La maltraitance économique ne laisse ni bleus, ni hématomes ni traces. Mais elle marque indéniablement le psychisme. Parler d’argent lorsque l’on est en couple est encore tabou. Ce tabou mêlé aux violences systémiques exercé par les hommes sur les femmes peut donner lieu à des situations violentes au sein du couple. Ces “violences socioéconomiques englobent tout acte intentionnel qui vise à rendre la femme vulnérable économiquement. Cela commence par le fait de l’empêcher de travailler, puis lorsqu’elle travaille de la priver de son salaire”, explique Amel Sebti, psychothérapeute, hypnothérapeute et Life coach. Revêtant plusieurs facettes, ces violences peuvent aussi se traduire par la gestion exclusive du compte bancaire par le conjoint, la confiscation de la carte bancaire ou encore de multiplier les reproches liés aux dépenses. L’argent devient alors un moyen de pression, isolant la victime et permettant à l’auteur de conforter son emprise.
Un lourd héritage culturel
“Anthropologiquement parlant, l’Homme a toujours développé le sentiment de possession pour la terre, les objets, les animaux mais aussi pour d’autres humains dont la plus vulnérable n’est autre que la femme. Historiquement parlant, il y a eu toujours une certaine domination de l’homme sur la femme ; celle-ci n’étant là que pour la perpétuation de l’espèce”, rappelle la psychothérapeute. Dans cet ordre d’idées, les violences économiques sont la résultante d’un héritage historique conforté, comme le souligne Amel Sebti, par “un facteur éducatif sociétal qui considère que la femme n’est pas l’égale de l’homme”. Ainsi les violences économiques peuvent être expliquées par plusieurs siècles d’infériorisation de la femme dans le domaine économique, celle-ci demeurant bien souvent cantonnée au foyer et à l’éducation des enfants, un héritage qui a toujours des résonances dans les comportements quotidiens en dépit des avancées. La question de l’argent reste genrée encore aujourd’hui. À compétences égales, les femmes gagnent moins que les hommes. “Aujourd’hui les choses sont en train de changer, les femmes ont les moyens de s’émanciper, d’être autonomes…”, souligne toutefois la psychothérapeute.
Une violence difficile à repérer
Les victimes de violences économiques n’ont généralement pas consciences qu’elles sont sous emprise financière, sinon “ce type de violences aurait été éradiqué”, s’exclame la psychothérapeute qui range ce type de violence dans la catégorie des violences psychologiques. Pour s’en rendre compte, Amel Sebti détaille deux phases. “La première est celle du consentement. La victime qui a un passif de blessures émotionnelles et psychologiques, va rester dans une relation où elle est abusée économiquement”, développe Amal Sebti. La deuxième phase se distingue par la prise de conscience de la victime, “lorsque la violence économique conduit à des niveaux de souffrances insupportables ou que la victime est “éveillée” par une tierce personne” résume la spécialiste. Et puis, il y a des violences non intentionnelles qui se manifestent par un désir de surprotection du mari sur sa femme. Amel Sebti la place dans la catégorie des violences indirectes qui sont d’après elle les pires. “Elles consistent par exemple à s’accaparer l’argent de sa femme qui travaille ou à prendre possession de ses biens”, détaille la psychotérapeute.
Une forme de perversion
Lorsque l’on parle de violence économique, on ne peut pas ne pas évoquer le rapport de force “dominant” et “dominée”. En effet, il y a dans ce genre de violence une sorte de soumission et de dépendance envers l’autre. “Partout dans le monde et a tous les niveaux, l’argent est un moyen de pression et de contrôle”, constate Amal Sebti.
Tout comme une victime d’un pervers narcissique a du mal à s’en défaire, la victime de violence économique a du mal à s’en sortir. “Elle seule a le pouvoir de se sauver”, nuance la coach de vie. “On peut protéger la victime en institutionnalisant des facteurs de protection, en repensant le statut économique de la femme, mais aussi et surtout en. éduquant les hommes et les femmes”, conclut Amal Sebti.
Si les violences économiques sont la face cachée de l’iceberg en matière de violences conjugales, il y a tout de même des techniques à mettre en place pour se protéger. La première est de préserver son autonomie financière en possédant un compte bancaire personnel. Ensuite, il faudra exiger une connaissance des revenus et des dépenses du couple, le solde des comptes bancaires, les relevés de placements et les dossiers de crédit. Très important enfin, il ne faut jamais signer des documents administratifs sans en connaître la nature et l’utilité.