C’est mon histoire : « Plus forte à deux »

À quelques mois d’intervalles, Sarah et sa maman ont eu un cancer. Un diagnostic qui aurait pu les abattre mais qui, au contraire a renforcé leurs liens et leur combativité. Sarah nous raconte cette histoire.

C’était en septembre 2013. J’étais fraîchement diplômée d’une école de commerce lorsque la nouvelle est tombée. Ma mère avait un cancer du sein, plus précisément un “carcinome canalaire in situ” pour reprendre les termes exacts du médecin. Lorsqu’elle m’annonce la nouvelle, je suis dévastée. Je me souviens avoir eu une énorme boule au ventre, les larmes montaient, mais mon canal carpien ne voulait pas céder. C’était comme si je me refusais catégoriquement à pleurer. Comme si, inconsciemment mon cerveau me disait d’être forte et de ne pas flancher. À l’époque et à l’instar de tous les jeunes de la génération Y biberonnés à Google, je me suis empressée de taper sur la barre de recherche les mots suivants “Microcalcifications, téton, début du cancer du sein”. Pendant cette nuit blanche où j’ai parcouru des centaines de sites, de forums, que j’ai lu des témoignages parfois rassurants, parfois alarmants, voire glauques, j’ai eu des sueurs froides, une envie de vomir… Le monde s’écroulait autour de moi. J’ai passé la nuit à visionner les vidéos Youtube pour savoir comment dépister le cancer du sein. Je me souviens avoir palpé instinctivement mes seins pour voir si, moi aussi, je n’avais pas des ganglions suspects. Le lendemain, je prends la décision  d’oublier tous ces scénarios alarmistes. Je me devais d’être aux côtés de ma mère, elle qui a toujours veillé sur moi, et a passé des nuits blanches à mon chevet lorsque j’étais malade. Je me devais d’être forte pour elle. 

Ma mère n’a pas subi d’ablation totale du sein, car son cancer avait été diagnostiqué à temps mais il a fallu lui retirer le téton. Une partie de sa féminité devait être mutilée pour stopper ce mal que l’on appelle “Cancer”. Le jour de l’opération, ma mère a fait preuve de beaucoup de sagesse. “Tu sais ma fille, j’ai eu beaucoup de chance, mon cas a été pris suffisamment à temps. On ne badine pas avec la santé. Après mon opération, on va s’occuper sérieusement de tes problèmes d’hypertension artérielle”, me dit-elle d’un ton solennel quelques minutes à peine avant d’entrer au bloc. À ces mots, je ne pouvais m’empêcher de penser que l’amour d’une mère est infini, et va au-delà de ses propres problèmes de santé. J’étais profondément touchée, les larmes longtemps contenues, coulaient à présent à flot sur mes joues.  

Une tumeur maligne 

Après l’opération, nous avons affronté les séances de radiothérapie que je ne ratais sous aucun prétexte. Je me faisais un devoir de l’accompagner à chacune de ses séances. Déjà très complices, nos liens se sont renforcés durant cette période. Nous parlions de beaucoup de choses et je la faisais rire, car j’ai toujours été le petit clown de la famille. Les six mois suivants ont été rythmés par la radiothérapie et les contrôles chez le médecin. Un jour, et de façon inattendue, ma mère me rappelle ce qu’elle m’avait dit juste avant de se faire opérer. “Tu te souviens que je t’ai dit que nous allons nous occuper de tes problèmes de tension. Je t’ai pris rendez-vous chez le médecin, et tu dois passer une IRM des reins”, me dit-elle sans détour. Il est vrai que je souffre de problèmes de tension depuis mes 19 ans, chose assez incompréhensible à mon âge, surtout, comme ne cesse de le répèter ma mère ne comprenait pas que je puisse avoir aussi jeune ce genre de problème de santé, et ne cessait de me répéter “personne n’a de problème de tension dans notre famille”. Nous étions en mars 2014, et je devais me rendre à Cuba, un voyage dont je rêvais depuis mes 16 ans. Mes projets furent sérieusement compromis par ce que les médecins ont appelé à l’époque un “phéocromocytome”, autrement dit une tumeur sur la glande surrénalienne, juste au-dessus du rein droit. “Ne vous inquiétez pas. Dans 99% des cas, il s’agit d’une tumeur bégnine”, m’a assuré le radiologue. Au vu du verdict et de mes problèmes de tension, il était hors de question pour ma mère que j’aille jouer les touristes à la Havane. Mais j’avais une envie folle de m’évader. Le cancer de ma mère m’avait profondément affectée. Les mots tumeur, cancer, bénin ou malin raisonnaient dans ma tête comme un glas et avaient le don de me glacer le sang. J’avais besoin d’une coupure avec mon quotidien: “Maman, j’ai besoin de partir, laisse-moi faire mon voyage et à mon retour, on s’occupera de cette vilaine tumeur”. Je me souviens qu’elle a beaucoup pleuré en me traitant d’irresponsable et de gamine écervelée. Je suis partie à Cuba, et à mon retour, la tumeur avait grossi.  L’urgence était là. Je me suis faite opérer à Paris. Nous y sommes restées 3 mois, car l’opération nécessitait beaucoup de préparation et d’examens cardiaques. 

Ma mère, ma boussole

Durant cette période, ma mère était ma boussole, l’épaule sur laquelle je me reposais. Elle était mon guide quand j’étais sur le flanc. Le jour de l’opération, elle m’a pris la main sans un mot jusqu’à ce que j’aille au bloc. Sept heures après, quand j’ai ouvert les yeux, elle était encore là, sa main dans la mienne comme pour me dire “je serais toujours là pour toi”. Quelques jours après ma sortie d’hôpital, je suis revenue consulter le chirurgien qui m’avait opérée. “C’était une tumeur maligne, un cancer. Embrassez le front de votre mère et remerciez-la de vous avoir sauvé la vie”, me dit-il . J’étais pétrifiée, ma mère était médusée. Je venais de recevoir l’équivalent d’un tsunami à la veille de mes 25 ans. En sortant de son cabinet, nous avons longuement marché sans parler. Il faisait gris à Paris, les petites gouttes de pluie se mêlaient à nos sanglots. Nous nous sommes arrêtées chez le premier coiffeur que nous avons trouvé et comme une sorte de catharsis pour purger nos peines, nous nous sommes coupées les cheveux très courts toutes les deux en même temps. Nous sommes à jamais liées par cette histoire. J’ai une profonde reconnaissance pour ma mère, elle, qui est si pudique, vous dira simplement qu’elle n’a fait que remplir son rôle de mère. Moi, je dis encore et toujours qu’elle est mon héroïne.

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