C’est un fait de société tragique et omniprésent : les violences faites aux femmes. Au Maroc, comme ailleurs, elles se manifestent sous des formes multiples – physiques, psychologiques, sexuelles ou économiques – laissant des marques profondes, non seulement sur le corps mais aussi dans l’esprit des victimes.
Trop de femmes subissent ces abus dans le silence, murées dans l’humiliation et la honte. Les agressions sexuelles, le harcèlement, les violences conjugales, et les discriminations au travail sont autant de réalités qui frappent des femmes de tous horizons, sapant leur confiance en elles et entravant leur développement personnel.
La stigmatisation sociale et le “déshonneur” qui entourent ces violences empêchent de nombreuses victimes de parler. L’humiliation et la peur de ne pas être crues les maintiennent dans un silence oppressant, tandis que l’impunité des agresseurs renforce ce schéma tragique, laissant les femmes souvent sans recours.
Autre constat affligeant : la banalisation de ces violences est transmise de génération en génération, perpétuant ainsi des cycles vicieux qu’il est impératif de briser. Bien des femmes violentées sont présumées coupables de leur propre agression. Leurs choix de vie, leur tenue, voire leurs déplacements sont d’abord interrogés, suggérant qu’elles auraient “cherché” l’agression. Et il est presque inespéré de pouvoir compter sur la solidarité féminine dans ces cas, car souvent, ce sont des femmes qui jettent la première pierre
Ce biais punitif, profondément ancré dans les mentalités, place les victimes dans une situation unique de responsabilité que l’on ne questionnerait jamais pour un vol ou un meurtre. Pourtant, en cas d’agression sexuelle, c’est bien la victime que l’on scrute, cherchant si elle était “irréprochable”.
Ces perceptions archaïques et injustes trouvent un écho douloureux dans la loi elle-même. Malgré une volonté politique affichée de promouvoir la condition féminine, des lacunes juridiques persistent, exposant les victimes à une protection insuffisante.
Une agression sexuelle quelle que soit son niveau de violence, si elle n’implique pas une relation sexuelle (comprenez pénétration) est requalifiée en “attentat à la pudeur”… Pour traduire cette différence, le viol sur une personne majeure est sanctionné de peines d’emprisonnement allant de 5 à 10 ans tandis que l’attentat à la pudeur se limitera à un maximum de 5 ans (NDLR. Sauf circonstances aggravantes). Les exemples accablants ne manquent pas (voir dossier dédié dans ce numéro).
Ces nuances, loin d’apporter une réelle justice, laissent le cadre juridique en place davantage au service des agresseurs qu’à celui de la protection des victimes.
Dans ce contexte, une réforme législative devient impérative, non seulement pour rendre justice, mais aussi pour éduquer et transformer notre société.