Benhila Regraguia, un grand nom de l’art au Maroc, a laissé un héritage durable de 1940 à 2009. Et Fatna Gbouri, active de 1924 à 2012, est une figure de proue de la scène des arts plastiques au Maroc. Rendre hommage aux deux plasticiennes c’est aussi célébrer leurs parcours créatifs extraordinaires. D’où l’idée d’organiser cette exposition remémorative dédiée aux deux artistes-peintres à la Galerie La Kasbah d’Essaouira dans le cadre du cycle « Les Immortels d’Essaouira». Selon Kabir Attar, le directeur et président fondateur de cette galerie, il s’agit de deux figures emblématiques de l’art plastique tant au Maroc qu’à l’international, qui ont exprimé une fidélité indéfectible envers la ville d’Essaouira et ont significativement contribué à l’ouverture culturelle de cette destination aux diverses influences civilisatrices.
Benhila Regraguia est renommée pour sa générosité dans l’expression plastique personnalisée et son esprit d’équipe, tandis que Fatna Gbouri se distingue par sa présence constante et son engagement sur la scène culturelle dynamique d’Essaouira en compagnie de ses deux fils, le regretté plasticien Ahmed Majidaoui et le plasticien contemporain Abdelhamid Majidaoui.
Cette exposition commémorative se veut un hommage vivant et vibrant à leur mémoire et tend à revaloriser leurs œuvres plastiques inoubliables.
D’abord, Regraguia Benhila, née à Essaouira en 1940, est une artiste qui a su déjouer les desseins du destin en troquant ses peaux de mouton contre des pinceaux, en se hissant d’une condition plus que modeste à celle plus prestigieuse d’une artiste qui maîtrise l’univers de la création. «La peinture de Benhila est d’une générosité exubérante. D’une grande fraîcheur. La fraîcheur du ciel et de la mer. Elle peint l’aube à la fois étrange et belle lorsque les brouillards de la nuit font danser la lumière du jour. C’est le monde qui renaît au bout du rêve. Elle peint le ciel de la fertilité quand le jour enfante la nuit», souligne l’écrivain, journaliste et ethnomusicologue Abdelkader Mana.
Ensuite, Fatna Gbouri, née en 1924 à Tnine Gharbia (province de Safi) et commence à peindre en 1982 à l’âge de 58 ans. Au même titre que Chaibia Talal, cette plasticienne est une des pionnières féminines de la peinture marocaine. Selon le critique d’art Olivier Rachet: «Son trait est spontané, proche en cela de l’art brut, et semble avoir pour vocation de partager l’émerveillement de tous les sens». L’univers de cette artiste-peintre célèbre les scènes rurales de mariages, de naissances, de célébrations et bien plus encore, qu’elle a pu observer et vivre dans son quotidien. L’artiste prend soin de surprendre par un choix de couleurs éclectiques et vives sans pour autant dénaturer la beauté des moments immortalisés. «Les couleurs chantent sur la toile, et la prédilection pour les tonalités primaires posées en aplat compose une partition graphique dont on perçoit aussi les échos.», poursuit le critique d’art français.
Soulignons enfin que cette exposition remémorative des Benhila Regraguia et Fatna Gbouri est l’occasion de découvrir ou redécouvrir le génie des deux plasticiennes légendaires, pionnières de la scène des arts plastiques au Maroc. Un vrai régal pour les visiteurs de la Galerie la Kasbah d’Essaouira avec un bouquet rétrospectif savoureux et planant.