“L’amour parental est un véritable challenge”, explique d’emblée Kenza Jai Hokimi, psychothérapeute spécialiste dans le développement de l’enfant, de l’adolescent et de la famille. En effet, ce sentiment est essentiel pour un enfant qui va se nourrir des sentiments de ses parents. “Dès la naissance, un lien d’attachement entre parents et bébé doit petit à petit se tisser, appuie-t-elle. Il peut se traduire par du peau-à-peau, des gestes tendres accompagnés de mots doux. Un nourrisson est une éponge qui absorbe toutes les émotions.” Et de faire remarquer : “Des chercheurs à travers le monde ont noté une carence affective chez les bébés nés durant les confinements et les restrictions imposés en période de pandémie de Covid-19. Les conséquences peuvent être graves pour eux puisqu’ils ne sont plus aptes à développer une dépendance affective…”
Les secrets de l’amour parental
Alors que dans notre société, l’amour parental a été, pendant longtemps, synonyme de retenue, de plus en plus de parents souhaitent, au contraire aujourd’hui, exprimer leurs sentiments envers leurs enfants. “Si vous n’avez pas été éduqué à démontrer votre amour, comment voulez-vous le faire avec vos enfants ? interpelle Kenza Jai Hokimi, conseillant notamment aux plus réservés de venir consulter un professionnel à l’instar d’un coach parental. La thérapie aide à soutenir le parent quelle que soit son histoire.” Et d’enchérir : “Dans ce monde où le stress au quotidien est légion, beaucoup sont les parents qui pensent à tort répondre aux besoins affectifs de leurs enfants en leur préparant à manger ou en les amenant à leurs activités extrascolaires…” Pour cette experte, l’implication affective des parents n’est pas la bonne. “Prenez du recul et créez un véritable lien de qualité, insiste-t-elle. Consacrez une heure à vos enfants, en délaissant, chacun de votre côté, les téléphones et autres écrans.” Les langages d’amour parents-enfant sont multiples et variés, allant d’une simple caresse dans les cheveux à un regard bienveillant, d’un tête-à-tête au restaurant à la préparation de son plat préféré, d’un compliment à un encouragement, d’un bisou sur le front à un réconfort… Mais attention, aimer un enfant ne signifie pas le gâter. La parentalité doit être son refuge. Aussi, l’amour d’une mère et/ou d’un père demande écoute, dialogue, bienveillance, affection et attention.
Rayonner pour mieux aimer
“Par amour, vous ne devez pas être esclave de votre enfant, prévient Kenza Jai Hokimi. Il faut penser à soi et apprendre à s’aimer pour mieux aimer !” La mère parfaite n’existe pas, rappelle, avec beaucoup de justesse, cette spécialiste. Ce mythe pousse trop de mamans aux burn out ! Et d’enchaîner : “L’important est de trouver son équilibre”. Pour elle, il ne faut surtout pas culpabiliser mais plutôt prendre soin de soi. L’amour parental est complexe. Il se construit et est en perpétuelle évolution. “La relation dans le couple a également des conséquences sur l’amour donné à son enfant”, prévient-elle, appelant à la communication. “Il faut rechercher tous les ingrédients possibles pour faciliter la construction d’une famille et se serrer les coudes dans l’adversité. La pandémie a mis à rude épreuve les couples et les parents !” Indulgent et inconditionnel, l’amour parental est ainsi le plus beau des modèles pour un enfant.
Q&R
Houda Hjiej, Pédopsychiatre et enseignante universitaire
Comment l’amour des parents façonne-t-il la vie des enfants, notamment durant les premières années ?
Désirer un enfant avant même sa conception peut être la première étape vers la construction d’un rapport parental positif. Toutefois, il faut faire attention. Rien n’est simple car la concordance, ou pas, de l’enfant réel et celui imaginé par les parents sur lequel ils ont projeté leurs désirs, consciemment et inconsciemment, risque de modifier ce lien qui est en train de s’installer.
Une relation d’amour saine entre parents et enfant permettra à ce dernier de développer des besoins affectifs en termes de sécurité et de confiance en soi, lui donnant la force et l’envie d’aller explorer le monde extérieur et de nouer, en toute sérénité, des liens sociaux. Un enfant qui se sent aimé va aussi avoir plus de facilité à s’identifier à ses parents, sans avoir peur de s’en distancier lorsque c’est nécessaire.
Beaucoup de parents aiment leurs enfants au point d’être prêts à tout pour eux. Pourtant, certains enfants ne trouvent pas leur bonheur dans un tel amour… Pourquoi ?
Quand le parent aime son enfant, il peut arriver qu’il projette sur lui ses propres envies, étouffant ainsi celles de son petit. Dans ce cas, quand bien même ces désirs émergeraient, ils seraient stoppés, réprimandés, voire annihilés au nom d’une soi-disant protection parentale. En fait, c’est un amour narcissique dans lequel le parent projette ses ambitions personnelles et/ou cherche à réparer ses défaillances passées. “Le bon amour” d’un parent pour un enfant, c’est un amour certes inconditionnel mais où les limites entre soi et l’autre sont bien définies.
Comment concilier alors amour et limites avec ses enfants ?
Considérant l’enfant comme un être à part entière avec des désirs et compétences, le parent aimant adopte un rôle d’accompagnateur, favorisant l’émergence de ses facultés tout en traçant les limites dans lesquels il est capable d’évoluer. Les frontières sont posées en toute bienveillance et respect, et ce, en accord avec lui. Les parents qui ont du mal à poser des limites au nom de l’amour, confondent “l’enfant qu’ils ont en face d’eux” avec “l’enfant enfoui en eux”. En clair, la frustration vient d’eux-mêmes et non de leur enfant.
