La glossophobie ou peur de parler en public “est la première peur ressentie par certaines personnes avant même celle de mourir”, estime Ouadih Dada, présentateur TV sur 2M et coach en prise de parole en public. La psychologue Rime Akrache estime, pour sa part, qu’il est essentiel de distinguer “la peur ou l’anxiété naturelle et normale que l’on peut ressentir à un certain degré avant de prendre la parole, et le caractère pathologique des phobies”. En effet, la glossophobie peut se manifester par des symptômes physiques tels que des palpitations cardiaques, des tremblements, des sueurs froides, voire des nausées. Sur le plan mental, elle engendre souvent un sentiment de panique, de confusion et une incapacité à articuler ses pensées de manière cohérente. Cette peur persistante de parler en public peut avoir des répercussions significatives sur la carrière et la vie professionnelle, surtout dans un contexte d’entreprise où les présentations, réunions et discussions sont monnaie courante. Imaginez un employé ayant d’excellentes compétences techniques, mais incapable de présenter ses idées lors d’une réunion importante ou de convaincre un client potentiel lors d’une présentation. Non seulement cela peut compromettre ses opportunités de carrière, mais peut également nuire à la réputation de l’entreprise et entraver sa croissance.
Les causes profondes et leur impact
Les origines de la glossophobie sont souvent multiples et complexes, “d’où l’importance de la thérapie pour déceler l’origine de ce trouble”, précise la psychologue. “Le perfectionnisme et les exigences élevées vis-à-vis de soi, une faible estime de soi, ou la peur du jugement de l’autre peuvent être à l’origine de la glossophobie”, détaille-t-elle. De son côté, Ouadih Dada estime que “la peur de parler en public vient de la peur de s’exposer au regard des autres. Il n’y a rien de naturel à se soumettre à l’appréciation et à l’écoute de l’autre, même si nous somme des êtres sociaux. Il s’agit là d’une mise en danger et elle provient surtout de l’interrogation qui surgit dans notre esprit lorsque l’on est face à l’autre. On a tendance à se demander : Comment ce dernier nous voit-il ? Par ricochet, on suppose qu’il ne voit que nos défauts. C’est pour cela qu’il y a cette crainte de se mettre à nu”. Mais les causes peuvent aussi remonter à des expériences traumatisantes qui proviennent du passé, telles que des humiliations publiques ou des critiques sévères. De plus, des facteurs génétiques, environnementaux et psychologiques peuvent également jouer un rôle dans le développement de ce trouble. “La glossophobie se caractérise par des craintes, de la peur et du stress. Lorsque l’on est amené à parler en public et que l’on n’est pas préparé, on a le cœur qui bat très vite, on est pris par un mouvement de panique, on a la respiration qui s’accélère, les mains moites, le regard qui se détourne…”, confirme Ouadih Dada.
Apprendre à communiquer en entreprise
La glossophobie peut ainsi entraver les opportunités de carrière et saper la confiance en soi. En abordant ces problèmes sous-jacents, les entreprises peuvent aider leurs employés à surmonter leur peur et à atteindre leur plein potentiel professionnel. “Le rôle de l’entreprise est d’apporter un soutien aux personnes qui ont ces difficultés, les déculpabiliser, et faire en sorte que les premières expositions ne soient pas difficiles pour ne pas les éviter par la suite. La confiance s’installe petit à petit”, estime Rime Arkache avant de faire remarquer que, “très souvent, les feedbacks négatifs sont ceux qu’on entend le plus. À mon avis, les compliments devraient aussi être plus communs pour favoriser la reconnaissance au travail et le sentiment d’accomplissement personnel.”
Certaines entreprises ont pourtant compris qu’il fallait aider leurs salariés à surmonter cet handicap. Des programmes de formation en communication sont ainsi mis en place pour aider les employés à développer leurs compétences en prise de parole en public. “Dans une entreprise, il y a nécessairement des cadres qui sont chargés de relayer la parole de l’entreprise mais aussi son image. De ce fait, l’entreprise doit veiller à ce que ses collaborateurs puissent le faire dans les meilleures conditions. Cela se traduit par une formation initiale pour conférer les bases et ensuite assurer des formations continues pour envisager différentes situations, comme notamment les situations de communication de crises”, explique Rime Arkache.
Ces programmes peuvent inclure des ateliers pratiques, des séances de coaching individuel et des simulations de présentation pour aider les employés à surmonter leur peur et à gagner en confiance. “C’est en forgeant que l’on devient forgeron”, insiste Ouadih Dada, avant de poursuivre “pour vaincre la glossophobie, il faut s’entraîner. Des formations existent. Mais il faut être conscient qu’il n’y a rien de naturel dans le fait de parler en public. Cela exige un effort et une prise de conscience. Quelle que soit sa fonction, il faut avoir la capacité de s’exprimer en public pour défendre une idée, un projet, ses opinions ou se défendre lors d’un entretien. Et les formations permettent d’acquérir les fondamentaux”. Cependant, malgré les efforts fournis par ces entreprises, certains employés ne parviennent pas à surmonter leur glossophobie. Dans de tels cas, il est essentiel que les entreprises adoptent une approche empathique en favorisant un environnement de travail plus inclusif et favorable à la croissance professionnelle.
Des millions de personnes à travers le monde sont touchées par la glossophobie en entreprise. Ce trouble est donc un défi sérieux mais surmontable. En fournissant un soutien adéquat et en encourageant un dialogue ouvert, les entreprises peuvent aider leurs employés à surmonter leur peur de parler en public et à devenir des communicateurs efficaces. En investissant dans le développement des compétences en communication, les entreprises peuvent créer un environnement de travail dynamique où chaque voix est entendue et valorisée.