Qu’est-ce que l’éducation positive ?
On parle d’éducation positive, de parentalité positive ou bienveillante, ou encore de discipline positive, pour évoquer à peu près la même démarche, à savoir une éducation à travers laquelle on considère le lien éducatif de façon horizontale plutôt que verticale. Le respect mutuel et l’encouragement sont au cœur du lien qui unit les parents aux enfants alors que “l’autoritarisme” cherche la soumission de l’enfant par la punition, la menace, le rapport de force, etc. À travers l’approche de la discipline positive, corroborée par les connaissances actuelles en neurosciences, nous savons que l’encouragement, la prise en compte des besoins émotionnels des enfants et le fait de ne pas choisir entre fermeté et bienveillance, permettent de développer, tout en douceur, leurs compétences. S’ensuit également le regard porté sur l’erreur qui change radicalement par rapport aux méthodes éducatives traditionnelles. Dans la discipline positive, l’erreur est une opportunité d’apprentissage accueillie et acceptée, et non pas une faute à éviter à tout prix. Nous cherchons par conséquent à atteindre le cœur avant d’atteindre la tête.
Quels sont ses bienfaits ?
L’approche de la discipline positive permet de créer et saisir toutes les opportunités qui permettent de développer le sens de la responsabilité, de l’autonomie, de la confiance en soi… en fait, toutes les compétences socio-émotionnelles qui permettent à l’âge adulte d’être des citoyens respectueux et libres. Elle favorise également une relation parent-enfant fondée sur le respect mutuel, la confiance réciproque et l’honnêteté, à travers laquelle chacun a le droit d’être imparfait. Pour moi, cela n’a pas de prix…
Pour quels parents cette approche est-elle destinée ?
Cette démarche est destinée à tous les parents, quels que soient leur religion, leur origine sociale, leur âge et celui de leurs enfants. Elle s’adresse aux adultes prêts à travailler sur leur posture de parents, acceptant l’idée même de questionner la nécessité et les bienfaits de l’autorité verticale et de l’autoritarisme qui mènent souvent aux difficultés auxquelles ils sont confrontés. Beaucoup de sociétés avancent sur ces questions, mais il reste beaucoup de travail à faire.
À partir de quel âge cette méthode est applicable sur nos enfants ?
Dès la naissance, nous interagissons avec nos enfants et nous répondons à leurs sollicitations et leurs besoins. Nous réagissons aussi en fonction de nos attentes vis-à-vis d’eux. Le regard que l’on porte sur les comportements de nos enfants, les croyances que nous avons au sujet de l’approche éducative que nous choisissons ont donc des répercussions sur nos façons de faire en tant que parents, et ce dès la naissance des enfants. Par exemple, certains parents laissent pleurer leurs bébés au moment de l’endormissement, d’autres non… Certains donnent des tapes ou crient sur leurs enfants lorsqu’un comportement n’est pas souhaité, dès les premiers mois de la vie, tandis que d’autres prennent le temps de rediriger, de mettre des mots et des limites de façon plus respectueuse de l’enfant. Cela commence donc très tôt…
De quelle manière l’adopter chez les tout-petits ?
Avant tout, il s’agit d’établir une connexion émotionnelle à l’enfant. Avec les tout-petits, c’est important de comprendre à quel point ils sont dépendants de nous pour construire toutes leurs fondations dans la vie. Nous avons donc une opportunité inestimable de modeler leur vie. Les regarder, les toucher, leur parler, tenter de répondre à leurs besoins, leur communiquer de l’empathie pour les aider à comprendre leurs émotions et ce qui leur arrive, c’est tout cela qui va les aider. Lorsque leur comportement ne convient pas aux situations, nous pouvons les rediriger avec douceur (ou rediriger leur attention), leur offrir des choix limités, leur donner dès que possible l’opportunité d’aider, ne pas faire à leur place ce qu’ils peuvent faire seul… et rire avec eux! L’humour est un outil d’éducation formidable… Il s’agit de créer un climat de confiance, d’acceptation, de liens solides, qui permettent à l’enfant de développer un attachement sécure. Nous pouvons aussi mettre des limites raisonnables dès la petite enfance, et en faire le suivi. S’occuper d’un tout-petit peut être épuisant, chercher de l’aide lorsque c’est possible et prendre soin de soi, cela fait aussi partie de notre responsabilité à leur égard.
Comment la décliner lorsque nos chérubins grandissent ?
En grandissant, les enfants engrangent progressivement de nombreuses compétences. À mesure qu’ils acquièrent le langage, des capacités cognitives et de régulation émotionnelle, nous pouvons leur proposer de chercher ensemble des solutions aux problèmes, en leur posant des questions pour les aider à réfléchir et leur permettre de s’impliquer de plus en plus dans les sujets qui les concernent. Nous pouvons aussi passer des accords avec eux pour qu’ils prennent en compte leurs contraintes mais aussi les nôtres. Nous pouvons également décider de ce que l’on va faire et s’y tenir (en étant raisonnable), sans colère ni reproches. Les actes pèsent souvent plus que les mots. Par exemple, si vos enfants se disputent en voiture, vous pouvez dire à vos enfants que s’ils continuent, vous allez vous mettre sur le bas-côté. Vous verrez, ils seront surpris lorsqu’ils comprendront que vous faites ce que vous avez dit sans perdre votre autorité en criant ou en sermonnant. Aussi les disputes en voiture diminueront sensiblement car vous aurez maintenu le respect mutuel (fermeté et bienveillance) et ils auront pris conscience que vous faites ce que vous dites.
Avec ce concept, comment ne pas tomber dans le cliché de “l’enfant roi” ?
C’est un cliché de croire que l’éducation positive est permissive. La permissivité n’aide ni les enfants à apprendre et à progresser, ni les parents à atteindre les objectifs qu’ils ont. C’est même insécurisant pour l’enfant de ne pas savoir où s’arrêtent ses possibilités. Si on laisse l’enfant faire ce qu’il veut, il n’apprendra pas le respect de l’autre et des situations, et ne sera pas conscient de son pouvoir de contribuer positivement au monde qui l’entoure. Il considèrera que tout lui est dû. C’est un cadeau empoisonné que de tout laisser faire et de tout accepter ! C’est l’une des premières choses que l’on apprend dans les ateliers de discipline positive destinés aux parents.
Comment faire pour que la parentalité positive résiste à l’épreuve du quotidien ?
La parentalité positive n’empêche pas de ressentir de la frustration, de la colère ou de la fatigue. En revanche, cela suppose apprendre à prendre soin de ses propres besoins, et à réparer ses erreurs lorsque nous n’avons pas pu gérer efficacement nos émotions…Il n’y a pas d’épreuve de temps mais un droit à l’imperfection pour avoir le courage de revenir sur le respect mutuel que nous souhaitons lorsque nous sommes dans de meilleures dispositions.
Certes, l’éducation positive semble rimer avec bienveillance, mais aussi avec temps et patience… Aussi, comment ne pas culpabiliser de ne pas être un parent parfait ?
Aucun parent n’est parfait, ni aucun enfant d’ailleurs ! L’éducation positive rime avec bienveillance mais aussi avec fermeté. Il ne faut pas avoir peur d’être ferme, c’est la manière qui fait la différence. Le chemin de l’éducation est long et difficile, et nous sommes tous humains, avec nos limites de patience et de disponibilité. Les erreurs, nous allons donc en faire beaucoup en tant que parents. Et puis, lorsque nous en faisons, nous avons l’occasion là aussi de transmettre des choses à nos enfants comme le rapport à l’erreur et la réparation. Plus j’accepte mes propres erreurs, plus je suis à même de faire mieux la prochaine fois car je peux me concentrer sur des solutions avec de petites étapes à franchir pour améliorer mes réponses aux situations que je vis avec mes enfants… En somme, des opportunités d’apprentissage pour petits et grands !
[mks_separator style= »solid » height= »2″]
Des astuces à adopter pour les tout-petits par Abla Benbachir, présidente de l’association marocaine de Discipline Positive
Les tout-petits sont souvent désordonnés, bruyants et incompétents pour de nombreuses tâches. Nous avons tendance à vouloir faire vite et bien, mais pour aider les enfants à se sentir capables et à développer des compétences dans un climat de confiance, il faut avoir des attentes ajustées et laisser faire l’enfant, lui donner toutes les opportunités de s’entrainer et d’apprendre de ses erreurs. En somme, accueillir le désordre comme une occasion d’apprendre et faire ensemble. Autre exemple : les tout petits ne sont pas encore capables de réguler leurs émotions efficacement. Une crise de pleurs ou de colère est appropriée à leur âge. L’accepter, garder son calme, être en mesure d’apporter de l’apaisement avant de chercher des solutions au problème ou de corriger est essentielle pour leur permettre d’apprendre à se calmer et de communiquer plus efficacement leur besoin ou leur frustration. La solution n’est ni de se mettre en colère soi-même, ni de céder à toutes leurs demandes.
Association marocaine de Discipline Positive (ADPM) www.adpm.ma