Violences conjugales: Les conseils d’une avocate

Les violences conjugales touchent toutes les classes de la société. Face à un tel drame, les questions se chevauchent : Comment se protéger? Quel accompagnement ? Où aller ? Les conseils de Maître Amina Filali, avocate au barreau de Casablanca.

Quelles preuves conserver selon la violence subie au sein de son couple (physique, verbale, psychologique et économique) ?

Tout d’abord, il est important de rappeler que le cadre législatif marocain permet à toute personne, femme comme homme, de se protéger et d’entamer une procédure une fois qu’elle a subi des violences. Concernant les violences faites aux femmes, il s’agit d’un système de preuves libres, à savoir mettre de côté n’importe quels éléments qu’elles estiment nécessaires pour prouver la ou les violence(s) subie(s). Cela peut être des enregistrements (audio ou vidéo), des mails ou messages écrits, des traces matérielles comme des objets cassés constatés par la police lors de leurs arrivées au domicile. Lorsqu’une femme se sent en danger et appelle la police, les autorités doivent obligatoirement rentrer. Le mari ne peut leur refuser l’accès sinon, nous serions dans une situation d’interdiction d’assistance à personne en danger.  Autre preuve : une attestation du médecin pour les victimes de violences physiques constatant les coups et blessures. Le docteur n’attestera pas que la violence émane du mari mais il certifiera que la victime n’a pas pu se les infliger elle-même. Nombreux sont les époux qui affirment qu’ils n’ont pas touché, frappé leur femme et qu’elle a simplement trébuché, d’où l’importance de l’expertise médicale. Concernant la violence économique, on peut rajouter tous les documents écrits démontrant que le mari l’a obligée à lui donner de l’argent ou n’a pas honoré ses engagements, sachant que le Code pénal ne reconnaît pas le vol entre époux. Toutes ces preuves sont à présenter à la police ou au parquet qui peut demander une expertise technique. Comme les enregistrements vidéo d’une caméra dans un couloir ou un autre lieu montrant la violence. Ou l’analyse du téléphone et/ou de l’ordinateur de l’agresseur pour vérification des données.

Comment savoir si les preuves accumulées seront assez nombreuses et recevables ?

L’important n’est pas le nombre mais la qualité des preuves. Je dis souvent à mes clients qu’une seule preuve peut avoir plus de poids pour prouver la violence qu’une série de preuves écrites ou orales qui peut déboucher sur une plainte classée « sans suite ». En tant que juriste, le témoignage est pour moi une preuve largement suffisante. Cela peut être celle d’un voisin ou un/une employé.e de maison qui a assisté à la scène de violence. Néanmoins, il faut faire attention au contre-témoignage s’il y en a de la partie adverse. Le témoignage des enfants, d’autant plus s’ils sont petits, est assez délicat. Les attestations médicales font, certes, foi, mais parfois, le mari nie les faits assurant qu’il n’était pas sur place à ce moment-là. Vous savez, nous sommes dans un système de preuves. Aussi, si on se limitait à seulement des attestations médicales pour prouver que telle personne a été violenté, on serait dans un monde très déséquilibré. Cela reste un moyen parmi d’autres. Mais ce n’est pas un élément qui engendre une autosuffisance de preuves.`

Police ou cellule de prise en charge des femmes victimes de violences, vers qui se tourner en premier ?

Une femme victime de violence peut se diriger vers le  commissariat du quartier ou la gendarmerie royale si elle vit en milieu rural. Elle peut dénoncer les actes de violences devant le ministère public ou aller à la cellule de prise en charge des femmes victimes de violences au niveau de l’hôpital public, des commissariats ou du tribunal. Mise en place dans le cadre de la loi n°103-13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, ladite cellule a pour mission d’accueillir, d’écouter, de rassurer, d’orienter ou de procéder au dépôt de plainte d’une femme victime de violences.  Elle a également pour fonction de coordonner l’action avec la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) au niveau interdépartemental avec des organismes étatiques et de la société civile multipliant les moyens et les actions. Il n’y pas de réponses évidentes. Tout dépend de votre état, de la situation et/ou du lieu de l’agression. Mais si vous avez été violentée physiquement (ecchymose, blessures, etc.), consultez en premier lieu un médecin pour qu’il fasse une attestation médicale. 

Comment se passe un dépôt de plainte ? Peut-on contester un refus de dépôt de plainte ?

La manière la plus simple est d’aller au commissariat le plus proche. Il suffit d’une simple déclaration orale. La DGSN informe le parquet qui donne les instructions pour enquêter sur le mari violent. Vous pouvez présenter des plaintes à n’importe quels moments de l’enquête. Vous pouvez également consulter un avocat pour présenter une plainte en bonne et due forme, avec tous les éléments notamment les  preuves et les constats faits, qui sera déposée auprès du parquet, au sein de ladite cellule spécialisée, ou, si nous sommes dans une zone rurale, à la gendarmerie royale. Un dépôt de plainte ne peut être refusé sauf si elle est totalement infondée à travers une histoire délirante. C’est extrêmement rare. Mais malheureusement il est aussi rare que les femmes victimes de violences déposent plainte. C’est important de le noter. Nous sommes à peu près à 1 femme sur 10 violentées qui effectue cette démarche. C’est peu. Trop peu. Il faut se demander pourquoi ? Généralement, cela est dû à plusieurs facteurs notamment sociaux et traditionnels. Si la plainte est refusée – si elle est présentée par un avocat, c’est guère possible-, dirigez-vous vers le procureur du roi ou la cellule de prises en charge des femmes victimes de violences expliquant la situation en ajoutant qu’aujourd’hui, les violences s’aggravent, que votre désarroi se démultiplie, c’est pourquoi  vous demandez que votre plainte soit enregistrée. 

Quand une épouse violentée peut-elle quitter le domicile conjugal sans que cela soit considéré comme un abandon de foyer ? Peut-elle amener ses enfants ?

Il y a deux situations : la femme violentée part de son domicile en portant plainte ou elle fuit sans le faire. Dans le premier cas, elle peut se réfugier ailleurs, dans sa famille ou chez ses voisins sans qu’il y ait une poursuite de la part de son mari invoquant l’abandon de foyer. Car elle se protège d’une situation violente à laquelle elle a alerté la police en adressant une plainte pour violences conjugales. Elle peut prendre, sans souci, ses enfants, notamment ceux en bas-âge, avec elle. Il y a aussi des femmes qui portent plainte mais veulent rentrer chez elle car elles ne savent pas où aller. En revanche, si l’épouse violentée ne porte pas plainte, le mari peut dès le lendemain matin engager une procédure pour abandon de foyer sans motif et obliger sa femme à revenir au domicile. Si elle a subi une violence, elle doit toujours déposer plainte dès qu’elle sort du domicile pour être couverte.

Existe-t-il des ordonnances de protection ? Quand et comment peuvent-elles être délivrées ?

Oui, il y a des ordonnances de protection et d’éloignement. Par exemple, si une femme violentée par son mari porte plainte et souhaite rentrer chez elle mais a peur des répercussions, le Parquet informé peut donner une instruction orale et instantanée, pour qu’elle puisse avoir accès à son domicile avec interdiction au mari d’avoir un comportement violent sous peine que les sanctions à son encontre soient plus lourdes. Vous savez, certaines femmes souhaitent rentrer chez elles car elles ne savent pas où aller, elles sont dans des situations très précaires. Aussi, faudrait-il, peut-être que cela sera possible s’il y a une évolution de la loi 103-13, obliger le mari violent, quand la gravité est avérée, à quitter le domicile. 

Lorsqu’il y a procès suite à une plainte, la victime se consti tue partie civile et demande des dommages et intérêts. Le tribunal qui statue peut enclencher des ordonnances de protection, mentionnant un éloignement du mari de sa femme ainsi qu’une interdiction de prise de contact. En général, les affaires de violences finissent soit par un divorce (après ou sans le procès) soit par une réconciliation entre le mari et la femme. En revanche, même si la plainte de la femme est classée sans suite, le Parquet peut continuer les poursuites déclenchées suite à l’agression ou l’infraction selon la gravité des violences, car l’accusé est poursuivi pour des actes qui, sur un point de vue social et philosophique, sont une  atteinte à l’ordre public. Au-delà de rendre justice, le devoir du tribunal est de garder une paix sociale. Le Parquet peut tout arrêter une fois que la plainte retirée par la plaignante ou son désistement express comme le prévoit la loi.

Si la femme victime de violences est dans une situation de précarité  et loin ou en froid avec sa famille, où peut-elle se réfugier ?

Dans des cas de violences conjugales,  la maison devient un foyer de terreur ou de peur pour les femmes qui partent de chez elles. Lorsqu’elles sont dans une situation précaire sans famille ou sans proche pour les soutenir, elles sont dans l’impasse. Les centres d’hébergements pours les femmes victimes de violences sont peu nombreux. Ils sont gérés par des associations. Les places sont peut-être limitées. Aussi, les bénéficiaires ne peuvent y rester sur le moyen ou long terme. Certaines victimes sont également dirigées vers des centres pour des femmes en difficultés (tout type de difficulté). Aussi, la multiplication des centres d’hébergements pour femmes victimes de violences est cruciale.

Quel accompagnement juridique et pluridisciplinaire dispose une femme victime de violence ?

Il y a un soutien par le biais de la cellule de prises en charge des femmes victimes de violences à travers une écoute et une orientation. Les associations proposent aussi un accompagnement qui est davantage spécifique et complet avec un soutien psychologique plus conséquent. Le problème, c’est qu’un bon nombre de femmes violentées ont dû mal à parler de leur vécu, préférant faire face dans le silence à la violence subie. Le poids de la société est important tout comme les mentalités

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