Mohcine Benzakour : “Les réseaux sociaux ont transformé les paradigmes de l’amour”

Les GENZ déverrouillent tous les tabous (réseaux sociaux et applications de rencontres aidant). Ils ont une nouvelle façon de se rencontrer, de se fréquenter et d’explorer l’amour. Docteur Mohssine Benzakour, psychosociologue-enseignant universitaire à Casablanca, nous éclaire sur la vision de l’amour chez ces jeunes.
Mohcine Benzakour
psychosociologue-enseignant universitaire à Casablanca

La perception de l’amour chez la génération Z est complètement différente de celle de leurs aînés. Que signifie l’amour pour cette génération ? Et est-ce que la notion de l’amour en tant que tel existe à leurs yeux ?

L’apprentissage social explique les principaux mécanismes qui font que la perception de l’amour se transmet d’une génération à l’autre. Cependant, il paraît essentiel de tenir compte de l’ensemble des mécanismes impliqués, dont la situation familiale (jusqu’à quel point ces jeunes se sentent aimés), sociale (le type d’encadrement affectif) et culturelle (jusqu’où la culture et les médias présentent l’amour romantique comme remède miracle à la carence d’amour).

À l’ère des réseaux sociaux, les générations Z sont plus préoccupées par les études universitaires, les perspectives d’emploi et la stabilité financière que par la recherche de l’amour. Ajoutez à cela une pandémie, et les rencontres se retrouvent encore plus bas dans la liste de leurs priorités.

Et comme la génération Z n’est pas statique – elle change fréquemment de ville, de style et d’emploi – elle ne s’attend pas non plus à ce que sa relation amoureuse soit bloquée dans le temps.

Par ailleurs, si la sexualité occupe une place importante dans la vie de la génération Z (encore le monde virtuel), cela ne diminue en rien l’importance de l’attachement et de l’amour qui a encore sa place dans la société marocaine, mais pour ceux qui croient encore en l’amour,  leurs propos sur l’amour traduisent souvent une vision magnifiée de ce sentiment, presque fusionnelle. Des images de la femme et de l’homme idéales se dégagent de la majorité des témoignages que j’ai eu l’occasion de relever lors des encadrements des recherches académiques de mes étudiants. D’autres jeunes parlent des nombreuses difficultés qu’ils éprouvent dans leurs relations de couple. Ils m’entretiennent en premier lieu de la jalousie et de la possessivité qui, parfois les habitent ou les dérangent chez leurs partenaires.

Comment vivent-ils leur (s) amour(s) ? Et est-ce que la pression d’être toujours à la page, dans un monde virtuel où l’importance de l’image et la quête d’une version parfaite de soi est omniprésente, impacte leur vision de l’amour ?

C’est une question de différences de priorités, la présence et la qualité des relations amoureuses sont associées à des éléments prioritaires chez l’individu, notamment au plan de la satisfaction de vie, du bien-être et de la santé mentale et physique.

Quel que soit leur âge, les médias sociaux et les applications de rencontres ont transformé notre quête mondiale de l’amour, et la plupart des générations Z ne connaissent pas une vie sans eux. Ainsi le statut de couple n’est pas facile à atteindre et « l’officialiser » nécessite une vraie discussion.

Le maintien des connexions avec la technologie a permis aux célibataires de jongler avec plusieurs centres d’intérêt beaucoup plus facilement – et la génération Z tient à garder leurs options ouvertes. Cela peut sembler diabolique ou sournois pour les générations plus âgées, mais pour les jeunes, c’est tout simplement comme ça que ça se passe.

La GenZ a redéfini les codes de l’amour, le plus grand se passe en ligne via les applications et les réseaux sociaux. Est-ce à dire que le besoin de se voir, de se toucher, d’avoir des relations « normales » n’est plus important et qu’on peut se contenter des relations virtuelles ? Et est-ce que la notion du couple, comme on la connaît n’existe plus ?

En effet, l’exposition au manque d’amour et de soutien affectif conduiraient les jeunes à combler leur soif d’être aimés dans des lieux aussi arides que les relations virtuelles. Et la notion du couple s’en trouve impactée.

Selon de nombreuses études réalisées en Europe, et comme vous venez de le dire d’ailleurs, les GenZ priorisent leur carrière, leur stabilité économique, par rapport à leur vie sentimentale. D’où des relations éphémères, où le moi passe avant l’autre. Jusqu’à quel point cela est-il vrai? Et qu’en est-il au Maroc ?

Le soi relationnel se compose des conceptions de soi, des évaluations de soi positives et négatives, des affects vécus à travers la ou les relation(s) concernée(s), des comportements posés, des buts et des motivations relationnels, des rôles associés à la ou aux relation(s), ainsi que des stratégies autorégulatoires employées dans ce contexte relationnel. Ce qui veut dire que l’identité amoureuse se définit donc ici plus précisément comme la conception qu’une personne possède d’elle-même, notamment, ses caractéristiques (qualités et défauts) et ses comportements qu’elle considère typiques d’elle-même comme partenaire amoureux.

Tout simplement, la génération Z perçoit et vit l’amour propre à la socialisation du 21ème siècle. La psychologie sociale nous apprend que les sentiments d’une personne, ses souhaits et sa façon d’interpréter ses expériences contribuent à son soi relationnel. De même, les croyances d’un individu quant à ce que ses proches voudraient qu’il soit (soi idéal ; ideal self) ou pensent qu’il devrait être (soi obligé ; ought self) sont des repères lui permettant de s’évaluer comme partenaire relationnel. Et donc, si la société aujourd’hui apprend à cette génération que la carrière est prioritaire, que l’amour n’existe plus et que l’argent fait le bonheur, comment serait leur soi amoureux ?

Justement, certains jeunes préfèrent avoir des amis intimes pour être « in », et aussi éviter de souffrir, car une relation amoureuse « normale » est par définition complexe…

C’est une forme de manque de confiance en soi, les relations établies à l’enfance, à l’adolescence et à l’âge adulte sont reconnues comme infléchissant le soi amoureux ou plus précisément l’attachement amoureux de l’adulte. Ce qui veut dire que la famille de nos jours est tellement préoccupée et absorbée par le travail que le temps accordé à la vie de famille où se construit l’attachement et la confiance en soi se réduit à des relations sèches dépourvues d’amour et même dangereuses en cas de divorce violent. Les jeunes 18-25 ans trouvent refuge dans des les relations intimes pas par peur des problèmes, mais parce qu’ils n’ont pas vécu dans un environnement où la relation amoureuse n’est pas source de souffrance. Ce qui a fait que les médias sociaux et les applications de rencontres ont transformé leur quête de l’amour.

Est-ce dire que les taux de mariage pourraient ainsi être revus à la baisse ?

Cela n’est pas exclu. 

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