Le complexe de la Superwoman

Dans une société qui valorise la réussite et la performance, les femmes se retrouvent souvent soumises à une pression intense pour exceller dans tous les domaines de leur vie : carrière, famille et épanouissement personnel. Cette quête de perfection peut devenir un piège, entraînant des répercussions sur leur santé mentale et bien-être. Explications.

Être une mère attentionnée, une épouse dévouée, une femme épanouie, tout en prenant soin de son apparence physique et en réussissant sa vie professionnelle… C’est le leitmotiv des femmes d’aujourd’hui qui sont, comme l’explique Rim Akrache, psychologue clinicienne et neuropsychologue, soumises à des attentes élevées et en même temps paradoxales : “être une bonne mère mais ne pas se négliger, avoir une bonne carrière mais en même temps rester humble, c’est-à-dire à “sa place”… Aussi, même si les femmes travaillent, le temps du travail domestique n’a pas forcément été réduit…”, souligne-t-elle. Un avis partagé par Naïma Chikhaoui, socio-anthropologue à l’Institut des Sciences de l’archéologie et du Patrimoine. “La superwomen est non seulement une image mythifiée, mais elle est surtout stéréotypée et met le voile sur des réalités complexes, discriminantes et combien douloureuses pour certaines femmes.” Pour elle, le mythe de la superwoman ne s’arrête pas à la sphère professionnelle, car en dépit des évolutions sociétales, la répartition des tâches domestiques reste encore largement inégale.

Aux origines d’un phénomène

“La figure de la Superwoman a toujours existé sous différentes formes, notamment dans les milieux ruraux où les femmes jonglaient entre activités agricoles et domestiques. Aujourd’hui, malgré des avancées en matière de scolarisation et d’accès au travail, les femmes continuent de cumuler des rôles multiples sans que la répartition des tâches ne soit équitable.”, précise encore Naïma Chikhaoui. Cette émancipation ne s’est pas accompagnée des changements nécessaires au niveau des lois et des politiques publiques pour reconnaître et alléger la charge des femmes. “le féminisme a œuvré pour que les femmes puissent s’autonomiser…”, appuie-t-elle. “Aujourd’hui, les femmes travaillent plus… Elles accumulent du travail très conséquent sur tous les plans : physique, moral et psychique. Paradoxalement, les changements et les transformations sociales ne s’opèrent pas, comme la répartition équitable des tâches, l’aménagement du temps des femmes en respectant leur temps biologique”, se désole-t-elle. Pour Rim Akrache, ce qui pousse les femmes à vouloir être sur tous les fronts aujourd’hui, c’est le patriarcat et ses injonctions paradoxales. “Plutôt que de questionner les constructions et les rôles genrés, beaucoup pensent que le féminisme est à l’origine de cette charge mentale parce qu’il ne “fallait pas travailler””, souligne la psychologue  qui insiste sur “le besoin d’indépendance et de sécurité financière, associés à des exigences comme le fait d’être parfaite, d’effectuer un travail domestique, de prendre soin des autres et leur témoigner son amour, de s’engager dans des activités associatives et militantes…En un mot, d’être sur tous les fronts…”

Autre facteur ayant exacerbé le phénomène de la “superwoman” selon la neuropsychologue, ce sont les réseaux sociaux. Des images de femmes jonglant avec brio entre travail, famille et loisirs s’affichent régulièrement sur Instagram, Facebook ou autre, renvoyant un idéal souvent inatteignable. “À l’ère du digital, il y a une grande valorisation de la performance et de la productivité. Je pense notamment à tous les discours motivationnels et beaucoup de comparaisons qui poussent à devenir de plus en plus exigeante envers soi”, poursuit l’experte. Cette mise en scène de la “femme parfaite” contribue à créer des attentes irréalistes. Il devient difficile pour certaines de reconnaître leurs limites sans ressentir un sentiment d’échec ou de frustration. 

Superstar du travail invisibilisé

Lorsqu’on parle des super-héroïnes, on parle aussi et surtout de l’ensemble des tâches non rémunérées et souvent sous-estimées qu’elles effectuent quotidiennement, tant dans la sphère domestique que professionnelle. Ce travail inclut la gestion du foyer, l’éducation des enfants, le soin des proches et la planification mentale des tâches familiales, connue sous le terme de “charge mentale”. Bien que ces activités soient essentielles au bon fonctionnement des ménages et de la société, elles ne sont pas reconnues à leur juste valeur économique ou sociale. Cette sous-valorisation du travail “invisible” des femmes est d’autant plus complexe que certaines femmes n’osent pas demander de l’aide pour ne pas briser cette image de femme parfaite, selon Rim Akrache. “C’est une pression qui peut grandir. Plus l’entourage applaudit les efforts, plus l’envie de faire mieux grandit pour que ce soit plus gratifiant.”

Elles ne peuvent pas tout avoir !

“Les conséquences de la pression d’exceller dans toutes les sphères peuvent être la charge mentale évidemment, le manque de satisfaction et de sentiment d’accomplissement. Souvent lorsqu’on est exigeante, on a tendance à négliger les premiers signes d’épuisement… On peut développer du stress chronique, ou d’autres troubles émotionnels liées à l’estime de soi. Même une superwoman reste humaine, et sujette à l’épuisement”, insiste la psychologue. Pour éviter de tomber dans ce piège, il est essentiel de repenser les normes et les attentes, tant au niveau individuel que sociétal. Et cela passe aussi par l’éducation des garçons dès leur plus jeune âge : “la plupart du temps, en dépit les avancées, les hommes croient qu’ils bénéficient ad vitam æternam de certains “droits” , et que c’est le devoir des mères et des épouses de s’acquitter de certaines tâches. C’est sur ces idées qu’il faut éduquer pour prévenir la charge mentale”, argumente la psychologue.

Pour Naima Chikhaoui, il est essentiel de repenser nos modèles sociaux et de mettre en place des politiques publiques équitables qui reconnaissent et allègent les tâches des femmes. “Il est temps que l’on conjugue nos efforts pour réduire les écarts sociaux entre hommes et femmes.” Et de conclure : “Nous sommes à la veille d’un nouveau Code de la famille. Nous espérons un discours politique qui allie la nécessité de s’attaquer à la justice sociale de manière articulée à la justice et à l’égalité entre les hommes et les femmes avec des mécanismes et des politiques concrets et pour lesquels il faudrait assurer un suivi”.

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