Une école publique de qualité pour tous

Érigé en priorité nationale, le système éducatif national se dote de tous les moyens pour éradiquer ses grands maux. Des ambitions légitimes et une vision claire servent de fil d’Ariane à un chantier stratégique. Décryptage.

L’inefficacité de l’école marocaine a été pointée du doigt dans plusieurs discours de SM Majesté le Roi Mohammed VI. Le Souverain n’a eu de cesse d’exhorter à la nécessité de mettre en place une école publique en phase avec le nouveau modèle de développement du Maroc et les principes clairement énoncés dans l’article 31 de  la Constitution. “La qualité pour tous, l’équité et l’égalité des chances et la promotion de l’individu et de la société” seraient ainsi les fondements d’une école marocaine moderne. Et c’est justement pour garantir à tous les enfants, toutes catégories socioéconomiques confondues, le droit à une éducation de qualité que la réforme a été élaborée.

Une école novatrice et moderne

La vision stratégique 2015-2030, suivie de la loi cadre sur l’enseignement en 2019, a enclenché une nouvelle dynamique des réformes. Conformément aux Hautes Orientations Royales (discours du Trône du 30 juillet 2018), la  réforme (2019-2030) devrait consolider les acquis et mettre en œuvre de nouvelles approches pour une école novatrice et moderne.

 Le nouveau modèle de développement (avril 2021) et le programme du gouvernement attestent d’une ferme volonté de changement, voire une rupture dans le mode de mise en œuvre des réformes envisagées. La réforme n’est plus orientée vers les moyens et les procédures mais plutôt sur l’impact en classe. Le focus est ainsi mis sur l’apprenant. Le modèle d’éducation statique cède la place à un modèle interactif. L’idée étant de développer un esprit critique chez les élèves. “Il s’agit de développer une école vivante, grâce à une approche pédagogique fondée sur l’apprentissage actif, non la réception passive ; la coopération, la discussion et l’effort collectifs, non le travail individuel seul”, insiste-t-on au niveau du département de l’Éducation nationale. On mise également sur les langues et la digitalisation. “Une refonte profonde des programmes est impérative pour prétendre à une meilleure qualité des compétences”, estime Khadija Yamlahi, experte en Éducation et membre de La Coalition marocaine pour l’enseignement pour tous.

Un chantier stratégique

Dans cette optique, la feuille de route 2022-2026 pour une école publique de qualité pour tous, élaborée par le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, vise à optimiser le déploiement des réformes lancées.  

En effet, la feuille de route constitue un chantier stratégique pour la réalisation des réformes en cours et la mise en place de mesures concrètes, priorisant certaines actions. L’idée étant d’assurer un suivi permanent pour jauger l’impact des mesures et les réajuster si nécessaire à travers une démarche systémique permettant de converger les actions. Objectif ? Aboutir in fine à une refonte du système éducatif, en misant sur la qualité des acquis. 

L’enseignement des langues, l’amélioration de l’offre nationale en matière de formation professionnelle et du préscolaire sont quelques initiatives visant à améliorer le secteur dans sa globalité. 

Dès cette rentrée scolaire, l’apprentissage de l’anglais sera introduit au collège. L’intégration de la langue amazigh à partir du primaire représente également une richesse, mais surtout un symbole d’inclusion, d’équité, et d’égalité des chances.

Le capital humain prioritaire

Les 3 E, (Élève, Enseignant, Établissement), composantes fondamentales du système éducatif, sont les principaux axes de cette feuille de route. Celle-ci vise trois principaux objectifs : obligation de la scolarisation, lutte contre la déperdition scolaire et une meilleure qualité des apprentissages.

Ainsi, la généralisation de la scolarité, la révision des programmes, l’ouverture de l’école, la valorisation du capital humain … sont autant de défis pour prétendre à une école publique de qualité. 

Dans cette optique, la feuille de route prévoit 12 engagements. Cinq sont dédiés à l’Élève. Il s’agit du préscolaire, des manuels et curricula, de l’accompagnement, de l’orientation et du soutien social. Le but selon Chakib Benmoussa est “l’augmentation du taux d’acquisition des compétences de base par les apprenants à deux tiers, au lieu d’un tiers actuellement, ainsi que l’accès aux activités parallèles.” Trois engagements ciblent l’axe Enseignant, à savoir la formation, les conditions de travail, la valorisation des compétences et des carrières. 

Enfin, quatre engagements concernent le cadre de l’école. Structures accueillantes, gestion, esprit de coopération, activités parascolaires et sportives. Autant d’outils à même de favoriser l’épanouissement de l’élève et de l’enseignant. Des initiatives qui ont pour objectifs de “dépasser les défis qui freinent le développement du secteur et la mise en œuvre de programmes scolaires adaptés aux exigences du développement”. 

Des actions ciblées

Trois conditions sont toutefois nécessaires pour atteindre ces objectifs réformateurs. Une gouvernance avec une approche impact, l’engagement de tous les acteurs et un financement à même de sécuriser les ressources et pérenniser les changements. L’évaluation de l’efficacité des actions devra se faire au fur et à mesure de la mise en œuvre des réformes, à travers des mécanismes internes de contrôle qualité. Enfin, le succès de toute réforme est conditionné par un financement permettant de garantir la pérennité de la réforme. “Il faut mobiliser les fonds nécessaires en cohérence avec les réformes espérées”, avait déclaré le ministre de l’Éducation nationale devant la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication à la chambre des représentants. Pour rappel, l’enveloppe dédiée à l’enseignement est passée de 36 MMDH en 2013 à 46 MMDH en 2017 et 69 MMDH en 2023, c’est-à-dire qu’elle a pratiquement doublé en 15 ans. En effet, c’est la 5ème  année consécutive, que le budget de l’Éducation bénéficie d’une rallonge. “En 2023, une enveloppe supplémentaire de 6,5MMDH a été accordée au secteur, en vue d’accompagner l’élan de restructuration et assurer les impacts visés”, rappelle Chakib Benmoussa. 2,6 milliards de dirhams ont été mobilisés pour la réhabilitation des établissements scolaires programmés dans le cadre des budgets des Académies régionales d’éducation et de formation (AREF) et 2MM DH ont été affectés à la généralisation de l’enseignement préscolaire. Cela a permis un renforcement du secteur.

À terme, ces actions devraient permettre une baisse des taux du décrochage scolaire et de l’analphabétisme, ainsi qu’une améliorations des compétences et des acquis chez les apprenants. Le département de Chakib Benmoussa table sur une réduction significative de l’abandon scolaire de près d’un tiers du taux de déperdition scolaire actuel. Il devrait ainsi se limiter à près de 1% seulement à l’horizon 2024-2025 au primaire, contre près de 5% actuellement et 3% au collège.

L’encombrement des classes est également au cœur des préoccupations du département de l’Éducation, du Préscolaire et des sports qui œuvre à réduire les effectifs. Par ailleurs, les classes communes devraient être limitées à deux niveaux maximum. Et pour mener à bien ces engagements, 20 000 nouveaux postes ont été créés, portant le nombre global des enseignants à environ 250.000. 

Tout cela devrait permettre d’apporter des améliorations qualitatives et quantitatives des ressources humaines, en passant par les curricula, les infrastructures, l’appui social, l’environnement de l’école… Autant de domaines qui nécessitent un véritable challenge pour relever le défi du changement souhaité.  

Enfin, il va sans dire que la réussite de la réforme ne serait effective que si elle intègre le privé. Selon Khadija Yamlahi, le ministère devrait se pencher sur la loi 06-00 concernant le préscolaire et la loi 05-00 relative au secteur privé pour un changement efficient. Autrement, on ne pourrait prétendre à une égalité des chances et à une équité sociale.

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