Carte blanche : Personnages déboussolés

“ un cinéma de l’attention pour mieux saisir les différentes facettes de la condition humaine.”

La vingtième édition du Festival international du film de Marrakech restera une date dans les annales du festival et de l’ensemble du cinéma marocain. Non seulement parce que c’est la première fois qu’un film marocain décroche la consécration suprême, l’Étoile d’or pour le film La mère de tous les mensonges d’Asmae El Moudir, mais aussi pour l’ensemble de la prestation du cinéma marocain à travers les différentes sections du festival. 

Le point d’orgue de cette prestation inédite fut l’hommage rendu à Faouzi Bensaïdi. Pour de nombreux cinéphiles et observateurs, ce fut l’hommage le plus émouvant et le plus original de l’histoire du festival. Avec la projection de son nouveau film, Déserts, l’hommage fut tout simplement un grand moment de cinéma.

Faouzi Bensaidi est l’une des figures de proue de la nouvelle vague qui, au début des années 2000, illumina les écrans du pays d’images pleines de promesses et d’espoir. 

Cet enfant de la cinéphilie Meknassie était pourtant destiné à une carrière de théâtre. Brillant lauréat de l’ISADAC où il avait suivi une formation d’acteur, son amour pour le septième art en a décidé autrement. Il a fait alors le choix –heureux- du cinéma : réalisateur, scénariste…et acteur. Passer derrière la caméra tout on ne se privant pas de jouer “devant”, aussi bien dans ses films, dans de vrais rôles et non de simples apparitions, ou dans les films des autres. 

Sa filmographique est relativement courte ; elle compte à ce jour trois courts métrages et six longs métrages. C’est un cinéaste qui n’est pas du tout pressé, il prend son temps notamment dans la phase de post-production où il s’attache à apporter un soin particulier, entre autres, à la bande son : la musique bien sûr, mais aussi tous ces bruits de la vie qui offrent un riche hors champ sonore. 

 Faouzi Bensaidi est fortement marqué par le théâtre, c’est un fin connaisseur du théâtre de Shakespeare notamment. Mais il reste fondamentalement un visuel. Chez Bensaidi, le plan est à la fois dramatique, plastique et sémiotique. Il est à la fois visible et lisible. Les thèmes s’inspirent du quotidien des petites gens. Les choix de mise en scène leur offrent une transcendance en magnifiant ce quotidien avec un usage approprié et pertinent de la composition du plan. Le recours au plan large/plan séquence avec une dynamique interne qui accompagne et valorise les détails, les signes dans leurs variétés.

Déserts (2023) en est une éloquente illustration. Il déplace sa caméra vers des espaces inédits du sud marocain avec des plans qui transcendent le réel immédiat vers des dimensions tragiques et épiques. C’est la naissance d’un genre, le “Southern”, l’équivalent marocain du western ! Dès la scène d’ouverture, il énonce le programme. Deux personnages, on comprendra plus tard que ce sont deux collecteurs de dettes, tentent de se situer sur une carte posée sur le capot d’une vielle voiture. Le vent les empêchera de se repérer en emportant leur carte. À un niveau dramatique, c’est l’entrée en scène de deux personnages déboussolés, sans repères. Ils auront affaire à un espace convoqué comme protagoniste de leur déroute. Déserts est porté par une esthétique qui réhabilite le vide, le silence, les temps morts pour mieux montrer les errements des personnages. Les acteurs et leurs espaces sont traités comme une seule matière permettant au film de créer son propre langage. Nous sommes dans le cinéma du plan et non dans le flux des images des circuits dominants. C’est un cinéma de l’attention pour mieux saisir les différentes facettes de la condition humaine à l’ère du libéralisme sauvage. Une esthétique loin de tout misérabilisme ou psychologisme. Malgré les apparences, les personnages ne sont pas enfermés dans des clichés. Ils sont portés par un courage ethnique qui peut aller jusqu’au sacrifice­­­.

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