Eva Peron La madone argentine

C’est le destin hors du commun d’une enfant, née illégitime, qui va connaître la misère, les humiliations et les privations avant de devenir un jour la première dame d’Argentine, l’épouse du président Juan Peron et l’idole de tout un peuple. Soixante ans après sa mort, Eva Peron demeure une icône et un mythe au pays du tango.

“Je me marierai avec un prince ou un président”, disait la petite Maria Eva Duarte dans sa vie de misère au fond de la campagne argentine. Aujourd’hui, on parle de la “loi de l’attraction” qui permettrait de réaliser un rêve par le pouvoir et la puissance de la pensée.

C’est dans une pauvre ferme de Los Toldos, province de Buenos Aires, qu’Eva voit le jour le 7 mai 1919. Sa mère, Juana Ibarguren, travaille comme cuisinière chez un riche éleveur, Juan Duarte qui a déjà une famille légitime. Il lui fera un garçon et quatre filles, non inscrits à l’état civil, mais implicitement reconnus. Eva souffre de son statut de bâtarde et de la condition de sa mère traitée par tous de dévergondée. À l’école, elle révèle un don certain pour les matières artistiques et littéraires.

Quand Juan Duarte meurt dans un accident de voiture, la mère Juana et ses enfants se retrouvent démunis. La famille légitime leur interdit l’accès aux funérailles et les humilie publiquement. Eva a six ans et en sort marquée à jamais. Elle dira un jour dans un discours “Aujourd’hui, chaque injustice blesse mon cœur comme si on y enfonçait un clou, car dans ma vie, chaque âge m’a déchirée au plus profond de moi-même”. Obligée d’arrêter ses études, elle refuse de trouver refuge dans le mariage comme ses sœurs.

Une pauvre fille du peuple

À quinze ans, mue par sa passion du cinéma et son désir de devenir actrice, Eva part chercher du travail à Buenos Aires, car pour elle “à la campagne, il n’y a que des gens pauvres. J’imagine cette ville comme un paradis merveilleux où tout le monde est riche et heureux.”

Elle déchante très vite : sans argent, elle connaît le froid et la faim. À force de persévérance, elle décroche des petits rôles au théâtre et vivote ainsi plusieurs années. Remarquée pour son charisme, son don de la parole autant que pour sa beauté, Eva est engagée à la radio où son talent éclate en tant que présentatrice. Elle commence à connaître le succès et à vivre de son métier. Le programme de radio-théâtre en fait une vedette auprès du public.

Elle fonde le premier syndicat des employés de radio, l’ARA. Le cinéma la sollicite, elle tourne dans plusieurs films de la série “Les grandes femmes de l’Histoire” où elle joue Elisabeth 1ère d’Angleterre ou Sarah Bernhardt. Elle devient l’une des actrices les plus en vues et les mieux payées d’Argentine. Forte de sa popularité, Eva s’engage en 1943 dans le syndicalisme politique aux côtés des ouvriers.

La vie d’Eva bascule quand elle rencontre la colonel Juan Perón lors d’une vente de charité organisée afin de récolter des fonds pour les victimes du tremblement de terre qui a frappé la région de San Juan. Elle lui dit d’emblée : “Si comme vous l’affirmez, la cause du peuple est votre cause, alors je resterai à vos côtés jusqu’au bout de mes forces.” Plus que séduit, Juan est conquis. Ils se marient le 21 octobre 1945.

Adulée par le peuple, détestée par les riches

Quand Juan Perón se présente aux élections présidentielles dans une Argentine déchirée par la lutte des classes et la corruption, Eva s’engage à ses côtés. Ses racines humbles de fille du peuple font d’elle le meilleur lien entre son mari et les travailleurs, ceux qu’elle appelle affectueusement “los descaminados” (les sans-chemises), soutien politique fondamental à son mari.

À la radio, elle enchaîne les discours où elle rappelle ses origines modestes et exhorte les pauvres à se relever. Elle accompagne partout Juan Perón dans sa campagne électorale pour les présidentielles de 1946. Elle sait parler et capter la sympathie des foules. C’est la première fois dans l’histoire de l’Argentine qu’une femme participe à des meetings politiques.

Quand Juan Perón est élu Président de l’Argentine, Eva est une des figures les plus influentes de son pays et la plus populaire par ses multiples actions sociales en faveur des classes défavorisées.

Bien que riche et puissante, la première dame d’Argentine n’oublie pas ce qu’avait été sa vie de petite fille déshéritée et illégitime. Elle créé la Fondation Eva Perón, construit des hôpitaux, des écoles, des orphelinats, des maisons pour personnes âgées, des colonies de vacances, attribue des bourses d’études. Empathique et humaine, elle invite les pauvres à la visiter dans son bureau et à lui écrire. Elle reçoit des centaines de personnes par jour.

Dorénavant, on la surnomme affectueusement “Evita”. Chacun de ses discours est acclamé par des milliers de personnes. Adulée par le peuple des humbles, elle est détestée par les riches et les machistes dans un environnement dominé par les hommes et l’argent.

Cheffe Spirituelle de la Nation

Elle conquiert le cœur des Argentines en leur parlant d’égalité, de liberté et de dignité, car elle se bat pour les droits des femmes et des enfants qu’elle considère comme les piliers essentiels de toute société juste et émancipée.

Grâce à elle, naîtra une Argentine féministe, une révolution dans une société conservatrice. Elle arrache au gouvernement de son mari le droit de vote des femmes en 1947, et l’acceptation du principe d’égalité politique et civile.

Dans un discours à la radio, elle déclare : “Femmes de ma patrie, c’est le début d’un réveil joyeux d’aurores triomphales, un événement historique qui traduit la victoire de la femme sur les incompréhensions, les refus et les intérêts des castes aujourd’hui répudiées par notre réveil national.” Evita créé en 1949, le Parti péroniste féminin, premier parti politique féminin de l’Histoire de l’Argentine. Ainsi seront élues 23 députées et 6 sénatrices.

Le jour de ses 33 ans, elle est nommée “Jefa Espiritual de la Nacion” (Cheffe Spirituelle de la Nation). À l’étranger, elle est couverte de prix et de distinctions.

Au sommet de sa gloire, Evita est fauchée par un cancer de l’utérus foudroyant. Elle meurt en pleine jeunesse, à 33 ans, le 26 juillet 1952. L’Etat organise des funérailles nationales et décrète un deuil national de trente jours. Des millions d’argentins suivent le cortège funèbre. Tous veulent embrasser le cercueil de leur idole, il y a des évanouissements et même des morts. Le corps d’Evita va connaître une série d’aventures : embaumé et conservé dans les locaux du syndicat de la CGT, il est enlevé à la chute de Juan Perón, et envoyé en Italie où il est enseveli à Milan sous une fausse identité durant 16 ans, avant d’être rapatrié en 1976 où il repose au cimetière de la Recoleta de Buenos Aires.

Une vie fabuleuse et tragique

Malgré sa courte vie, Evita Perón laisse en héritage une œuvre sociale considérable, sans oublier la féminisation de la politique en Argentine et la lutte pour les droits des femmes. Evita a tenu à léguer au peuple tous ses biens personnels, en témoignage d’amour. Elle qui n’avait jamais eu d’enfants disait que ses vrais enfants étaient les gens du peuple.

Elle raconte ses mémoires dans deux ouvrages “La razon de mi vida” (La raison de ma vie) et “Mi mensaje” (Mon message).

La vie fabuleuse et tragique d’Eva Peron a inspiré toutes les formes d’art chez les créateurs argentins et dans le monde. Le cinéma notamment, avec le célèbre film musical “Evita” d’Alan Parker où Madonna livre une interprétation inoubliable et une chanson devenue culte “Don’t cry for me Argentina”.

De nombreuses statues, effigies et images d’Evita parsèment encore à aujourd’hui Buenos Aires. On ne compte ni les écoles et institutions, ni les infrastructures publiques ou privées qui portent son nom et perpétuent la mémoire de celle qui fut le symbole absolu, l’icône de tout un peuple qui l’a élevée au rang de madone et de sainte. 

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