Enseignement: Le train des réformes est en marche

À chaque nouvelle rentrée scolaire, le sujet de l’éducation et des écoles revient sur le devant des discussions. Niveau des élèves, méthode indienne, gouvernance, sport scolaire … État des lieux des différentes réformes et perspectives.

“La réforme de l’enseignement doit viser au premier chef à permettre à l’apprenant d’acquérir les connaissances et les habiletés et de maîtriser les langues nationales et étrangères, notamment dans les filières scientifiques et techniques qui ouvrent les portes de l’insertion sociale”, déclarait S.M. le Roi Mohammed VI dans son discours du 30 juillet 2015. L’orientation est claire. Depuis, divers plans de réforme de l’éducation nationale ont vu le jour : charte nationale de l’éducation et de la formation en 1999, plan d’urgence “Najah” 2009-2012, vision stratégique 2015-2030…

Si certaines avancées sont à souligner comme la baisse du taux d’analphabétisme ou la généralisation de l’accès à l’école primaire, des lacunes importantes attirent encore l’attention. La “maîtrise des langues nationales et étrangères” est loin d’être acquise puisqu’à peine un quart des élèves est capable de lire avec fluidité un texte de 80 mots en arabe et à peine un tiers un texte de 15 mots en français.

70% des élèves ne maîtrisent pas le programme à la fin du primaire et 90% à la fin du collège. Environ 300 000 élèves quittent l’école chaque année depuis 2016. Côté mathématiques, 13% seulement sont capables de réaliser une division simple. Ces chiffres sont issus d’une enquête relative au Programme National d’Évaluation des Acquis des élèves (PNEA), réalisée en 2019 par le Conseil supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche scientifique. 

Dans le classement PISA 2022 (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), le Maroc avait perdu des points dans toutes les catégories en comparaison avec les résultats de 2018. Sur 81 pays, le Royaume arrive 71ème en mathématique (365 contre 368 points en 2018), 79 ème en compréhension de l’écrit (339 contre 359 points) et 76 ème en culture scientifique (365 contre 377 points), soit un recul de neuf rangs sur les deux derniers champs. Ces résultats, inférieurs à la moyenne de l’OCDE  qui pilote l’enquête, et en nette détérioration, “viennent confirmation tous les diagnostics nationaux et internationaux, et font de la crise de l’apprentissage dont souffrent les élèves du système éducatif public une problématique prioritaire (…)”, notait le ministère de l’Éducation nationale dans un communiqué en décembre dernier. 

C’est sur ces données que la feuille de route 2022-2026 “pour une école publique de qualité” fonde ses objectifs. Celle-ci repose sur trois axes d’intervention : l’élève, l’enseignant et l’établissement, autour desquels se déclinent 12 engagements concrets.

Cinq sont dédiés à l’Élève. Cela concerne le préscolaire, les manuels et curricula,  l’accompagnement,  l’orientation et le soutien social. Trois engagements ciblent l’axe Enseignant, à savoir la formation, les conditions de travail, la valorisation des compétences et des carrières, et quatre engagements ciblent le cadre de l’école : structures accueillantes, gestion, esprit de coopération, activités parascolaires et sportives.

Cette feuille de route s’articule autour de trois objectifs: garantir la qualité des apprentissages (doubler le taux des élèves du primaire maîtrisant les fondamentaux), favoriser l’épanouissement et le civisme (doubler le taux des élèves bénéficiant d’activités parascolaires) et rendre effective la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (réduire la déperdition scolaire d’un tiers). Pour ce faire, la feuille de route fixe trois conditions de réussite autour de la gouvernance, l’engagement des acteurs et le financement.

Pour l’année scolaire 2022-2023, on a déjà noté, selon le ministère de tutelle, des impacts initiaux sur un réseau d’établissements pionniers au nombre de 600 écoles primaires, soit 320 000 élèves. “Le paradigme d’apprentissage des enfants a été intégralement revu, appuyé par la science et la recherche, avec une évaluation individuelle et contrôlée par des partenaires externes. Grâce à la mobilisation des enseignants et des équipes pédagogiques au sein des écoles pionnières, la première évaluation du niveau des élèves révèle que la majorité d’entre eux, de la 2ème à 6ème année du primaire, affichent une amélioration sensible des taux de maîtrise dans les compétences évaluées”, rapporte le ministère de l’Éducation dans le communiqué cité plus haut. Et d’ajouter: “Ces premiers impacts mesurés démontrent qu’un redressement aussi important et rapide du niveau des élèves est possible grâce au travail collaboratif de l’équipe pédagogique: enseignants, directeurs, inspecteurs, administration provinciale et régionale.”

Une méthode indienne qui ferait des miracles

Cette “amélioration sensible” est due notamment à l’adoption depuis la rentrée scolaire 2023 dans ces 600 écoles primaires pionnières d’une méthode pédagogique indienne développée par Pratham, une ONG installée à Bombay et New Delhi. C’est le Teaching At the Right Level (TARL), une méthode de rattrapage innovante fondée sur des activités interactives, efficaces et ludiques, et qui repose sur le fait d’enseigner aux élèves les bases en lecture, écriture et mathématiques en fonction de leur niveau réel de compétences et non de leur classe. En améliorant les performances de ceux qui auraient été dépassés dans certaines disciplines, on permettrait d’améliorer plus rapidement les niveaux globaux d’apprentissage. C’est ce qu’on appelle l’enseignement de remédiation. Selon les résultats avancés, le taux de maîtrise des 63 000 élèves évalués ont été multipliés par quatre en mathématiques, par trois en français et par deux en arabe, ce qui correspond à un rattrapage d’une à deux années de scolarité.

L’expérimentation du projet “écoles pionnières” a démarré à la rentrée 2023 auprès d’établissements primaires ayant volontairement adhéré au projet. L’extension se poursuivra en 2024/2025 au rythme de 2000 écoles additionnelles chaque année, en vue d’une large couverture à l’horizon 2026/2027. Quant aux établissements du secondaire, les collèges pionniers démarreront à la rentrée de septembre 2024. “Nous sommes sur un élan de croissance et de développement mais le bilan reste mitigé”, nuance Mohammed Guedira, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Mohammed V de Rabat. Pour les points positifs, il note la réduction des abandons scolaires. Sur les 300.000 élèves qui quittent habituellement l’école annuellement, 50.000 ont été retenus, “c’est déjà un grand pas”, juge-t-il même s’il faut “des études de tendances sur trois, quatre ans pour voir si ce processus de rétention reste enclenché”. 

De plus, le professeur évoque le financement de construction et d’embellissement d’écoles, en regrettant toutefois que les améliorations ne concernent majoritairement que des aspects matériels : “La bonne volonté est là mais c’est insuffisant au niveau de l’humain, de la formation continue, des programmes, particulièrement au niveau de la gouvernance et du management”. 

La gouvernance représente un point important de la feuille de route 2022-2026 en ce qui concerne l’axe des établissements qui engage notamment la formation des directeurs d’école au leadership. “Il y a un engagement de la part des professeurs et des administrateurs mais les outils de pilotage ne sont pas là. Le personnel n’est pas former pour piloter ou être un leader. Certains responsables restent dans une logique administrative. Par exemple, le ministère a accordé 50.000 dirhams par an pour chaque école mais les directeurs ne savent pas comment les dépenser. Ils ne sont pas formés à la gestion ou au management”, détaille Mohammed Guedira qui dénonce aussi le manque de formation du côté des professeurs. 

“On a initié la formation de cinq ans pour les enseignants en ignorant les contractuels qui représentent environ la moitié des effectifs. Si les enseignants ne sont pas formés, on risque de faire du sur-place”, s’interroge-t-il. La feuille de route prévoit la création d’un Institut du Professorat pour réguler la qualité de la formation des enseignants à travers la normalisation des contenus, la certification des acteurs et la formation des formateurs. Selon Mohammed Guedira, cet institut doit être opérationnel.  

Les grèves répétées durant l’année scolaire passée ont perturbé l’enseignement des élèves. Pourtant, les résultats du bac sont plutôt positifs. C’est l’Oriental qui, cette année, a obtenu le taux de réussite le plus élevé, soit 86,19% avec 18.415 nouveaux bacheliers. Dans la ville de Berkane, ce taux grimpe à 95,2%. “Il est inconcevable à mon sens d’avoir 35 jours réels de grève et un résultat pareil. C’est positif mais ces chiffes interpellent : ce bac certifie-t-il vraiment les compétences du bachelier ?”, s’interroge Mohammed Guedira. 

Le sport, un maillon faible de la chaîne éducative 

Autre sujet crucial au niveau de l’éducation, celui du sport qui fait défaut à de nombreux égards. Le 12ème et dernier engagement de la feuille de route 2022-2026 concerne “des activités parascolaires et sportives au service de l’épanouissement des élèves”. Seulement 25% d’élèves environ bénéficient d’activités parascolaires, soit une minorité malgré le développement des clubs au sein des établissements. Les séances de sport prévues dans le programme ne sont pas toujours réalisées et le tissu associatif proposant des activités parascolaires ne dispose pas des capacités suffisantes pour délivrer des prestations de qualité. 

Pourtant, la loi 30-09 (24 août 2010) relative à l’éducation physique et aux sports dispose dans son article 2 que “l’enseignement de l’éducation physique et sportive est obligatoirement dispensé au sein des établissements d’éducation et d’enseignement scolaire public ou privé”, et dans son article 3 qu’une “association sportive doit être constituée (…) dans tout établissement d’éducation et d’enseignement scolaire public ou privé, ou de formation professionnelle publique ou privée”.

“Cette loi est née caduque car au niveau du primaire, on ne peut pas l’appliquer. Même si l’association existe, elle ne peut pas être fonctionnelle cat il n’y a pas de professeurs de sport”, réagit Mohammed Guedira, également spécialiste du management du sport. “Il faut réviser cette loi dont les textes d’application sont venus très en retard et qui n’est plus adéquate ni avec le système sportif ni avec le système éducatif. Rien n’a été fait concrètement depuis 15 ans”, regrette-t-il.

Mohammed Guedira soulève aussi le problème de chevauchement des prérogatives au niveau des différentes structures existantes : fédération royale marocaine du sport scolaire (FRMSS), fédération royale marocaine du sport universitaire (FRMSU), direction de la promotion du sport scolaire dépendant du ministère de l’Éducation nationale… “Le sport doit être à part ; on a greffé la direction du sport au ministère de l’Éducation nationale qui n’était pas prêt pour cela. Il faudrait créer soit une agence soit un haut-commissariat au sport”, préconise l’expert. Et de conclure : “Il faut agir en priorité sur l’amélioration des infrastructures, le contrôle et la supervision des enseignants, la formation des inspecteurs, la création obligatoire d’associations et la formation de leurs bureaux, la réalisation de partenariats entre écoles au Maroc et à l’étranger. Le sport n’a pas été pensé objectivement pour être incorporé dans le système éducatif. Cela reste le maillon faible de la chaîne. Aujourd’hui, il faut fonctionner dans l’esprit du privé pour faire avancer le sport scolaire et le sport en général.” 

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