Vous avez fait de longues études de commerce, et parallèlement à cela, vous avez commencé à chanter. Pour vous la chanson a toujours été une évidence ?
Être chanteuse a été une évidence pour moi quand j’ai eu à peine 7 ou 8 ans. Mais personne ne me croyait, et on pensait que c’était une lubie de petite fille. Mais, moi j’étais intimement convaincue que j’allais devenir chanteuse et que je devais tout faire pour y arriver… Je n’ai pas laissé tomber mes études pour autant, car j’estime que l’éducation, bien plus que les études ou le fait d’avoir des diplômes, est très importante. Bien sûr, cela n’a pas été facile d’allier les deux, et il fallait redoubler d’efforts, mais grâce à Dieu, j’ai réussi…
Après “Denia”, votre première chanson qui est très mélancolique, vous surprenez vos fans avec des chansons aux styles musicaux différents. Quel est le style qui vous représente le mieux ?
Ma musique suit mon évolution personnelle et mes états d’âme. “Denia” était une chanson très spéciale pour moi-même et pour ma mère, et nous l’avons co-écrite et co-composée juste après le décès de mon papa. Cette balade mélancolique était le reflet de notre profonde tristesse… Dans ma troisième chanson “Taj”, j’ai choisi le rap pour évoquer le sujet des agressions sexuelles, les stéréotypes et clichés véhiculés au sein de la société marocaine. Ce style musical hardcore était le mieux adapté pour parler de sujets dits “tabous”. C’est pour vous dire que mon style s’adapte à la thématique abordée. Mais surtout, je ne voudrais pas qu’on me catégorise en tant que chanteuse pop, rap ou RnB. Et si on veut donner un nom à ce que je fais, je dirai que c’est de la pop urbaine.
À travers les thèmes abordés dans vos chansons, on sent votre engagement pour la cause et les droits des femmes. Peut-on vous qualifier de féministe ?
J’ai toujours été féministe. Mais pour moi, être féministe, c’est aussi accepter ses torts, en parler et ne pas se dire qu’on est parfaite. J’estime qu’il est nécessaire et indispensable de parler de tous les thèmes, et particulièrement de ceux considérés comme tabous. Cela se reflète dans mes chansons qui abordent des sujets concernant la femme, la société, mais aussi l’homme… C’est le cas par exemple de “Niya”.
Dans “Niya”, une image du clip a choqué le public, celle de gouttelettes de sang sur un drap blanc, évoquant la virginité de la mariée…
Tout d’abord, “Niya” ne traite pas du tout du sujet de la virginité, mais plutôt de l’histoire des chikhates marocaines. Le sang sur le drap était simplement un clin d’œil à une tradition vécue par nos mères et grands-mères qui devaient montrer le drap taché à tout le monde. Ce geste, que je l’approuve ou non, reste un choix personnel qui fait partie de notre culture et de nos traditions. Je trouve que c’est bien que cela qu’il ait suscité un débat, même si le cœur du sujet se situe ailleurs…
Justement “Niya” est une ode aux chikhates, ces artistes méconnues et méprisées. Est-ce toujours le cas, à votre avis ?
Effectivement, les chikhates sont traitées de façon méprisable. Leur nom a une connotation négative. Les chikhates sont des femmes indépendantes qui ont tout sacrifié pour vivre leur rêve, leur art et leur passion.
En tant qu’artiste, il m’a semblé important de parler d’elles à travers l’histoire d’une chikha qui a envie de se marier avec l’homme qu’elle aime, de fonder une famille tout en continuant à exercer son art. Mais la réputation que les chikhates traînent, parfois à tort, les condamnent à vivre solitaires et sans amour.
Comment se fait le choix des sujets traités dans vos chansons ? Et quel est le déclencheur qui vous incite à écrire sur tel ou tel thème ?
Je puise mon inspiration de mon vécu, d’une déception amoureuse, de mon entourage, de faits de société et de sujets tabous. Il arrive parfois que je bouscule les choses, et je choisis alors de traiter le thème non pas du point de vue de la victime, mais plutôt de celui du coupable pour mieux cerner ses motifs et ce qui l’a poussé à transgresser la loi. Je sais que je prends des risques et que certaines thématiques peuvent prêter à polémique. Mais je suis certaine que cette façon d’agir est importante, car nous avons besoin de nous secouer… Il n’y a pas que des chansons soft dans la vie. Je pense que mon art aura une portée plus significative si j’essaie de faire bouger les lignes à ma manière.
Parlons aussi de votre actualité. Y a t-il une nouvelle chanson dans le pipe ?
Oui, un album qui sort ces jours-ci, et sur lequel nous avons travaillé pendant 2 ans. C’est notre premier enfant, à Monsef et à moi. Depuis notre mariage, les gens ne cessent de nous poser des questions sur le sujet, mais pour l’instant, notre bébé est cet album intitulé “360”. Nous y avons placé tout notre amour, toute notre énergie et toute notre concentration. On a hâte de le partager avec le public. C’est un projet personnel qui me représente en tant que personne et artiste. Je m’y suis amusée et j’ai traité pleins de sujets à travers différents styles musicaux. Cela va de la balade à la pop, au rock en passant par le hardcore.
Chanter en darija a-t-il été un hcallenge pour vous ?
Écrire en darija a été un vrai défi pour moi. Notre darija est assez “rude”, la phonétique et la prononciation de certaines lettres peuvent rebuter, et je devais la travailler pour que le texte soit beau, doux, agréable à écouter et que ça rime bien, c’était un vrai challenge. La vérité, je ne m’imaginais pas chanter en darija, et j’essayais de chanter en français et en anglais. Mais au fil du temps, je m’attache de plus en plus à mes racines, à mes origines et à mon identité et je fais toujours mon maximum pour chanter en darija. Il faut être fiers de notre langue, et faire connaître notre dialecte marocain en dehors du pays…
Avec cette pandémie, le public est privé de spectacles et de concerts. En tant qu’artiste, comment vivez-vous cette situation ?
Déjà c’est une grande frustration de ne plus se produire. La scène est une partie très importante de mon activité, j’aime beaucoup performer et partager mon art avec mon public. Financièrement aussi, c’est très difficile, que ce soit pour moi ou pour n’importe quel artiste dans le monde. Les spectacles et les concerts sont une source de revenus très importantes pour nous, mais on n’a pas le choix… Il faut positiver. C’est pour cela que je pense qu’il faut avoir l’esprit d’initiative, et entreprendre des choses pour multiplier ses ressources pour pouvoir s’en sortir et surmonter une crise comme celle que nous vivons actuellement.
À ce sujet, on vous découvre cette année en tant que jeune entrepreneure. Racontez-nous l’aventure de votre marque qui vient d’être lancée ?
Je ne vous cache pas que c’est une grande fierté pour nous. Nous travaillons sur cette marque 100% marocaine depuis 2 ans, et notre challenge a été de tout fabriquer localement. “Bari & Soch” est le nom de cette marque marocaine, unisexe, destinée aux jeunes, et qui véhicule des messages forts, comme l’indépendance, la force et la liberté. Ce sont des valeurs qui nous représentent… Je pense que beaucoup de jeunes (et moins jeunes) sont en quête de cette liberté, mais pour cela, il faut oser prendre des risques, fournir plus efforts, etc. “Bari & Soch” a reçu un excellent accueil et nous nous préparons à lancer une collection printemps-été très bientôt.
Qui dessine les modèles de vos collections de prêt-à-porter ?
Nous sommes quatre associées, en fait deux couples. Avec mon amie Meriem, nous dessinons les modèles, ensuite, les garçons prennent en charge le suivi. La collection est exclusivement en ligne, et on peut passer commande sur notre site web, notre page instagram et même sur un numéro whatsap, ceci afin permettre à tout un chacun de découvrir nos modèles…
En parlant de mode, quel est votre look préféré ?
Franchement, j’aime tout ce qui est confortable, fashion et de très bonne qualité. La mode est très importante pour moi, mais cela doit me représenter et refléter ma personnalité. Autrement dit, vous allez rarement me voir porter des talons, car c’est une vraie torture pour moi mais parfois je suis obligée de m’y soumettre…
Quels conseils pourriez-vous donner à quelqu’un qui démarre et rêve de suivre vos pas ?
Ne jamais laisser tomber et ne pas avoir peur de l’échec. Quand les gens voient quelqu’un réussir, ils s’imaginent que cela a été facile pour lui, mais il faut savoir qu’une personne qui a réussi a échoué plusieurs fois mais n’a jamais laissé tomber. L’échec peut être un formidable tremplin pour rebondir, et une excellente chose pour mieux apprécier le succès lorsqu’il arrive. Puis, il ne faut jamais s’entourer de personnes négatives, mais plutôt de celles qui vous tirent vers le haut, et enfin rester focalisé sur son objectif.
Quels sont vos objectifs en 2021 ?
Vivre une vie normale et voyager (rire). Plus sérieusement, sortir mon album, continuer à faire ce que j’aime, partager des moments avec ma communauté, aider les gens, être heureuse et profiter pleinement de ma famille.