Ramadan est un mois particulier, à la fois spirituel et familial. Les enfants, fascinés par son ambiance, essaient leur premier jeûne. Celui-ci coïncide généralement avec le 26ème jour, Laylat Al Qadr. Une question pourtant interpelle les parents : à partir de quel âge un enfant peut-il jeûner ? “Il n’existe pas d’âge fixe pour commencer le jeûne”, indique Dr. Hassan Afilal, pédiatre. Cet avis est nuancé par le pédiatre Dr. Said Afif qui affirme avec insistance qu’un enfant ne peut pas jeûner comme un adulte, son corps étant encore en pleine croissance. “Le jeûne n’est pas recommandé pour les enfants qui n’ont pas encore atteint la puberté, mais ils peuvent s’y initier de manière occasionnelle et progressive, à condition que cela ne nuise pas à leur santé. Un enfant est en pleine croissance et a besoin d’une alimentation équilibrée pour bien se développer”, relève-t-il. Au bout du compte, chacun son rythme ! Chaque enfant réagit différemment au jeûne, en fonction de son métabolisme. Toutefois, les professionnels de santé conseillent une approche progressive dès l’âge de 8 ans, avant d’envisager un jeûne complet à partir de 10 ans. “Pour une adaptation en douceur, il est conseillé d’introduire le jeûne progressivement. Aux alentours de 8 ou 9 ans, les parents peuvent encourager leur enfant à jeûner jusqu’à midi ou en début d’après-midi. Vers 10 ou 12 ans, un jeûne complet peut être envisagé, tout en restant attentif à l’état général de l’enfant. Cet entraînement progressif permet au corps de s’habituer et d’améliorer sa résistance, tout en évitant les effets négatifs d’une privation soudaine”, explique Dr. Hassan Afilal.
Une préparation soignée
C’est le grand moment : L’enfant est tout excité à l’idée de vivre sa première expérience de jeûne. Mais avant de lui permettre de se lancer, il est primordial de le préparer avec soin, en particulier sur le plan psychologique et émotionnel. “Il faut commencer par lui expliquer ce qu’est le jeûne, en utilisant un langage adapté à son âge, pour qu’il comprenne le sens spirituel et culturel de cette pratique, et qu’il ne la perçoive pas comme une contrainte. Il est essentiel de clarifier les règles notamment en discutant des horaires, de la durée et des conditions du jeûne. Cela aidera l’enfant à se préparer mentalement… Il ne faut pas hésiter à mettre l’accent sur les aspects positifs du jeûne, tels que le renforcement de la volonté, l’empathie, et le temps de prière ou de réflexion”, détaille Dr. Hafsa Abouelfaraj, psychiatre et psychothérapeute. Selon la spécialiste, cette étape permet à l’enfant de mieux comprendre le processus et de se sentir plus en confiance. “La préparation psychologique passe par une explication claire, un soutien émotionnel constant et une approche progressive. L’objectif est de faire de cette première expérience du jeûne un moment positif et marquant pour l’enfant, tout en respectant son développement et ses besoins. En l’accompagnant avec patience et encouragement, il développera un attachement sincère et joyeux au jeûne lorsqu’il sera prêt physiquement et émotionnellement”, insiste-t-elle.
Au-delà de la préparation mentale, la préparation physique est indispensable pour permettre à l’enfant de bien supporter son premier jeûne. Tout d’abord, le jeûne peut affecter l’énergie et la concentration d’un enfant. “À partir de 10 ou 11 ans, un enfant peut tenter de jeûner des journées complètes, mais de préférence pendant les jours où il n’a pas école, afin d’éviter toute fatigue excessive”, conseille Dr. Said Afif. De surcroît, l’étape de l’hydratation ne doit pas être négligée, d’autant plus qu’un enfant se déshydrate plus vite qu’un adulte. “Avant de commencer le jeûne, il est primordial de s’assurer que l’enfant boit suffisamment d’eau”, insiste Dr Hassan Afilal. Le repas du shour est également indispensable. Mais attention aux erreurs ! Il convient d’éviter les aliments trop sucrés qui peuvent provoquer un pic d’énergie suivi d’une chute brutale. “Ce repas doit être équilibré: il faut éviter les aliments trop gras ou sucrés, car ils entraînent une digestion lourde et une baisse rapide d’énergie en raison d’un pic d’insuline. Il est préférable de privilégier des aliments riches en fibres, comme les fruits, les légumes, et les céréales complètes, ainsi que des protéines provenant des œufs, yaourts ou viandes maigres, pour garantir une sensation de satiété durable. Les sucres lents, tels que le riz complet, le pain complet ou les lentilles, fournissent une énergie progressive au corps”, développe Dr. Hassan Afilal.
Attention aux signaux d’alerte !
Même s’il est enthousiaste, un enfant ne sait pas toujours identifier ses limites. Les parents doivent être attentifs aux signaux du corps. “Il est crucial d’être attentif à certains signes qui pourraient indiquer qu’il ne supporte pas bien le jeûne. Il s’agit notamment d’une fatigue excessive accompagnée d’une somnolence importante, des maux de tête, des vertiges ou une sensation de faiblesse. L’enfant peut aussi devenir irritable, avoir du mal à se concentrer, ou souffrir de douleurs abdominales et de nausées. Une pâleur marquée et des sueurs froides peuvent également apparaître, tout comme des signes de déshydratation, tels qu’une bouche sèche, une urine foncée ou une sensation de soif intense. Si l’un de ces symptômes survient, il est essentiel d’interrompre le jeûne immédiatement et de réhydrater l’enfant pour éviter toute complication”, prévient Dr. Hassan Afilal. Le jeûne doit rester une expérience positive. Si l’enfant se sent faible ou nauséeux, il est essentiel de l’encourager à rompre son jeûne. “Au cas où l’enfant montre des signes de fatigue excessive, il est important de lui expliquer avec douceur qu’il peut rompre son jeûne avant l’heure prévue. S’il commence à voir flou ou à se sentir étourdi, cela peut être le signe d’une hypoglycémie. Dans ce cas, il faut immédiatement lui donner une boisson sucrée pour rétablir son taux de sucre dans le sang”, insiste Dr. Afif.
Après le jeûne, place à la récompense
Pour un enfant, vivre son premier jeûne est un vrai défi. Ainsi, qu’il ait ou non réussi à tenir toute la journée, il est important de le valoriser. “Il est important de féliciter l’enfant pour sa persévérance, même si le jeûne n’est que partiellement réussi. Cela peut renforcer son désir de continuer. Mettre en place un système de récompense est aussi très utile en créant un tableau où chaque effort est noté et récompensé. Cela motive l’enfant tout en lui montrant que ses efforts sont appréciés”, estime Dr. Hafsa Abouelfaraj. Par le biais de ce système de récompense, les parents jouent un rôle essentiel dans l’encouragement de leur enfant à faire face à cette expérience avec plus de sérénité. C’est aussi une manière de lui transmettre des valeurs comme la persévérance et la patience.