Violences conjugales : Brisons le silence

Les violences faites aux femmes sont le lot commun du sexe dit faible un peu partout dans le monde. Au Maroc, en dépit d’une loi qui punit sévèrement les agresseurs, la violence continue à frapper de plein fouet les femmes. Explications.

La dernière enquête de prévalence des violences à l’encontre des femmes du Haut-Commissariat au Plan (HCP) date de 2019. Elle révèle que parmi 13,4 millions de femmes âgées de 15 à 74 ans, plus de 7,6 millions ont subi au moins un acte de violence, tous contextes et toutes formes confondues durant les douze mois précédant l’enquête. Cela représente 57% de la population féminine. Dans le détail, ce sont 58% de femmes victimes de violences en milieu urbain et 55% en milieu rural. Des chiffres qui font froid dans le dos et qui montrent que la violence conjugale continue à se pratiquer à l’abri des regards. Les violences conjugales au Maroc ne sont malheureusement pas rares. Il s’agit d’une réalité qui touche des femmes de tous âges et de toutes les classes sociales. “Les types de violences les plus difficiles à combattre sont d’abord les violences conjugales ! Cela se passe dans le cadre privé et beaucoup de personnes refusent de témoigner. Les femmes ont peur de dénoncer cette violence par peur des représailles du mari”, souligne Saïda Drissi, présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). Cependant, et il faut le souligner, les violences peuvent prendre diverses formes, notamment physiques, psychologiques, économiques et sexuelles.  Elles ont toutes un dénominateur commun puisqu’elles ont un impact dévastateur sur la vie des femmes et de leurs familles. 

La loi 103-13 caduque 

Au Maroc et malgré certaines mesures importantes et de nombreuses campagnes de sensibilisation pour briser le silence, le pays ne parvient pas à venir à bout de ce fléau. La loi 103-13 relative à la violence faite aux femmes en est un exemple concret. Entrée en vigueur en septembre 2018, après plus d’une décennie de lutte de la part des organisations de défense des droits des femmes, cette loi peine à endiguer les violences fait aux femmes. “Malgré l’adoption de la loi 103-13 et la mise en place d’une commission nationale de prise en charge des femmes victimes des violences, nous ne considérons pas que cette loi comme étant efficiente”, tape du poing Saïda Drissi avant de détailler : “cette loi ne protège pas toutes les femmes et ne sévit pas contre toutes les formes de violences. Sa structure ne lui permet pas d’être une loi globale et cohérente, car il s’agit plus d’amendements du Code pénal. Elle est donc incomplète en termes de protection et de mesures de réparation”.  Cette loi avait pourtant été présentée lors de sa promulgation comme une avancée historique qui incrimine pour la première fois “certains actes considérés comme des formes de harcèlement, d’agression, d’exploitation sexuelle ou de mauvais traitement”, durcit les sanctions pour certains cas et prévoit des “mécanismes pour prendre en charge les femmes victimes” de violences. Mais un grand fossé sépare le texte de la pratique, et la violence à l’encontre des femmes ne cesse d’augmenter. Ainsi au Maroc, les cadres juridiques et institutionnels actuels restent caractérisés par de nombreuses lacunes : absence de législation spécifique aux violences faites aux femmes; non incrimination du viol conjugal ; silence de la loi sur certaines formes de violences ; peines laxistes ; accès très difficile et limité des femmes vulnérables à la prise en charge et l’assistance juridique et l’aide juridictionnelle. “La violence conjugale concerne les moins instruites, les plus jeunes et les plus touchées par le chômage avec un taux de prévalence de 46%. La violence psychologique est la plus répandue dans les lieux d’enseignement et de formation, 22% des étudiantes ont déclaré avoir subi un acte de violence”, relève Saïda Drissi.

La violence physique

Elle regroupe tous les actes qui causent une blessure physique ou un traumatisme non accidentel qui porte atteinte directement à l’intégrité physique de la femme. Avec une prévalence de 35,3% des femmes, 3,4 millions ont subi un acte de violence physique depuis l’âge de 18 ans. Elles sont deux fois plus nombreuses en milieu urbain (2,2 millions) qu’en milieu rural (1,1 millions). Durant les douze mois précédant l’enquête, un peu plus de 15% des femmes, ont déclaré avoir subi une violence physique. Le taux de prévalence de ce type de violence est sans différence significative entre les deux milieux de résidence (43,9% en milieu urbain et 44,6% en milieu rural). 

La violence sexuelle

Elle englobe les rapports forcés, le harcèlement sexuel avec attouchements, l’exposition à des actes indécents, l’incitation à la prostitution et les pratiques sexuelles subies sans consentement. 23% des femmes, soit 2,1 millions, ont subi un acte de violence sexuelle à un moment ou à autre de leur vie. Ces victimes sont trois fois plus nombreuses en milieu urbain (2,2 millions) qu’en milieu rural (720.000). Le taux de prévalence de la violence sexuelle au cours des douze mois précédant l’enquête s’établit à 8,7%. Il est de 7,1 % en milieu rural contre 9,8 % en milieu urbain. Dans sa forme la plus grave (le rapport sexuel forcé), la violence sexuelle fait annuellement 38 000 victimes, soit un taux de prévalence de 0,4%.

La violence psychologique

Définie comme étant tout acte qui consiste à dominer ou à isoler une femme, ainsi qu’à l’humilier ou à la mettre mal à l’aise. Tous contextes confondus, la violence psychologique demeure la forme la plus répandue avec un taux de 15,1% (14,9% en milieu urbain et 15,5% en milieu rural). Les jeunes sont les plus exposées à ces violences, le taux de prévalence baisse de 48,4% pour les femmes âgées de 35 à 39 ans à 57,5% pour les jeunes de 18 à 24 ans.

Un combat de longue haleine  

Face à une telle recrudescence de la violence, la société civile se dresse comme le principal rempart. À cet égard, on ne peut que saluer le travail accompli par les associations et les organisations non gouvernementales qui travaillent sans relâche pour offrir un soutien aux femmes en détresse. Dans ces espaces, les femmes violentées sont accueillies, orientées et prises en charge. “Les associations des droits des femmes étaient les premières à avoir créé, dès 1998, des centres d’écoute dont le premier est Nejma créé par l’ADFM”, tient à rappeler la militante. “Ces centres d’écoute ont brisé le tabou sur les violences faites aux femmes. Certaines associations pouvaient mobiliser une assistance judiciaire comme l’association Adala ou encore une assistance psychologique. Au-delà de tous ces services, c’est grâce à ces centres d’écoute que nous avons pu mettre la lumière sur l’état des lieux concernant la violence”, développe la présidente de l’ADFM. Les centre d’écoute mis en place par la société civile ont permis ainsi de rompre l’isolement dans lequel la violence conjugale confine les femmes, de réfléchir à l’avenir de leur relation conjugale et d’entreprendre des démarches juridiques tout en bénéficiant d’un accompagnement professionnel. En effet, ce n’est qu’en 2002 que l’État, conscient de la gravité du phénomène de la violence contre les femmes, a lancé une stratégie nationale, avec la mise en place d’une ligne verte, d’une commission de suivi ou encore d’un centre national d’écoute. Ces actions ont été suivies par la création de cellules dans les hôpitaux, les postes de police et les tribunaux… Pour conforter l’action de l’État et venir à bout des violences à l’encontre des femmes, un partenariat a été signé l’année dernière, entre ONU Femmes et la la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN). Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de la  réforme entamée par la DGSN pour assurer une réponse efficace et conforme aux normes internationales de prise en charge des femmes victimes de violence.

Recrudescence de la violence  

Les causes des violences conjugales sont complexes et multifactorielles. Elles peuvent être liées à des normes culturelles, à des inégalités de genre persistantes, au chômage, à la dépendance économique, ou à d’autres facteurs sociaux. Il est essentiel de comprendre les racines de ce problème pour pouvoir le combattre de manière efficace. “La société est en train d’asseoir une culture de violence faites aux femmes”, confirme Saïda Drissi. En effet avec l’omniprésence des réseaux sociaux, les femmes sont de plus en plus victimes de cyber violence. “Les femmes sont les premières victimes de cette société 2.0. En se basant sur un référentiel religieux et “salafiste”, les gens ne font rien pour changer les mentalités, il y a encore et toujours cette relation de pouvoir de l’homme sur la femme”, s’insurge la militante.  Harcèlement, partage de vidéos, mais aussi d’images participent à cette violence faite aux femmes. “Les médias ne sensibilisent pas assez à une prise de conscience générale et a une égalité des sexes, et c’est ce qui contribue aussi à cette violence”, fait remarquer la militante féministe avant d’ajouter “il faut absolument aller vers le changement des mentalités, des lois et des politiques publiques qui intègrent l’égalité entre les hommes et les femmes”.   

Aujourd’hui plus que jamais, il est crucial que les femmes victimes de violences conjugales sachent où trouver de l’aide. Au Maroc, il existe des lignes d’assistance téléphonique, des centres d’accueil, et des services de conseil spécialement conçus pour les aider à échapper à la violence et à se reconstruire. Il est temps de briser le silence, de soutenir les victimes, et de travailler ensemble pour éliminer ce ma dévastateur. Mais pour endiguer ce fléau, une mobilisation générale et une véritable prise de conscience sont une nécessité absolue.

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