Enfants d’influenceurs : Les dangers de la surexploitation 2.0

Sur les réseaux sociaux, les influenceurs ont pris l’habitude d’afficher leurs enfants qui deviennent, malgré eux, de petites vedettes du Net. Mais quels risques pour leur développement ? Décryptage.

 » Les frontières de l’intime s’étaient déplacées. Les réseaux censuraient les images de seins ou de fesses mais en échange d’un clic, d’un cœur, d’un pouce levé, on montrait ses enfants, sa famille, on racontait sa vie”, écrit l’autrice Delphine de Vigan dans son passionnant roman “Les enfants sont rois” dans lequel elle raconte et dénonce les dérives d’une époque où l’on ne vit que pour être vu, où tout s’expose et se vend, jusqu’au bonheur familial. Les premières victimes ? Les enfants d’influenceurs qui sourient face à la caméra ou au smartphone. Ils se prêtent aux jeux. Involontairement, dès leur naissance. Premiers pas. Premiers mots. Repas. Jours d’école. Bêtises. Vacances. Leur vie est exposée et vue parfois par des millions d’abonnés. Un quotidien, déposé et mis en scène, devenu une activité génératrice de revenus, demandant plusieurs heures de travail par jour…

Dis-moi qui je suis ?
“L’image et l’estime de soi se construisent chez un bébé dès les premières interactions avec sa mère ou une figure maternelle, signale Pr. Ghizlane Benjelloun, pédopsychiatre et experte en protection de l’enfance. Au fur et à mesure de son développement, il prendra conscience de sa propre valeur à travers le regard des personnes qui comptent pour lui.” Or, pour cette spécialiste, si le parent est influenceur, son enfant se sentira valorisé à coup de “like”. De quoi être préoccupé par la vision qu’il aura de lui-même. Une course aux points virtuels qui se transformera en véritable obsession et engendrera une grande fragilité narcissique, sans parler du poids des commentaires parfois acerbes, virulents voire haineux impactant in fine sa confiance en soi et son assurance.

Un mal-être en construction
Au fil des années, les enfants d’influenceurs peuvent également souffrir de dysmorphie : ils ne se voient pas tels qu’ils sont réellement à force d’utilisations, ou plutôt d’abus, de filtres sur diverses applications (Snapchat,…) modifiant à la longue leur perception de leur image et de la beauté. Ce trouble psychique se caractérise ainsi par une préoccupation excessive, voire maladive, pour un/plusieurs défauts ou imperfections imaginaires. Autre conséquence : un risque d’isolement ou de solitude accrue en raison d’une intégration sociale bancale biaisée par le monde virtuel. “Chaque enfant est différent et a une histoire propre ainsi que des fragilités et forces variables. Aussi, il est difficile d’être prédictif ou déterminant dans une trajectoire développementale”, nuance Pr. Ghizlane Benjelloun qui pointe du doigt le rôle des parents, avant de souligner : “Ces derniers doivent installer et privilégier des moments d’intimité familiale et de partages affectifs non-exposés au voyeurisme afin de préserver et protéger leurs chérubins… Un enfant doit être consentant pour être ‘utilisé’ comme un ‘objet valorisant’ dans un processus marketing”, appuie l’experte, en employant délibérément un jargon sans âme. “Or, pour un consentement éclairé, il faudrait disposer d’une maturité suffisante”, interpelle-t-elle. Ces parents l’ont-ils ? Du moins, ils devraient l’avoir. Aussi, mesurent-ils les dangers d’une surexposition médiatique, d’une objectalisation, sur le développement psycho-affectif de leur enfant ?…

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