclure des aliments à digestion lente : pain complet, œufs, yaourt nature agrémenté de fruits secs, amandes ou graines de chia. L’avocat, grâce à ses bonnes graisses, est aussi un allié précieux. “Quant aux sucres rapides, comme les viennoiseries ou les céréales raffinées, ils provoquent un pic d’énergie éphémère suivi d’une hypoglycémie en milieu de journée”, insiste l’experte en micronutrition.
Autre élément fondamental : l’hydratation. “Certaines personnes se concentrent sur la nourriture et oublient de boire suffisamment”, constate Mehdi Aouad, nutritionniste. “Or, la déshydratation est souvent la cause des maux de tête et de la fatigue en journée.” Son conseil: boire au moins 1,5 à 2 litres d’eau entre le ftour et le shour, en évitant les sodas et les jus industriels trop sucrés. Pour une digestion fluide, le nutritionniste recommande d’introduire des tisanes digestives après le repas, comme la verveine ou le gingembre. “Cela aide à éviter les ballonnements et améliore l’assimilation des nutriments.” Il conseille aussi de ralentir le rythme des repas : “Manger trop vite empêche le cerveau d’envoyer les signaux de satiété à temps, ce qui pousse à la surconsommation.”
Conjuguer plaisir et équilibre
Lorsque l’appel à la prière d’al-maghreb résonne, l’envie de se jeter sur la nourriture est souvent irrésistible. Pourtant, ce moment tant attendu de la journée, doit être abordé avec modération. “Commencer par un verre d’eau et quelques dattes est la meilleure façon de réactiver doucement le métabolisme”, conseille Mehdi Aouad. Après cette mise en bouche, place à une soupe comme la harira ou un velouté de légumes, qui hydrate tout en préparant le système digestif à recevoir des aliments plus consistants. Ce n’est qu’après cette première étape qu’un repas plus complet peut être consommé, idéalement composé d’une portion de protéines (poisson, volaille, légumineuses), de légumes variés et d’un féculent à faible indice glycémique (quinoa, patate douce, riz complet). Le piège ? Les fritures omniprésentes sur les tables marocaines pendant Ramadan. Briouates, batbouts et msemmens farcis sont certes délicieux, mais en excès, ils alourdissent la digestion et favorisent la prise de poids. “L’astuce est de limiter leur consommation à deux ou trois fois par semaine, ou de les cuire au four plutôt qu’en friture”, recommande Imane Slaoui.
Collation et exercice physique
La soirée ramadanesque est souvent ponctuée de multiples petites collations. Entre le thé à la menthe, les cornes de gazelle, les viennoiseries et les fruits secs, l’organisme peut vite être submergé par un excès de sucre et de gras. “Il est préférable de patienter au moins une heure après le ftour avant de manger à nouveau”, conseille Mehdi Aouad. “L’idéal est de privilégier des en-cas sains comme une poignée de noix, un fruit frais ou un yaourt nature.” L’activité physique ne doit pas être négligée. “Même en période de jeûne, il faut continuer à bouger”, insiste Nabil Ayachi. “Une marche digestive de 30 minutes après le ftour favorise la digestion et prévient l’accumulation des graisses.” Ceux qui souhaitent poursuivre une activité plus intense doivent opter pour des entraînements en soirée, après le repas, pour éviter toute fatigue excessive.
Alors, plutôt que de subir le jeûne, pourquoi ne pas en faire une opportunité pour se reconnecter à une alimentation plus saine et plus naturelle? “Manger en pleine conscience, écouter son corps et privilégier des aliments naturels permet de conjuguer tradition et bien-être, pour un mois de jeûne alliant spiritualité et santé”, conclut Mehdi Aouad.
“Ramadan, une opportunité précieuse pour préserver son bien-être”
Chaque année, le mois de Ramadan interroge notre rapport à l’alimentation. Beaucoup pensent qu’il faut compenser le jeûne par des repas copieux, alors qu’en réalité, l’organisme a besoin de régularité et de qualité nutritionnelle, pas d’excès. L’important n’est pas de manger plus, mais mieux. L’idéal est une rupture du jeûne progressive: réhydrater l’organisme avec de l’eau, apporter des glucides naturels avec quelques dattes, puis intégrer progressivement une source de protéines et de fibres pour éviter les pics glycémiques. Mieux vaut privilégier les glucides complexes – pain complet, légumineuses, céréales non raffinées – qui libèrent leur énergie de façon progressive. Les protéines doivent être diversifiées : poisson, volaille, œufs et légumineuses offrent un bon apport en acides aminés essentiels. Les lipides, quant à eux, doivent provenir de sources de qualité comme l’huile d’olive, Une alimentation équilibrée suffit à couvrir les besoins nutritionnels.
Ramadan est l’occasion idéale de repenser son alimentation. En privilégiant la qualité des repas, en structurant ses apports et en écoutant son corps, on transforme ce mois sacré en une véritable opportunité de mieux manger et de renforcer son bien-être général.