La mémoire contre la banalisation du pire

En faisant défiler quelques photos prises en 1975 lors de la Marche Verte, notre regard est captivé par ces 35000 volontaires du sexe dit “faible” qui ont pris part à la libération de notre Sahara marocain des mains du colon espagnol…

 Des visages joyeux et heureux, fiers de marquer de leur présence cet événement historique. Ces femmes courageuses, faut-il le souligner, ont été un maillon fort dans la concrétisation de cette idée de génie de feu SM le Roi Hassan II, grâce à qui le Maroc a pu récupérer ses provinces sahariennes sans l’effusion de la moindre goutte de sang.

Ces magnifiques photos, en noir et blanc, ont une valeur de symbole. Elles inspirent la nostalgie, l’héroïsme, la beauté et le sacrifice de ces femmes et filles qui ont tout laissé derrière elles pour aller vers l’inconnu et le danger. Le Maroc et les Marocains leur sont, à jamais, redevables.

Mais, en creusant un peu plus dans nos archives, on mesure l’ampleur des sacrifices consentis par les Marocaines pour défendre leur pays et son indépendance. Notre histoire contemporaine est féconde de ces hauts faits de bravoure. En effet, la femme marocaine a combattu férocement le colonialisme espagnol pendant la guerre du Rif, mais aussi, l’occupant français dès 1912. Beaucoup d’entre elles ont été emprisonnées, blessées et même tuées. Malgré ces sacrifices, trop peu ont eu droit de cité dans nos films, nos livres d’histoire ou même dans les noms de nos rues. Qui connaît les noms de Aïcha bent Abi Ziane, Itto Zayani, Aïcha Al Amrania, Malika Al Fassi, Daouya Al Kahli ou Fatima Benslimane ? Qui a entendu parler des 117 femmes tuées aux côtés de 210 combattants dans la bataille de Bougafer dans la montagne du Saghro entre janvier et mars 1933 ?

Et si le mal venait de la faillite de notre mémoire collective ?

Le rôle de la femme dans notre société n’est plus à démontrer. En tant que mère, elle a élevé des générations contre vents et marées dans une société patriarcale qui ne lui a reconnu pendant longtemps que le droit de se taire et de se soumettre aux desideratas presque “divins” de l’homme. Aujourd’hui, en tant qu’actrice économique et grâce à ses compétences, elle s’est imposée dans les postes les plus divers, tels que chef d’entreprise, médecin, avocate, professeure, etc. Malheureusement, la mentalité archaïque a la peau dure. Le statut de la femme a beau évoluer grâce à la Moudawana, sa place est toutefois restée inchangée. Qu’elle soit ministre, pilote de ligne ou chirurgienne, la femme marocaine reste toujours l’épouse de monsieur quand elle est mariée ou une proie quand elle est seule dans la rue.

Nous changerons peut-être cette mentalité rétrograde si nous parvenons à apprendre à nos enfants tout ce que cette femme marocaine a consenti pour son pays. En racontant et en magnifiant son rôle, à l’image de ces illustrations de la Marche Verte, nous contribuerons à coup sûr à éradiquer cette banalisation du pire où une femme ne peut marcher aisément dans la rue sans être harcelée, et sans que cela ne choque personne. Alors, peut-être, peut-être bien que nous n’aurions plus à célébrer le 25 novembre de chaque année comme journée de lutte contre les violences faites aux femmes ! 

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