Saloua Karkri-Belkeziz : « Les femmes sont au cœur du secteur numérique au Maroc »

La place des femmes dans l’innovation numérique sera l’un des thèmes traité lors de la deuxième édition du salon international des technologies de l’information AITEX (Africa It Expo), organisée du 27 au 29 septembre à Casablanca par l’APEBI. Entretien avec Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de l’APEBI et de GFI Informatique Maroc.

Quelle est la place de la femme dans le domaine de l’innovation numérique au Maroc ?
La femme est de facto au cœur de ce secteur. Mais concrètement, nous ne disposons pas de chiffres, puisqu’il n’existe aucun observatoire qui puisse nous en fournir. Nous avons quand même fait une estimation de la proportion de femmes dans le paysage des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) au Maroc. Au niveau des fournisseurs de technologies (éditeurs de logiciels, distributeurs, etc.), elles sont entre 25 et 30%. En revanche, dans les postes stratégiques, c’est moins de 15 % voire 10%. Une tendance qu’on retrouve dans d’autres secteurs comme celui des systèmes d’information (SI). Et en entrepreneuriat, les Marocaines sont encore plus frileuses… Par exemple, au Technopark de Casablanca qui est une pépinière d’entreprises, sur les 260 structures NTIC, seules 12 sont fondées par des femmes, soit moins de 5%. Nous aurions tendance à penser que ces chiffres ne sont pas très brillants. Mais relativisons tout de même, puisque le Maroc n’est pas un cas isolé. Regardez à la Silicon Valley, le fief de la tech mondiale, seules 13% des femmes accèdent à des postes de management dans les entreprises technologiques, et les entrepreneuses ne dépassent pas les 7%. Nous lançons justement le débat lors de l’AITEX 2017, en mettant en place une plateforme dédiée à la question du genre, composée d’intervenantes, expertes et entrepreneuses, 100% Africaines évoluant ici et ailleurs.

Quelles sont les difficultés rencontrées par ces femmes au sein de ce secteur d’avenir ?
Les femmes sont challengées en permanence dans les milieux professionnels et de surcroît dans ceux historiquement dominés par les hommes comme l’IT (Technologies de l’information). Les disparités professionnelles entre femmes et hommes sont légion. Pourtant, ce secteur a tant d’opportunités à offrir aux talents féminins. Alors pourquoi ne pas puiser dans les 50% de la population active ? A l’échelle internationale, le turnover des femmes dans le secteur est deux fois plus élevé que celui des hommes. L’explication ? Chez nous, la gestion espace/temps empêche les mamans de se consacrer à leur fonction et encore moins à un process de création d’entreprise. En plus, les zones offshore sont souvent assez excentrées, donc loin de leurs enfants. Dès lors qu’on pourra travailler de chez soi et sachant la constante progression du nombre de freelance, la femme s’orientera naturellement vers ce domaine. L’innovation numérique est un champ de créativité et un espace d’expression où on doit promouvoir le génie de la femme. Les Marocaines qui se sont distinguées dans les IT, ont une responsabilité de mentoring et de transmission, en partageant leur success-story.

Existe-t-il des mesures au Maroc pour favoriser la mixité dans le domaine de l’innovation numérique?
La stratégie Maroc Digital 2020 est, par essence, tournée vers l’accélération de la transformation numérique et vers la démocratisation de ses usages, notamment dans les PME. Le renforcement de l’écosystème national contribuera à former les acteurs les plus dynamiques ainsi qu’à faire émerger les plus émérites. Le Maroc s’étant positionné comme hub africain, il y a un vrai enjeu. Aujourd’hui, nous considérons que les femmes sont l’une des réponses principales à ces niches de développement. En revanche, il n’y a pas tant un problème de volonté que de mentalité. Pour révolutionner l’ordre implicitement établi et casser les paradigmes, il faut agir en amont et inciter les jeunes filles à s’engager dans les carrières scientifiques et techniques, qui ne sont pas l’apanage des hommes, ceci pour parer à la masculinisation des sphères scientifiques et a fortiori des IT. Notons qu’il y a de plus en plus de lauréates dans les écoles d’ingénieurs, à hauteur de 30% environ.

D’après vous, que faut-il mettre en place pour que les femmes s’imposent dans ce secteur ?
Les femmes ont besoin de boosteur pour entreprendre dans les IT en intégrant des programmes spécifiques. Il faut aussi les sensibiliser à utiliser le fond de garantie « ILAYKI », mis en place par le gouvernement au lendemain du plaidoyer de l’Association des femmes chefs d’entreprises du Maroc (AFEM), pour répondre à la problématique du  financement. Nous devons également nous inscrire davantage dans des démarches telles que TechWomen. C’est une initiative du gouvernement américain pour favoriser l’autonomisation et la mise en relation, en proposant notamment des formations spécifiques et du coaching. Elle cible la nouvelle génération de femmes qui sera leader en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques en Afrique, en Asie centrale et du Sud, mais aussi dans la région MENA. Notre fédération APEBI, de par son rôle de structure d’accompagnement, est prête à mener ces actions de sensibilisation avec des partenaires institutionnels et privés, mais aussi avec l’aide de mentors féminins. C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, étant également fondatrice de l’AFEM et Techwoman. Lors du salon AITEX, nous ferons éclore un projet concret à l’échelle régionale.

C'est hier 20 novembre que le coup d'envoi du festival Visa for music a été donné, avec la parade
“La carte des stades", spécialement conçue pour les journalistes professionnels, leur offrant un accès privilégié aux stades du Royaume, est
Niché dans la Médina de Marrakech, le Musée de l'Élégance Marocaine invite à une plongée dans l’Histoire et les traditions
L’écrivaine Kenza Barrada publie son premier roman "Mater Africa" aux éditions Le Fennec. Dans ce livre, l’autrice conte l'histoire
31AA4644-E4CE-417B-B52E-B3424D3D8DF4