Contrairement aux idées reçues, les Troubles du comportement alimentaire (TCA) ne surviennent pas qu’à la puberté. Cette pathologie, inquiétante et plurielle, peut également se manifester dès le plus jeune âge mais sous diverses formes. “Je vois de plus en plus de jeunes enfants (0-6 ans) à mon cabinet venant avec leurs parents, se trouvant désemparés face à la détresse alimentaire de leurs enfants”, alerte d’emblée le Dr Soraya Dorhmi, pédopsychiatre et psychothérapeute. Même si les données statistiques ou prévalences manquent sur ce phénomène au Maroc, cette spécialiste estime, à son échelle, qu’il est en hausse, émettant l’hypothèse d’une meilleure sensibilisation auprès des parents sur le développement de leurs enfants ainsi qu’une meilleure orientation des pédiatres, de mieux en mieux formés sur le sujet, en lien quasi-constant avec les enfants.
Les différents TCA
Lorsque l’alimentation n’est plus plaisante ou agréable mais coercitive et agressive, elle peut ainsi se traduire par différentes formes de TCA. Parmi eux, l’anorexie du nourrisson qui se caractérise par le fait chez un bébé, âgé entre 6 mois et 3 ans, de refuser progressivement de se nourrir (tétée ou repas). Très angoissés, les parents peuvent être tentés d’entamer une “lutte psychologique” en jouant la carte du divertissement (dessins animés sur le portable ou la télé, etc.) pour “forcer” leur progéniture à s’alimenter. Autre pathologie : le TCA post-traumatique, refus alimentaire qui survient après un événement traumatique (chronique ou répétitif), au niveau du l’oropharynx ou l’œsophage comme une simple fausse route… “Parfois, les parents ne sont même pas témoins de cet accident”, fait remarquer le Dr Dorhmi. “Aussi, lorsqu’ils viennent me consulter, ils sont complètement désarçonnés par la situation.” Les enfants peuvent également être sujets aux aversions alimentaires sur le plan sensoriel. “C’est quand un enfant n’aime pas une texture ou une odeur particulière au point d’en faire une minutieuse sélection dans son assiette”, détaille la spécialiste, enchaînant sur le dernier TCA ajouté en 2013 au Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM-V) : la néophobie ou le trouble de l’alimentation sélectif et évitant (Avoidant Restrictive Food Intake Disorder). Ce dernier se caractérise par une sélectivité alimentaire prononcée, refusant catégoriquement de goûter à d’autres plats. En clair, ce sont les enfants qui ne mangent que des pâtes ou des biscuits.
Des causes multiples
Les TCA chez le jeune enfant sont complexes. Car ils peuvent être d’origines organiques, comportementales voire multifactorielles… “Un enfant prématuré, ayant eu des complications médicales sévères ou des soins comme une intubation, est plus à risque de développer des TCA”, explique le Dr Dorhmi. “La relation entre parents-enfant a également une incidence capitale sur le rapport à la nourriture”, ajoute-t- elle en portant une attention particulière sur les parents souffrant de troubles anxieux et autres psycho-pathologies ou encore ces mères, appelées “Almond mom”, qui veulent à tout prix contrôler l’alimentation de leurs enfants aux millilitres et grammes près. “Quel que ce soit les TCA, la seule solution est une consultation avec et un professionnel de la santé à l’instar d’un pédopsychiatre, qui pourra, parfois en seulement quelques séances, résoudre ce problème”, rassure Dr Dorhmi, préconisant aux parents d’alerter le pédiatre en cas de changement de comportement ou de trouble dans le développement de leur enfant. “Le travail du lien parents-enfant est un élément crucial dans la prise en charge thérapeutique surtout chez le très jeune enfant”, poursuit-elle. ”Prise en charge le plus tôt possible, cette pathologie peut éviter l’installation de TCA à l’adolescence comme l’anorexie mentale, la boulimie nerveuse et l’hyperphagie boulimique…”