Carte blanche : Les échos du silence

Les cœurs alourdis et les vessies pleines, elles attendent l’échographie dans un silence assourdissant.

Dans la vie, l’annonce d’une grossesse est souvent un bonheur, une promesse de vie, mais dans l’ombre de certains destins, elle peut se révéler un cauchemar. Imane, marquée par un viol lors d’une soirée entre amis où les rires ont cédé la place à la douleur, porte en elle un lourd fardeau. Leila, victime d’inceste au sein d’une famille influente, cache son secret, redoutant l’exclusion. Samira se retrouve abandonnée par son fiancé, tandis qu’Amina, mère de cinq enfants, croyait que l’âge la préservait d’une nouvelle grossesse.

L’attente des menstruations, lourde comme une menace, s’accompagne de passages fréquents aux toilettes. L’achat du premier test de grossesse, suivi d’une prise de sang sous un faux nom, déclenche une montée de panique. L’hystérie s’installe sous le regard apitoyé de l’assistante médicale qui glisse les coordonnées de médecins pratiquant des avortements clandestins à des prix exorbitants, révélant une inégalité d’accès aux soins. Leila décide d’utiliser ses vacances à l’étranger pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Pour les autres, commence le parcours pour trouver un médecin.

Le jour de la consultation, ces femmes, aux âges variés, se retrouvent dans une salle d’attente austère, où les poubelles débordent de bouteilles en plastique. Pour préserver leur anonymat, elles s’enveloppent dans des djellabas, leurs visages souvent dissimulés derrière des lunettes noires. L’accueil est sommaire, la secrétaire pose une seule question : “La date des dernières règles ?” Les cœurs alourdis et les vessies pleines, elles attendent l’échographie dans un silence assourdissant, où l’absence des hommes, lâches dans leur engagement, résonne.

Après une attente interminable, pressées par leurs vessies, les femmes sont appelées à entrer en consultation. Dans une pièce froide, l’infirmière et le médecin échangent à voix basse. Après un examen et une échographie, le médecin confirme la grossesse. Insensible aux larmoiements, il consent à pratiquer une interruption, une urgence à réaliser rapidement. Un billet glissé à la secrétaire permet de débloquer l’agenda : le rendez-vous est fixé, paiement à l’avance. Certaines, comme Amina, tentent de négocier le prix, mais se heurtent à des refus cinglants. Désespérées, elles quittent le cabinet, récupérées par le concierge de l’immeuble, qui leur confie l’adresse d’une faiseuse d’anges ou d’un herboriste, tout aussi efficaces, mais moins chers. Amina prendra ce risque et se retrouvera aux urgences de l’hôpital public avec une hémorragie mettant en jeu son pronostic vital. 

Le jour de l’intervention, après avoir été débarrassées de leur grossesse, les femmes se réveillent dans une pièce adjacente, encore groggy et vulnérables. Elles se redressent sur des lits sommaires, le regard vide, avant de quitter les lieux avec une hâte palpable. Les départs sont rapides, presque furtifs, comme si le moindre retard pouvait exposer leur secret. Les promesses de “plus jamais” résonnent, mêlées à l’écho d’une expérience partagée, lourde de conséquences.

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