Aude de Thuin : Le temps des femmes est arrivé

Aude de Thuin, Présidente de Women In Africa, revient dans cet entretien sur les tenants et aboutissants de WIA : sa raison d’être, ses ambitions et perspectives. Elle évoque également certains aspects de l’entrepreunariat féminin en Afrique.

Quel est pour vous l’intérêt du leadership féminin pour le développement humain ?

Women in Africa (WIA) a été créé en 2017 suite à des échanges avec des femmes africaines que j’avais rencontrées lors des années Women’s Forum, et qui me disaient le besoin cruel pour l’Afrique de mettre en réseau ses femmes, de les soutenir, et de les connecter au monde entier.

Aujourd’hui WIA est la première plateforme internationale consacrée à l’identification, au soutien et au développement économique des femmes entrepreneuses africaines qui contribuent par leurs actions au progrès et au changement dont le continent a besoin. Comme l’a rappelé Mehdi Tazi, Vice-Président Général de la CGEM, le développement socio-économique du Maroc et du continent passe incontestablement par l’autonomisation des femmes.

L’entrepreneuriat féminin est un véritable moteur de croissance. Une réduction de 26% de l’écart entre les niveaux d’activité des hommes et des femmes conduirait à une hausse du PIB par tête variant  entre 5,7 et 9,9% selon l’étude menée par ONU Femmes Maroc et la Direction des Études et des Prévisions Financières en mars 2021. Voilà pourquoi il est important de mettre en lumière les réussites des femmes, de les accompagner et de les encourager à avoir confiance en elles et à aller plus loin.

Quels sont les freins majeurs à l’entrepreunariat féminin, en Afrique, et est-ce que certains pays sont mieux lotis que d’autres et pour quelles raisons ? 

Si les conditions diffèrent évidemment d’un pays à l’autre, la difficulté majeure des entrepreneuses africaines reste l’accès aux financements. C’est tout le paradoxe de l’entrepreneuriat féminin en Afrique : un entrepreneuriat féminin unique au monde mais limité par des obstacles culturels et financiers. Savez-vous par exemple que si seulement 34% des femmes africaines ont ouvert un compte en banque, elles sont encore plus rares à accéder aux emprunts bancaires : seules 5% d’entre elles obtiennent des crédits* !

C’est pourquoi l’objectif du programme WIA54 est de leur permettre de consolider leurs acquis mais aussi et surtout de renforcer leurs capacités afin qu’elles puissent accéder aux offres de financements et présenter leurs sociétés à de potentiels investisseurs.

Grâce au programme WIA54, les entrepreneuses africaines ont ainsi l’opportunité :

  d’être formées dans le cadre d’un bootcamp en novembre 2021 et décembre 2021 ;

  d’être accompagnées au travers d’un programme de mentorat de janvier à juin 2022 ;

 – d’être mises en avant notamment lors d’une série de roadshows de pitchs organisée par WIA et ses partenaires.

Qu’est-ce qui distingue cette 5ème édition ? 

Pour la 5ème  édition du programme WIA54 dédié au soutien et à la promotion de l’entrepreneuriat féminin en Afrique, WIA a sélectionné non pas 1 entrepreneuse dans chacun des 54 pays du continent mais 10 par pays. Ces 540 entrepreneuses sont accompagnées tout au long de l’année par un programme de formation, un programme de mentorat personnalisé et des actions de communication. 

Le décuplement de la promotion WIA54 se produit alors que l’intérêt pour notre programme de la part des entrepreneuses du continent est grandissant.

C’est le cas au Maroc également où Women In Africa a identifié cette année un plus grand nombre de candidates que les années précédentes, 37 dossiers cette année pour 11 l’année dernière.

Nous avons sélectionné 8 finalistes formidables qui seront accompagnées par le programme WIA54 Maroc notamment au travers d’un programme de mentoring. J’ai envie de toutes les citer ici :

Mariam Minhaj, co-fondatrice de “M4Nature”, Yasmine Jtioui, fondatrice de Jobwinwin, Fatima-Zohra Hakam, fondatrice de Zora, Souhair Bouallala, fondatrice de Bebdary, Aida Kandil, fondatrice de MyTindy , Hasna Afounnas, fondatrice de Iziproteine, Rhita Benjelloun, fondatrice de Rhita créations, Salma Bougarrani, cofondatrice et directrice générale de GREEN WATECH.

C’est ce qui a été présenté à la CGEM le 30 novembre dernier au cours d’un événement où nous avons fait monter sur scène les 8 binômes entrepreneuses/mentors. Nous avons souhaité que les mentors marocains soient tous des personnalités connues, occupant des fonctions importantes et représentatives de l’économie marocaine : Meryem Chami, Directrice Générale de AXA Assurance Maroc ; Imad Haddour, Managing Director Africa de Inetum ; Abdou Diop, Managing Partner, Mazars Audit & Conseil ; Younes El Mechrafi, Directeur Général de la Marocaine des Jeux et des Sports (MDJS) ; Samia Terhzaz, Directeur Général Délégué de la CGEM ; Mouna Daoudi, Directrice Générale de Stop Hunger ; Taoufik Aboudia, Co-fondateur-directeur général de Emerging Business Factory ; Aziz Nahas, CEO de Kensai Asset Management.

Nous retrouverons les 8 finalistes en juin 2022 toujours à la CGEM pour les écouter pitcher devant des banquiers et des investisseurs; c’est à ce moment-là que nous constaterons l’importance du mentoring et du soutien de ces jeunes entrepreneuses par des dirigeants qui eux-mêmes sont passés par là il y a quelques années aussi.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières à cause de la crise sanitaire ? 

Oui  dans la mesure où nous avons dû arrêter en 2020 de faire le sommet annuel économique Women In Africa, qui se tenait tous les ans, depuis 3 ans, à Marrakech, et qui était et reste important pour permettre de rassembler le réseau ; mais de façon générale, la crise sanitaire nous a aussi été bénéfique au sens où elle nous a permis de digitaliser l’ensemble de nos programmes, pour toucher plus de bénéficiaires et avoir ainsi plus d’impact. Nos programmes de webinaires ont touché et touchent un nombre croissant d’auditeurs, en 5 langues et dans tous les pays du continent. 

Est-ce que la nature des projets portés par les femmes a changé depuis que vous avez lancé WIA ?

La nature des projets n’a pas changé ; nous sélectionnons les entrepreneuses dans 8 secteurs – agro-alimentaire,  éducation,  digital , technologies, développement durable, fintech, santé, industries de la beauté et industries créatives, et nous pouvons simplement remarquer une plus grande tendance à intégrer le digital dans les projets. Et tous les projets ont un impact majeur sur la société.

Enfin, quel conseil donneriez-vous à une femme qui souhaite se lancer dans l’entrepreunariat ? 

Les femmes doivent oser plus, et toujours penser qu’elles ont le même cerveau que les hommes ; or elles ont une tendance à penser plus petit lorsqu’elles rédigent leur dossier entrepreneurial. Les banquiers aiment avoir devant eux des personnalités fortes, qui ne soient pas timides, qui leur vendent un projet, afin d’obtenir d’eux un soutien dont toute entreprise qui démarre a besoin. C’est pour cela que nous avons fait le choix de leur attribuer des mentors qui vont les aider à grandir, à prendre confiance en elles, mais aussi, à regarder si leur business plan est solide et bien présenté.

Je dirais en conclusion qu’il faut que les femmes sachent que le “temps des femmes” est arrivé. Le monde entier sait que désormais plus rien ne se fera sans nous, sans notre regard, sans nos projets d’entreprises mais aussi notre implication en politique tant le monde que nous vivons est en grande mutation.

(*) Étude Roland Berger “Accélérer la dynamique entrepreneuriale des femmes en Afrique’’ – novembre 2020.

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