“Quand j’ai épousé un Marocain, et par conséquent, musulman, je me suis dit que notre couple aurait les mêmes prises de tête que les autres”, confie Vanessa, une Française chrétienne installée depuis 8 ans au Maroc avec son époux. “Malheureusement, au fil du temps, nos différences, que je pensais latentes, ont émergé. Je crois qu’à force d’essayer de m’adapter par amour, je me suis effacée, gommant ma personnalité, mon passé, mon histoire, ma culture pour, ce que je croyais, le bien de notre mariage… Mais un jour, tout a explosé. Je me suis rendue compte que ce n’était plus possible. Il n’acceptait pas la femme que j’étais, cette étrangère qu’il a pourtant aimée avec toutes ses qualités, ses défauts et ses questionnements.” Un témoignage poignant qui reflète les difficultés que rencontrent de nombreux couples mixtes aux origines, cultures et/ou religions différentes. “Vous savez, une personne d’Oujda mariée à une du Sahara, c’est aussi une union mixte, tient à nuancer le psychothérapeute Aboubakr Harakat. Tout est une question de référentiel culturel.” Aussi, l’acceptation de l’autre est la base pour faire de ce défi culturel, un enrichissement mutuel pour l’harmonie du couple.
Se libérer de ses attentes
“Il est impératif de discuter de nos envies respectives en matière de religion et de culture avant d’officialiser la relation”, appuie Aboubakr Harakat. Car il serait naïf de penser que l’amour règlerait tous nos maux. En effet, les questions sont trop nombreuses. Par exemple, pour quelle cérémonie de mariage allez-vous opter ? Dans quel pays allez-vous vous installer ? Comment allez-vous vous adapter à la société et aux traditions de l’autre ? “Le partenaire vivant dans le pays de l’autre aura plus d’efforts à fournir que son ou sa compagne, et ce, en termes de langue et de coutumes, explique ce spécialiste. Néanmoins, l’autre devra l’aider à s’intégrer, tout en le ou la protégeant et en l’aidant à mieux comprendre sa société. La bienveillance est primordiale.” Unis, les deux amoureux ne devront pas se lâcher la main malgré les bourdes de l’un et de l’autre, tout en cherchant à trouver le bon équilibre du couple. “Aucun des deux ne doit perdre son identité, insiste l’experte. Personne ne doit s’effacer pour l’autre.” Le compromis est ainsi le maître mot de la situation. Même si les débats seront parfois houleux et les négociations longues, il est essentiel de poser sur la table toutes ces problématiques qui deviendront, à coup sûr, des épreuves pour le couple si rien n’a été soulevé.
L’art de la négociation
“Le compromis, c’est l’un des éléments constituant le socle d’une relation. Il est salvateur pour que le couple dure, et aucunement risqué. Toutefois, il est important de connaître ses limites pour ne pas tomber dans la compromission”, assure Aboubakr Harakat. Pour lui, le compromis est la résultante de concessions réalisées de part et d’autre du couple. “Chacun se met d’accord sur une solution qui peut arranger les deux, même si elle n’atteint pas 100 % de satisfaction. Chacun y trouve son compte et va de l’avant. Mais, si les concessions ne sont faites que d’un côté, on va vers le sacrifice. Pour savoir si on est dans ce cas de figure, il faut se questionner sur les retours reçus de la part de son partenaire. Si on n’en a aucun ou très peu, il faut dire “stop”, car à force de faire des sacrifices, on risque d’être sacrifié !” Et de lâcher: “Pour faire des compromis, il est important de mettre de côté son orgueil et son amour propre”.
Élever son enfant dans la double culture
“Au cabinet, nombreux sont les couples mixtes qui viennent me voir après la naissance de leur enfant”, indique Aboubakr Harakat. Souvent, les divergences éclatent au grand jour lors du choix du prénom ou de l’éducation imposée par l’un sans prendre l’avis de l’autre. Mais pour éviter tous ces clivages, il est important d’entendre les positions respectives de l’un et de l’autre, de les comprendre et de les accepter. Aussi, autour de la table ou sur le canapé, demandez-vous : quelles attentes avez-vous, chacun de votre côté, en matière d’éducation? Quelle éducation religieuse souhaitez-vous également pour votre enfant ? Célèbrera-t-il toutes les fêtes religieuses ? Si oui, de quelle manière ? Et comment lui parlerez-vous de vos croyances sans en mettre une plus en avant que l’autre ? Ayez toujours en tête qu’une entente est possible car l’essence même d’un couple mixte est bien la tolérance.
Le regard de la famille
“Au Maroc, la famille est bien présente, sourit Aboubakr Harakat, ce qui peut effrayer une jeune femme européenne qui ne comprendrait pas pourquoi il faudrait aller voir aussi souvent sa belle-famille ou assister à de nombreux événements.” Et d’enchérir : “Sur le pourtour méditerranéen, il y a aussi le poids de la Mama”. Néanmoins, pour lui, le regard de la famille n’est plus aussi oppressant que celui d’antan. “Les temps ont changé”, lâche-t-il. Cela ne signifie pas pour autant que les remarques ont disparu. “C’est l’ignorance et la peur de l’autre qui se traduisent par des réflexions”, explique-t-il. Certains parents redoutent l’abandon de la culture qu’ils ont transmise à leur enfant. Aussi, vivent-ils cette union comme un échec éducatif voire une trahison. La patience est de mise, tout en rassurant et en montrant qu’on est sûr de son choix. Mais il y a aussi les “qu’en-dira-t’on”. Dans ce cas-là, n’y faites pas attention et surtout ne vous justifiez pas auprès d’inconnus. Car c’est votre vie privée ! Bref, il faut savoir composer (tout un art !), sans perdre de vue l’essentiel : vos valeurs et l’envie d’être ensemble.
[mks_separator style= »solid » height= »2″]
Comment faire de sa différence dans le couple, une force ?
“Tout d’abord, il faut avoir en tête que la différence dans le couple est supposée être une richesse. Ensuite, pour faire de cette différence, un point de force, vous ne devez surtout pas vous percevoir comme étant “faible” car vous baignez dans une autre culture que la vôtre. Mettez de côté vos préjugés et craintes afin de ne pas être dans la critique mais dans la découverte. Démarrez par la langue. Apprenez-là. C’est la clef de la culture de votre partenaire afin de mieux comprendre son environnement qu’il soit familial ou social. Soyez également dans la bienveillance. L’entourage et les connaissances ont peut-être peur de vous car ils ne vous connaissent tout simplement pas. Si vous êtes dans le partage, ils se rendront compte de votre bienveillance et ils changeront d’attitude envers vous. En une phrase, ne vous enfermez pas.”