Économie et leadership féminin
Leila Bazzi, fondatrice du réseau Lean in Morocco chapter, avocate de formation et créatrice du podcast “Les Inspiratrices”
“D’après le dernier rapport du Forum économique mondial, la pandémie de la Covid-19 a eu un impact inquiétant sur l’égalité entre les hommes et les femmes, retardant à 135,6 ans la parité à l’échelle mondiale. Pourtant de nombreuses études ont mis en lumière les enjeux que représente la mixité professionnelle dans le monde notamment au Maroc. Selon l’étude Women Matter Africa 2016 (McKinsey & Company), il s’agit d’un enjeu économique conséquent estimé à 12 trilliards de dollars de PIB dans le monde et 30 milliards de dollars de PIB additionnel au Maroc à l’horizon de 2025. Aussi, quelles mesures pouvons-nous proposer pour encourager les nouveaux élus et les acteurs économiques à faire du sujet de l’égalité leur cheval de bataille ? Tout d’abord, pour favoriser l’accès des femmes à l’emploi, nous recommandons d’imposer à l’ensemble des acteurs économiques une politique de recrutement paritaire, de lutter contre les stéréotypes à tous les niveaux de l’entreprise (en sensibilisant et en formant les collaborateurs et les collaboratrices), de réglementer la pratique du télétravail ou encore de mettre en place des mesures accompagnant la maternité (comme instaurer un congé paternité d’une durée équivalente à celui des femmes ou offrir des gardes alternatives -crèche d’entreprises et conventions avec les crèches-). Ensuite, pour une meilleure représentativité des femmes au top management et dans les organes de gouvernance, des quotas sont nécessaires. Aujourd’hui encore, la représentativité des femmes aux instances dirigeantes reste faible. Le ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Economie verte et du Numérique a récemment pris l’initiative d’un amendement au projet de loi n°19-20, régissant les sociétés anonymes, consistant en des dispositions visant une représentativité significative des femmes dans les organes de gouvernance. C’est une belle initiative pour remédier à ce déséquilibre, mais aussi pour impulser un élan encourageant les femmes et les futures générations à avoir l’ambition de se réaliser et de s’investir pour leur pays.
Encourager la fibre entrepreneuriale des femmes
Pour booster l’entrepreneuriat féminin, il est impératif d’inculquer la culture de l’entrepreneuriat dès l’école car l’éducation a un rôle clé pour briser les stéréotypes qui alimentent le fameux plafond de verre que ces enfants / étudiantes rencontreront plus tard. D’autre part, le financement des entreprises doit pouvoir être octroyé indépendamment du genre. Malheureusement, actuellement, les femmes sont souvent victimes de discriminations et ne sont pas en mesure d’obtenir des financements conséquents pour démarrer leurs activités en raison notamment de manque de garanties. Une partie d’entre elles vont alors auto-financer leurs entreprises alors que les autres vont être obligées d’abandonner leurs projets. Pour faire face à cet obstacle majeur, plusieurs mesures pourraient être envisagées. L’État doit pouvoir renforcer ses politiques publiques et les instruments de financement au profit de l’entrepreneuriat féminin. Les différents acteurs financiers, qu’ils soient du secteur bancaire ou encore des bailleurs de fonds, doivent proposer des instruments financiers adaptés et pérennes pour soutenir ces initiatives, notamment des bourses, des micro-crédits ou toute offre adaptée. La création de fonds de garantie devrait aussi être encouragée pour soutenir les femmes entrepreneures. La féminisation du monde du travail est un sujet d’intérêt public. Il est aujourd’hui indispensable que les nouveaux élus s’attèlent au sujet de l’égalité en s’assurant notamment que le dispositif juridique existant soit appliqué et en prenant l’initiative de légiférer dans les domaines de l’égalité professionnelle et de l’entrepreneuriat. Ce serait aussi le moment opportun de pouvoir donner vie à l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD), instituée par l’article 19 de la Constitution de 2011, qui a pour vocation de veiller au respect des droits et des libertés et de lui définir des missions concrètes…”