Pour l’amour d’une culture
C’est en 1966, à Marrakech, que Pierre Bergé et Yves Saint Laurent découvrent avec fascination la culture et l’art berbères. Tombé amoureux de cet art, Pierre Bergé le collectionnera pendant des années, jusqu’à l’ultime consécration : la création d’un musée dédié. Une première au Maroc, une terre dont les racines historiques et culturelles trouvent pourtant leur origine dans l’identité berbère. Pour Pierre Bergé, le lieu qui abritera ce musée ne fait aucun doute, et c’est tout naturellement que l’ancien atelier de Majorelle s’impose comme écrin pour mettre en lumière les splendeurs de cette culture.
A la rencontre des Imazighen
Dans une atmosphère tamisée et confinée, c’est avec émerveillement que nous découvrons cette incroyable collection de 600 objets, issus d’un patrimoine à la richesse extraordinaire. Au coeur de ce musée, le savoir-faire des Imazighen est à l’honneur. Ici, le travail du bois ; là, celui du cuir ou encore de la poterie et de la vannerie… C’est non sans émotion que l’on fait connaissance avec ces objets du quotidien, témoins de fêtes antiques ou de rites religieux. On ne peut s’empêcher d’imaginer l’homme qui portait naguère ces splendides bottes en cuir richement brodées, ceux qui ont éclairé leur chaumière avec ces petites lampes à huile, ces mains qui ont allumé un feu dans ce réchaud, l’imam qui prêchait la bonne parole sur ce minbar aux motifs raffinés. “Qui étaient-ils ? Quelle vie ont-ils vécue ?”, se demande-t-on en découvrant leur art. Vous l’aurez compris, ce musée a une âme et en y pénétrant, on a l’impression de franchir la porte d’un sanctuaire.
L’identité à fleur de peau
A proximité, dans cette même atmosphère mystérieuse, posent des mannequins vêtus de costumes d’apparat. Bergers, enfants, future mariée… La société berbère se dévoile et laisse admirer des tenues riches en couleurs, en tissages et en créativité. Car du Rif au Sahara, les tribus berbères, qu’elles soient sédentaires ou nomades, manifestent un goût très prononcé pour l’apparat. Si les vêtements, les parures et les accessoires attestent de leur identité, les tissages, les couleurs, les armes, les bijoux et les motifs sont quant à eux propres à chaque groupe et font partie intégrante d’un système très codifié.
A chaque femme son bijou
Ultime étape de ce voyage initiatique qui se déroule sur fond de chants berbères, une pièce circulaire constellée d’étoiles et plongée dans une obscurité doucement tamisée… Ici, les parures des femmes berbères s’exposent fièrement. Les bijoux sont majestueux, colorés, finement ciselés et empreints de symboles, illustrant ainsi les croyances et les savoirs accumulés depuis des millénaires. Ces ornements sont l’expression même de l’identité tribale et du statut social de la femme qui les porte, et quand les temps sont durs, ils constituent une épargne. Réalisées en argent par des artisans bijoutiers selon des techniques spécifiques à chaque région, ces parures sont assemblées par les femmes elles-mêmes selon un mode propre à leur région.
Epilogue
La visite prend fin… Un curieux mélange de sentiments nous envahit alors. On se sent fier d’être détenteur d’un tel patrimoine et frustré dans le même temps d’en être privé. C’est une partie de notre histoire qui repose entre ces murs et les occasions de l’admirer sont désespérément rares. Que ne donnerait-on pas pour que des musées de ce type surgissent de terre à travers le Maroc ? Une chose est sûre, notre culture est immensément riche, qu’elle soit arabe ou berbère, et Pierre Bergé et son équipe nous le rappellent encore une fois avec brio. Alors on croise les doigts et on prie pour qu’un jour la culture et l’art marocains ne soient pas seulement exposés dans des stands au détour d’une allée de foire, mais dans des musées aussi beaux que celui-ci… Nous le valons bien ! â–