Je vais être radical. Et, d’emblée, choisir d’identifier le Bonheur au Plaisir… Bien que ce choix pose problème… En effet, rien n’empêche que nous puissions éprouver du plaisir sans être heureux pour autant. C’est la grande leçon, peut-être même l’une des plus importantes que nous donnent les plaisirs de la table. Une vie remplie de plaisirs de table n’est pas, pour autant, une vie réussie. Le Bonheur se doit donc bien d’être… Autre chose. Oui, mais quoi, donc. Se peut-il qu’il soit l’addition de tous les plaisirs, donc le résultat serait impossible, la vie étant trop courte! Alors ? Si j’ai choisi, dans un geste radical, j’espère bien être pardonné, lier Bonheur et Plaisir, je ne dérogerai pas à la règle qui consiste à définir les termes… Le Plaisir, donc. Où l’on se retrouve dans le Jardin d’Épicure… De sorte que nous commencerons par énoncer l’idée que si le plaisir est à la fois la voie et le but de toute vie dite “heureuse”, certes, le grand Épicure sera bien d’accord avec ce postulat. Et il le sera d’autant plus qu’il semble même qu’il soit un peu l’inventeur de ce cheminement, de cette manière de vivre, et de philosopher. Alors, si Bonheur et Plaisir sont, pour la philosophie Épicurienne, devenus à la fois si intimes, et si intimement liés au principe de Vie, au vitalisme, on dira que pour Épicure, le fait de les conjuguer, de les lier si fortement permet de définir ce que notre grand philosophe antique appelle : la Vie Bonne. Alors, demandons-nous d’abord ce qui fait l’essence de cette vie qu’il s’agit de rendre bonne.
Ce qui fait l’essence de la vie, c’est d’abord “sa propre sensation”, sentir la vie, ressentir ce qui “fait-Vie”. Essentielle, la sensation. Car c’est par elle que nous sentons les choses et qu’avant toute chose, nous nous sentons les sentir. Il arrive que la sensation soit bonne, – c’est le plaisir, ou mauvaise, et c’est la souffrance. C’est bien pour cela qu’Épicure nous propose une sorte d’exercice spirituel, une pratique, une technique de vie dont le but est de nous rendre heureux. Le voici : “Habitue-toi à penser que la mort n’est rien par rapport à nous ; car tout bien et tout mal est dans la sensation : or, la mort est privation de sensation”.
Le Bonheur, donc, c’est aujourd’hui. Vivre, c’est vivre maintenant. Ce n’est pourtant pas un devoir de vivre au présent, c’est plutôt une norme dictée par la nature des choses, c’est même une nécessité : en effet, je ne peux vivre qu’au présent puisque la sensation ne peut être vécue qu’au présent. Or, le présent c’est ce qui ne cesse de recommencer, et c’est la définition même de l’éternité. Je vais mourir, c’est sans doute la phrase la plus vraie que je puisse prononcer de mon vivant, condition sine qua none, du reste. Alors, philosopher… C’est savoir vivre non point en homme qui demain encore vivra, mais vivre en homme qui demain sera mort. C’est pourquoi il nous faut éliminer le superflu de la vie – on dira ce qui n’apporte rien, ou ce qui est toxique – et se recentrer sur le nécessaire en vue de mener une vie heureuse, c’est-à-dire une vie de plaisirs. “Travaille pour ton Bonheur!” telle est bien la grande leçon du grand Épicure.