C’est au bout du fil, avec une voix douce empreinte de sagesse, que Mhani Alaoui nous ouvre les portes de son univers. Sa voix, légère et souriante, trahit une profonde empathie et une sensibilité palpable pour les sujets qui lui tiennent à cœur. Sa curiosité et son écoute attentive transparaissent dans chaque mot, prête à engager des discussions profondes sur la condition des femmes au Maroc. “C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur”, avoue-t-elle sans détour, avant même que notre conversation n’entre dans le vif du sujet. Chaque livre, chaque récit qu’elle a signé est une tentative de donner une voix à celles qui, souvent, en sont dépourvues. “J’essaie d’apporter ma contribution, même si le chemin est encore long”, admet l’écrivaine, consciente des défis qui subsistent.
Dans ses œuvres, Mhani Alaoui plonge au cœur des problématiques complexes des femmes marocaines, décortiquantminutieusement les mécanismes invisibles qui façonnent leur quotidien. . D’ailleurs, dans son dernier roman, The House on Butterfly Street, elle aborde des thèmes cruciaux comme l’injustice sociale et les droits des Marocaines, des sujets qui lui sont particulièrement chers. “L’injustice sociale m’a depuis toujours intéressée”, confie-t-elle. À travers ses récits, elle cherche non seulement à dénoncer les inégalités mais aussi à éveiller les consciences. “La littérature a le pouvoir de libérer la parole et d’éclairer la réalité”, affirme-t-elle, convaincue du pouvoir transformateur des mots.
Baignée dans la littérature
Mhani Alaoui, de son vrai nom Oumhani Alaoui, voit le jour en 1977 à Paris, mais c’est entre les cultures marocaine et française qu’elle façonne son identité. Aînée d’une fratrie de quatre enfants, elle grandit immergée dans un monde de livres, un héritage précieux de ses grands-pères, tous deux passionnés de littérature. “Mes deux grands-pères adoraient lire et écrire, en arabe et en français”, se remémore-t-elle avec tendresse. Cette double influence culturelle et linguistique joue un rôle déterminant dans son développement intellectuel, nourrissant dès son jeune âge une ouverture d’esprit et une curiosité insatiable.
Sa mère, elle-même écrivaine, joue également un rôle crucial dans son parcours littéraire. “Ma mère m’a toujours encouragée à lire puis à écrire”, raconte-t-elle. Toutefois, Mhani Alaoui ne se lance pas immédiatement dans l’écriture littéraire. Elle entreprend d’abord des études académiques poussées, poursuivant un cursus d’anthropologie aux États-Unis, où elle restera treize ans. “J’ai obtenu un PhD en anthropologie, et mes trois romans sont d’ailleurs écrits en anglais et publiés aux États-Unis”, explique-t-elle. Ce parcours académique, solidement ancré dans la rigueur scientifique, influence profondément son approche de l’écriture.
Ses premiers romans, rédigés en anglais, trouvent rapidement un écho auprès d’un public marocain. Elle fait donc le choix audacieux de publier son dernier ouvrage simultanément aux États-Unis et au Maroc. “Nous avons une jeunesse qui demande de plus en plus de livres en anglais”, constate-t-elle avec satisfaction, voyant dans cette tendance une preuve de l’ouverture de la société marocaine à la globalisation.
Mais le parcours de Mhani Alaoui n’est pas exempt de défis. Conciliant sa vie de mère, d’écrivaine et de collaboratrice avec différents anthropologues marocains, elle a dû faire des choix difficiles. “J’ai dû arrêter d’enseigner pour me focaliser sur ma carrière d’écrivaine”, admet-elle. Pourtant, elle reste déterminée à poursuivre son œuvre littéraire. Son prochain projet de livre, bien que ralenti par l’incertitude du monde actuel, promet d’être une réflexion puissante sur la violence. “Avec tout ce qui se passe dans le monde, il est difficile de créer”, confie-t-elle, tout en affirmant que son futur ouvrage sera “très charnel” et portera un regard sans concession sur les maux de notre époque.
Passionnée par l’histoire du Maroc et les traumatismes intragénérationnels qui touchent particulièrement les femmes, Mhani Alaoui continue de creuser son sillon littéraire avec détermination. “Les défis contemporains sont aussi des opportunités pour réinventer notre manière de comprendre et de soutenir les luttes pour l’égalité et la justice”, conclut l’anthropologue, soulignant ainsi son profond désir de faire entendre les voix souvent étouffées et d’apporter une vision éclairée des réalités sociales.