Football féminin : Leadership dans les stades

Du 02 au 23 juillet, le Maroc accueille et participe à la 14ème édition de la Coupe Africaine des Nations (CAN) féminine. Un évènement d’envergure, minutieusement organisé, traduisant la volonté du royaume de promouvoir le football féminin.

“Le Maroc est déterminé à organiser l’une des meilleures Coupes d’Afrique des Nations (CAN) féminines de l’histoire de la CAF”, avait prévenu, en mai dernier, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) Fouzi Lekjaa, lors de la cérémonie de tirage au sort déterminant la composition de chaque groupe. Une promesse à forte portée symbolique puisque le Maroc a lancé, en 2020, son plan Marshall pour promouvoir et développer le football féminin. Cette CAN féminine s’annonce ainsi être une magnifique occasion de démontrer la qualité de jeu acquise par les joueuses marocaines. À la clef de cette épreuve continentale ? Une qualification au prochain grand rendez-vous mondial. En effet, cette compétition permettra à quatre pays de valider directement leur billet pour la Coupe du Monde Féminine prévue en Australie & Nouvelle-Zélande en 2023. Aussi, après des décennies dans l’ombre du football masculin, les footballeuses espèrent déclencher un véritablement engouement de la part du public.

À l’assaut du terrain

Dans le classement de la Fédération internationale de la discipline (FIFA), publié le 17 juin dernier, les Lionnes de l’Atlas ont conservé leur 77ème place mondiale avec un total de 1320.92 points, se hissant, sur le plan africain,  à la 8ème position, derrière le Nigeria, le Cameroun, l’Afrique du Sud, le Ghana, la Côte d’Ivoire, la Tunisie et la Guinée équatoriale.

À l’issue du match amical Maroc-Congo (7-0) joué le 12 juin dernier, Reynald Pedros, l’entraîneur de l’équipe nationale féminine et ancien coach de l’Olympique Lyonnais, avait notamment mis en avant le travail de ses joueuses. “Les filles ont été appliquées et disciplinées, avait-il soutenu. C’est un football qui progresse. Ça fait seulement un an et demi qu’on a commencé à travailler”. Parmi les titulaires, 12 sont issues de l’AS FAR de Rabat, équipe qui a remporté à maintes reprises le championnat national (D1) ainsi que la Coupe du Trône, se plaçant également à la troisième place au terme de la première édition de la Ligue des champions féminine de la CAF organisée en 2021 en Égypte. En attendant la consécration finale des Lionnes de l’Atlas, la sélection féminine des moins de 17 ans (U17) a déjà accompli des prouesses, en arrachant une qualification historique pour la Coupe du Monde prévue du 11 au 30 octobre 2022 en Inde, après avoir battu le Ghana lors du match retour (4-2). Un élan offensif et une qualité technique récompensés… qui reflètent les efforts déployés pour développer le sport féminin au Maroc.

Une identité footballistique au féminin

En août 2020, la Fédération Royale Marocaine de Football  a signé un ambitieux plan de développement du football féminin avec la Ligue Nationale du Football Féminin (LNFF), les Ligues Régionales et la Direction Technique Nationale (DTN). Sur ce contrat-objectifs, différents axes prioritaires. Tout d‘abord, un volet sportif avec le lancement d’un championnat professionnel féminin D1 et D2 ainsi que l’instauration d’un championnat national U17 et des championnats régionaux des catégories de jeunes. Puis un volet financier à travers l’augmentation de la subvention annuelle réservée aux clubs de football féminin (1.200.000 DH pour les clubs de D1 et 800.000 DH pour les clubs de D2) et le versement de 100.000 DH aux Ligues régionales pour le développement du football féminin, à condition, dans les deux cas, qu’ils respectent le cahier des charges, ainsi que l’accompagnement des clubs sur le plan administratif et financier. Autre axe: celui technique. Dans le viseur ? Porter à 90 000 le nombre des pratiquantes de foot à l’horizon 2024, former 10.000 cadres techniciens au sein des clubs du football féminin et développer le niveau général du Championnat National Pro (D1, D2), du Championnat des Ligues Régionales et du Championnat des Jeunes.

Le 14 octobre 2021, un bilan d’étape a été réalisé à l’occasion d’une réunion d’évaluation et de suivi du plan de développement du football féminin entre la FRMF et la LNFF. La mobilisation de tous les acteurs concernés ainsi que les moyens lancés offrent déjà à mi-parcours un bilan positif, renforcé par d’autres actions comme, la plus récente, la 1ère édition de la Caravane du football féminin en milieu scolaire lancée fin mai 2022. Lors de sa visite en février 2021 au Maroc, le Président de la FIFA avait salué les initiatives de la FRMF et de l’ensemble du pays pour encourager la pratique du football féminin notamment le plan de développement de la discipline sur quatre ans. Lors d’un entretien avec Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Gianni Infantino avait ainsi félicité le Maroc, “considéré comme un pays de pointe pour l’intégration des femmes et des jeunes filles dans le football”. Et d’ajouter : “Il y a beaucoup d’opportunités à saisir et j’ai hâte de voir le Maroc gagner sa place en phase finale d’une Coupe du Monde Féminine de la FIFA™. J’ai fait savoir à M. Bourita que la FIFA se tenait prête à aider la Fédération pour accompagner le développement du football féminin dans tout le Maroc, afin qu’un plus grand nombre de femmes et de jeunes filles puissent pratiquer leur sport préféré”, l’instance internationale du ballon rond ayant, elle aussi, élaboré une fine stratégie dans ce sens pour le football féminin, se joignant ainsi aux côtés des confédérations, des associations membres, des clubs et des joueurs ainsi que des médias.

Se défaire des règles du patriarcat

Au-delà de l’esprit sportif, chausser ses crampons répond à d’autres défis. Dans un rapport intitulé “Quand le football s’accorde au féminin” publié en 2019, l’UNESCO, l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et Positive Football (UNFP) mettaient en évidence les enjeux liés à la féminisation du football, un “sport qui favorise l’autonomisation des filles et des femmes et encourage le respect mutuel, l’égalité et le fairplay”. Pour ces trois organisations, “le sport, par sa pratique, mais également par la prise de responsabilité au sein de structures sportives, constitue un formidable levier d’émancipation pour les femmes et jeunes filles”. “Le football apparaît à bien des égards comme un accélérateur de changement social en faveur de la liberté des jeunes filles et des femmes”, appuyaient-ils, prenant notamment pour exemple le match Iran-Espagne lors de la Coupe du Monde de la FIFATM de 2018. Partie durant laquelle les Iraniennes ont pu, pour la première fois depuis 1979, pénétrer officiellement dans les stades. “Le développement de la féminisation du football, sur le terrain pour les joueuses comme pour les arbitres, sur les bancs pour les entraîneuses et les staffs, dans les instances fédérales et les clubs, est non seulement une question d’égalité en droits, mais aussi un enjeu de performance managériale et économique et de cohésion sociale”, enchaînaient l’UNESCO, l’IRIS et l’UNFP. En d’autres termes, une stratégie payante qui passe inévitablement par une large médiatisation, en plus d’un renforcement des moyens (humains, financiers et techniques), afin de pousser les fillettes d’aujourd’hui toujours malmenées par le système patriarcal, à devenir enfin les femmes qu’elles aspirent à être !

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