Le 31 mai, le Parlement a voté la loi concernant le travail domestique avec 49 voix pour et 7 contre. Alors que pendant les deux semaines précédentes, quand elle en était au stade de projet législatif, cette loi avait suscité beaucoup de polémiques, nos parlementaires n’ont rien trouvé de mieux que de s’absenter en masse le jour du vote. C’est une situation qui montre à quel point les choses importantes pour le commun des mortels suscitent peu d’intérêt pour nos politiciens. Tout d’abord, parce que le sujet des petites bonnes reste une tache noire au niveau de notre scoring chez les organisations internationales qui s’intéressent aux droits des enfants, UNICEF en tête, mais aussi parce que nos chers représentants montrent encore une fois qu’ils ne font pas grand chose pour rétablir la confiance perdue par les citoyens.
Ceci pour la forme. Quant au fond, la déception est encore plus large. En effet, alors que tout le monde s’attendait à l’interdiction définitive de faire travailler des enfants de 16 ans, une pirouette de dernière minute est venue mettre en place une phase de transition de cinq ans à partir de la date de la publication de la loi au journal officiel. Donc en resumé, jusqu’en 2021, les maîtresses de maison pourront, en toute impunité, continuer à faire travailler des mineures. Seule une condition discutable, sous forme de garde-fou, vient limiter cette pratique : avoir l’aval des parents via un acte signé et légalisé. L’autre petite “retouche” consiste à imposer des visites médicales semestrielles aux mineures.
Pendant toute la discussion de ce projet de loi, que ce soit au Parlement ou dans les medias, plateaux télé ou autres, les représentants de l’exécutif ont mis en avant le fait qu’ils connaissent très bien le Maroc et qu’ils sont obligés, vu les circonstances, de faire de la réalpolitique.
Toutefois, il y a des arguments qui battent en brèche cette théorie. Donner la possibilité aux parents de placer leurs enfants de 16 ans chez des familles ne donne aucune garantie à la protection de ces derniers. Quand on sait combien de parents récupèrent les salaires de leurs progénitures chez les maîtresses de maison chaque mois, on ne peut que douter de l’efficacité de ce verrou mis contre les abus. Pour la réalpolitique, on repassera.
D’autre part, quels outils de contrôle l’état mettra-t-elle en place pour surveiller l’application de toutes ces mesures ? Dans des entreprises, usines ou magasins, on peut faire des contrôles sociaux, mais dans des maisons, comment va-t-on procéder ? Y aura-t-il une brigade des bonnes à tout faire ? Les autorités feront-elles des descentes chez les particuliers ? Pour rappel, lors du dernier recensement de la population, les agents de l’état ont eu le plus grand mal à se faire ouvrir les portes des maisons et encore plus à compter le nombre de domestiques qui s’y trouvent.
Avoir le courage politique et moral d’aller plus loin dans la protection de nos mineurs est le minimum qu’on peut exiger de notre pouvoir législatif.
Il faut arrêter de faire des lois pour faire des lois. Notre droit comporte les textes les plus complets, mais c’est dans l’application, le contrôle et l’efficacité de la dissuasion que le bât blesse.
Vivement 2021 !